
Des soldats de l'armée libanaise (à droite) et des troupes israéliennes se rassemblent près de leurs véhicules de part et d'autre d'une barrière de barbelés, alors qu'un bulldozer israélien déverse de la terre pour construire un barrage le long d'une route à Bourj al-Mlouk dans le caza frontalier de Marjeyoun au Liban-Sud, le 25 janvier 2025. Photo AFP/Rabih Daher
L’accord entre Israël et le Hezbollah entré en vigueur le 27 novembre 2024 prévoyait un retrait israélien total du Liban-Sud dans un délai de 60 jours, c'est-à-dire ce dimanche. Mais à la veille de l’échéance, l’armée israélienne poursuivait ses exactions au Liban-Sud et a bloqué la totalité des routes menant aux localités du secteur est de la région, rapportent notre correspondant Mountasser Abdallah et l’Agence nationale d’information (ANI, officielle).
Samedi, après avoir condamné les routes en construisant des barrages de sable ou en détruisant la chaussée à l’aide d’excavateurs, l'armée israélienne a publié un communiqué interdisant aux habitants d’une soixantaine de villages de rentrer chez eux. Et ce alors que son aviation survolait le secteur est, notamment les cazas de Marjeyoun et de Hasbaya, et ses drones la région de Nabatiyé. Des habitants ont aussi reçu des appels téléphoniques en arabe de numéros internationaux, les sommant de ne pas retourner chez eux. L’armée israélienne a toutefois précisé qu’elle n’avait « nullement l’intention de tirer sur les habitants ».
Dans la zone de Kantara, caza de Rachaya, un habitant a même été blessé par une balle tirée du côté israélien, selon des habitants. Transporté à l’hôpital Cheikh Ragheb Harb, il était dans un état stable.
Contacts de Macron, critiques de l'armée
C’est dans ce cadre que « le président (Joseph) Aoun a reçu un appel de son homologue français Emmanuel Macron qui l'a informé des contacts qu'il mène pour que le cessez-le-feu soit maintenu », a indiqué le palais présidentiel de Baabda dans un communiqué relayé samedi sur son compte X. M. Aoun a de son côté demandé au chef de l'État français « d'obliger Israël à appliquer les clauses de l'accord de cessez-le-feu ».
Vendredi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu avait annoncé que l'armée israélienne ne se retirerait pas du Liban-Sud dans les délais prévus. Une situation qui a poussé l’armée libanaise à appeler les habitants, « pour leur sécurité », « à retarder leur retour vers les zones frontalières, vu les mines et les objets suspects laissés sur place du fait des violations israéliennes ».
La troupe a également dénoncé, dans un communiqué, « les atermoiements de l’ennemi israélien dans son retrait qui compliquent le déploiement de l’armée », de même que « les violations continues de l'accord et les agressions contre la souveraineté du Liban ».
Le Hezbollah a haussé le ton samedi, menaçant Israël d’ouvrir les portes de l’enfer sur ses soldats si l’armée israélienne ne se retirait pas. « Si l'occupant (Israël) ne se retire pas, les portes de l'enfer s'ouvriront devant ses soldats et leurs bases. Pas besoin de plus de détails », a souligné « une source dirigeante » du Hezbollah citée par le journal libanais el-Liwa’. D'habitude, le parti chiite recommande de ne pas se fier aux sources anonymes citées dans les médias et de s'appuyer seulement sur ses communiqués officiels.
Plusieurs représentants de la formation pro-iranienne ont ainsi fermement dénoncé cette prolongation annoncée de la présence de l'armée israélienne au Liban-Sud au-delà de la date limite du 26 janvier. « La présence continue de l'ennemi sur notre territoire est inacceptable et constitue une occupation », a déclaré le député du Hezbollah de Baalbeck-Hermel, Hussein Hajj Hassan, en marge d'une cérémonie d'hommage à des combattants du parti chiite lors de la guerre contre Israël. « Nous, au sein de la Résistance et du Hezbollah, surveillons la situation, restons en contact avec les responsables libanais, et prendrons les mesures nécessaires lorsque cela s'imposera, en les annonçant le moment venu », a-t-il prévenu.
« L'argument avancé par Israël, prétendant que l'armée libanaise n'aurait pas achevé son rôle, n'est qu'un prétexte fallacieux », a abondé le député du Liban-Sud Ali Fayad. « Son véritable objectif est de poursuivre une politique de destruction massive, rendant la vie impossible dans les villages de la ligne de front et empêchant le retour des habitants, ainsi que la reconstruction des infrastructures et des habitations, un processus qui pourrait prendre des années », a-t-il estimé.
Barrages de sable et routes coupées
Sur le terrain, plus en détail, une unité israélienne équipée de chars de type Merkava et de tractopelles s’est infiltrée dans les abords ouest de la localité de Houla en direction de Wadi Slouki et, depuis le village de Markaba, vers Talloussé (caza de Marjeyoun). Les chars ont été filmés en train de détruire la route de Wadi Slouki au niveau de la bifurcation de Kabrikha et Bani Hayyan, et de construire des barrages de sable.
Des véhicules israéliens ont aussi opéré une avancée sur les collines de Kfarchouba (caza de Hasbaya), ratissant la région. Une grosse explosion, entendue à Kfarchouba, aurait été provoquée par l’armée israélienne dans le quartier est du village. L'armée israélienne a également coupé la route de Khallet Khachab, à l'ouest de la localité de Meis el-Jabal (également dans le caza de Marjeyoun) avec des barrages de sable.
L’armée libanaise continue toutefois son déploiement dans les villages évacués par l’armée israélienne. Dans un communiqué, elle a précisé que ce déploiement au sud du fleuve Litani se déroule « conformément au mécanisme décidé par le comité de surveillance du cessez-le-feu, en coordination avec la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) ». Elle a ajouté que ses unités « travaillent à ouvrir les routes et à traiter les munitions non explosées ».
L'armée libanaise a par la suite précisé que plusieurs de ses unités se sont déployées ce après-midi dans les villages d'al-Qouzah, Debel, Hanine et Beit Lif (caza de Bint Jbeil), dans le secteur central de la région au sud du Litani, à la suite du retrait de l'armée israélienne, en coordination avec le comité de surveillance de l'accord de cessez-le-feu et la Finul. « Le commandant de l'armée appelle les habitants de ces localités à ne pas s'approcher des zones d'où l'ennemi israélien se retire et à se conformer aux instructions des unités militaires », indique le communiqué. publié sur X.
Au lendemain du déploiement de l’armée libanaise à Chihine et Jibbein dans le caza de Tyr, une équipe conjointe de la Croix-Rouge libanaise et de la Défense civile a récupéré des décombres les corps de trois personnes, selon des habitants. Dans le caza de Bint Jbeil, l'armée israélienne a ouvert le feu sur des citoyens alors que des membres du Conseil du Sud inspectaient une zone près de Chakra, rapporte notre correspondant. De plus, une unité militaire israélienne a pénétré dans la citadelle de Dobaï, à Chakra.
Voici la liste des villages interdits d’accès aux habitants par l’armée israélienne et publiée par son porte-parole arabophone, Avichay Adraee :
Dhaïra, Taybé, Tiri, Naqoura, Abou Chach, Ebel el Saqi, Bayyada, Jibbein, Khraïbé, Khiam, Khirbé, Matmoura, Mari, Adaïssé, Kleyaa, Oum el-Tout, Salib, Arnoun, Bint Jbeil, Beit Lif, Blida, Bani Hayyan, Al-Boustan, Ain Arab Marjeyoun, Debbine, Debhal, Deir Mimas, Deir Siriane, Houla, Halta, Hanine, Tayr Harfa, Yohmor, Yaroun, Yarine, Kfar Hammam, Kfar Kila, Kfarchouba, Zalloutiyé, Mhaibib, Meis el Jabal, Maysat, Marjeyoun, Marwahine, Maroun el-Ras, Markaba, Adchit Qoussair, Ain Ebel, Aïnata, Aïta el-Chaab, Aïtaroun, Alma el-Chaab, Arab Louaïzah, Qaouzah, Reb el-Thalatine, Ramiyé, Rmeich, Rachaya el-Foukhar, Chebaa, Chihine, Chamah, et Talloussé.
C’était une URGENCE NATIONALE de contraindre le Hezbollah à rendre TOUTES ses armes avant le jour d’aujourd’hui, et comme d’habitude on a tergiversé. Dans d’autres pays les gens seraient descendus dans la rue pour demander des comptes à la milice qui nous a conduits à une telle défaite et à l’occupation de nos terres. Nous paierons le prix de notre lâcheté et nous allons voir comment ces armes sacrées de la Résistance vont nous protéger. Nous sommes TOUS responsables de ce qui va nous arriver, qu’on se le dise une fois pour toutes.
05 h 44, le 26 janvier 2025