
Ces élèves syriennes appliquées venaient d'arriver au Liban, en 2014. Elles ont été rapidement acceptées à l'école publique. Anne-Marie el-Hage/ Photo d'archives L'Orient-Le Jour
La Journée mondiale de l’éducation, célébrée ce vendredi 24 janvier, a un goût bien amer au Liban. Quelque 44 000 élèves syriens, au moins, sont privés d’enseignement au Liban cette année, à cause du refus du Conseil des ministres sortant d’autoriser la scolarisation à l’école publique d’élèves réfugiés ne disposant pas de permis de séjour ou de documents délivrés par le HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés). Et ce, contrairement à l’avis du ministère de l’Éducation.
La mesure a poussé le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) à réduire son financement de l’école publique au Liban, calculé en fonction du nombre d’élèves enrôlés dans l’enseignement obligatoire, et à chercher des partenaires associatifs susceptibles d’accorder aux enfants déscolarisés « un espace sûr d’apprentissage ». Mais cette solution alternative n’est pas idéale, car le ministère de l’Éducation ne reconnaît pas l’enseignement informel délivré par les ONG. Elle laisse aussi sur le carreau nombre d’enseignants contractuels de l’école publique qui se retrouvent au chômage.
« Outre le fait que les enfants ont droit à l’éducation, cela va mettre à la rue des milliers d’enseignants », gronde Ibrahim Khalil, membre de la ligue des enseignants des cours du soir pour les élèves non libanais.
C’est au nom de la lutte contre l’immigration illégale venue de Syrie et contre l’implantation des réfugiés syriens au Liban que les autorités libanaises ont décidé en 2024 de ne plus scolariser les élèves syriens « sans papiers » pour la nouvelle année 2024-2025. Même ceux qui bénéficiaient jusque-là d’une autorisation exceptionnelle, en l’occurrence les 44 000 élèves concernés. Cette décision vient accompagner une série de mesures durcissant les conditions de séjour des ressortissants syriens au Liban pour les pousser à rentrer chez eux, qu’il s’agisse de « déplacés » (terme utilisé par les autorités pour les réfugiés syriens) ou de travailleurs.
Sur 114 998 inscrits, 70 990 admis
Le Liban, qui n’est pas membre de la Convention des Nations unies sur le statut des réfugiés de 1951, considère qu’il n’est pas une terre d’asile, mais de passage. Il est aussi dépassé par le nombre de ressortissants syriens sur son territoire. Avant le conflit entre Israël et le Hezbollah (qui a débuté le 8 octobre 2023), suivi de la chute du régime de Bachar el-Assad en Syrie (le 8 décembre 2024), le pays du Cèdre comptait officiellement un million et demi de réfugiés syriens, enregistrés ou pas, outre le nombre de travailleurs, selon les chiffres des autorités libanaises et du HCR.
Alors que l’école publique a fait sa rentrée début novembre 2024 dans un contexte de guerre, un bon mois après l’école privée, les élèves syriens ont comme de coutume effectué leur rentrée bien plus tard, n'ayant débuté leurs cours du soir que le 7 janvier. « Dès que nous avons annoncé la date de rentrée des élèves syriens déplacés, 114 998 élèves syriens se sont inscrits. Parmi eux, 60 990 élèves détenant des documents délivrés par le HCR et 10 000 des permis de séjour délivrés par la Sécurité générale libanaise, alors qu’un peu plus de 44 000 ne détiennent aucun papier légal », détaille à L’Orient-Le Jour le ministre sortant de l’Éducation, Abbas Halabi.
Pour les scolariser, le ministère de l’Éducation a mobilisé 290 établissements (sur 1 200 écoles publiques) et 7 380 enseignants contractuels payés à l’heure. Mais il n’a pas réussi à obtenir du Conseil des ministres sortant que les 44 000 élèves concernés soient admis à l’école publique. « J’ai remué ciel et terre. J’ai adressé plusieurs courriers au Premier ministre (sortant), Nagib Mikati. J’ai demandé que ces élèves bénéficient d’une autorisation exceptionnelle, comme cela se faisait jusque là, au moins jusqu’à juillet 2025, le temps que le retour chez eux des Syriens du Liban se précise. Car l’éducation est un droit pour tout enfant, il est inscrit dans la Constitution. Mais j’ai essuyé un refus ferme, à deux reprises », déplore Abbas Halabi.
Un espace sécurisé d'éducation avec des ONG
« Cela fait 8 mois que ces 44 000 élèves sont déscolarisés et sans éducation. Ce n’est pas sans conséquences, car ils se retrouvent à la rue ou à travailler », réagit de son côté la représentante adjointe au Liban de l'Unicef, Ettie Higgings.
L’Unicef reconnaît l’engagement du ministère de l’Éducation pour la scolarisation des élèves syriens depuis 2011. « L’Unicef va poursuivre son soutien au ministère de l’Éducation » pour la scolarisation des élèves syriens et libanais, assure Mme Higgings. « En novembre 2024, durant la guerre, l’Unicef a d’ailleurs financé 350 écoles publiques à hauteur de 500 000 dollars. Ce financement qui couvre les frais opérationnels a bénéficié aux élèves qui suivent les cours du matin (majoritairement libanais) », explique Atif Rafique, chef de l’Éducation auprès de l’Unicef.
Mais immanquablement, avec un nombre moindre d’élèves syriens, l’Unicef est amené à réduire son financement à l’école publique. « Nous calculons la contribution de l’Unicef aux caisses des écoles publiques sur base du nombre d’élèves libanais et étrangers, en considérant que le coût annuel de chaque élève est de 80 dollars. Nous versons de plus leurs salaires aux enseignants des élèves syriens », note M. Rafique. Après avoir obtenu les derniers chiffres du ministère de l’Éducation, l’Unicef ne devrait pas tarder à annoncer sa contribution. « Il est regrettable que les fonds de l’Unicef, qui bénéficiaient à la fois aux réfugiés syriens et aux élèves libanais, risquent d’être réduits », fait remarquer M.Halabi .
En même temps, l’organisation onusienne se dit soucieuse de trouver une solution aux élèves syriens qui ne pourront rejoindre les bancs des classes cette année. « Nous devons leur trouver un espace sécurisé d’éducation. Nous avons de nombreuses ONG partenaires avec lesquelles nous pouvons envisager un curriculum. Car ces 44 000 élèves attendent toujours (une solution) », regrette Ettie Higgins.
Alors que le monde célèbre ce jour le droit à l’éducation, cette vague de déscolarisation vient s’ajouter au demi-million d’enfants du Liban qui sont en dehors du système scolaire libanais, selon les données de l’Unicef.
Un enfant sur trois au Liban sans accès à l'éducation, alerte l'Unicef
À l'occasion de la Journée internationale de l'éducation, l'Unicef s'est engagé vendredi dans un communiqué « à continuer à soutenir le gouvernement libanais en fournissant un accès à une éducation de qualité et inclusive pour tous les enfants au Liban ». L'agence onusienne a par ailleurs mis en garde sur le fait que « le nombre d'enfants non scolarisés a considérablement augmenté depuis 2019 (date du début de la crise économique dans le pays), avec 1 enfant sur 3, en âge d'être scolarisé, sans accès à l'éducation au Liban ».
« En raison de la guerre (entre le Hezbollah et Israël), le début de l'année scolaire 2024-2025 a été difficile pour les enfants, les parents et les soignants, les enseignants et les écoles. L'Unicef a soutenu la réponse d'urgence du ministère de l'Éducation pour éviter une année scolaire perdue », explique le texte. « L'Unicef et les donateurs restent déterminés à fournir des ressources substantielles aux programmes d'éducation formelle et non formelle (...). Cependant, nous sommes profondément préoccupés par les obstacles qui limitent l'accès de certains enfants à leur droit à l'éducation. Les petits ne devraient pas payer le prix des conflits ou des décisions politiques. Empêcher un accès équitable à l'éducation risque de laisser de nombreux enfants en dehors de l'école et de mettre en péril les investissements réalisés, en particulier dans le système scolaire public du Liban », met en garde l'Unicef.
« Compte tenu des effets négatifs sur les enfants, les enseignants et le système scolaire public dans son ensemble, nous encourageons vivement les décisions qui permettent à tous les enfants, quel que soit leur statut, de s'inscrire à l'école et de la fréquenter. Les enfants, les jeunes et les enseignants devraient être au centre de tous les efforts nationaux visant à repenser la scolarité pour chaque enfant », conclut l'agence onusienne.
EXACT,Sissi...qu ils nous foutent la paix, que les syriens rentrent avec leur 3.000enfants chaque,en Syrie s éduquer our gueuler, on s en fout. Je m occupe des Libanais au Liban.POINT BARRE.
08 h 16, le 26 janvier 2025