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Campus - témoignages

Élection de Aoun, nomination de Salam : ce qu’en pensent les étudiants libanais

Quatre étudiants réagissent à l’élection du nouveau président de la République Joseph Aoun, après plus de deux ans de vacance à la tête de l’État, et à la nomination du juge Nawaf Salam en vue de former le nouveau gouvernement.

Élection de Aoun, nomination de Salam : ce qu’en pensent les étudiants libanais

Lynn Hammoud. Photo Marwa Sleiman

« Je crois sincèrement que ce nouveau chapitre marque le début d’un processus de transformation pour notre pays, d’autant plus après la chute du régime d’Assad en Syrie », estime Sally Nasr, étudiante en deuxième année de master en histoire – relations internationales à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ). La jeune étudiante de 22 ans considère que le nouveau président de la République, Joseph Aoun, représente « une figure capable de redonner espoir, en tant qu’ancien commandant en chef de l’armée, tout en incarnant la fermeté nécessaire pour naviguer à travers les défis actuels dans un pays fragmenté et en quête d’unité ». Rationnelle cependant, elle considère « qu’il serait irréaliste de s’attendre à un changement du jour au lendemain, notamment en raison de la corruption systémique qui règne dans le pays ».

« Profondeur et sincérité rares »

Touchée par le discours d’investiture prononcé par le président devant la Chambre des députés, elle estime que « contrairement aux traditionnelles déclarations politiques souvent vides de substance, les paroles du président ont résonné avec une profondeur et une sincérité rares ». Sally Nasr confie avoir entendu pour la première fois « un plan concret, une feuille de route qui tient compte des aspirations populaires exprimées depuis la révolution d’octobre 2019 ». Elle énumère explicitement les grandes questions cruciales abordées dans le discours : « La justice, le monopole du port des armes, la libération du territoire occupé par Israël, la reconstruction, les relations avec la Syrie, la lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le trafic de drogue. »

La jeune étudiante estime que son élection, qu’elle qualifie de « bouffée d’oxygène », pourrait devenir le levier nécessaire pour que le Liban relance, en tant que pays souverain, un dialogue constructif avec la communauté arabe et internationale après des années d’isolement. Soulignant l’intérêt renouvelé des dirigeants et diplomates étrangers, parmi lesquels ceux des pays du Golfe, qui affluent chaque jour à Beyrouth pour témoigner de leur soutien et explorer des pistes de coopération, elle ajoute : « Cela se manifeste de manière tangible et représente une opportunité précieuse. » Omar Chehab, 22 ans, étudiant en master d’information et communication à l’USJ, est lui aussi optimiste. Se présentant comme laïc, il trouve l’arrivée de Joseph Aoun à la tête de l’État unificatrice. « Malgré son background militaire et non civil, son ascension au pouvoir n’est pas rejetée, en raison du manque de politiciens honnêtes. » Le jeune étudiant estime que ce pas est « essentiel » pour parvenir à « une laïcité complète de la nation, grâce à un président à majorité notable, capable d’unifier le pays tout en garantissant le droit, la justice et, surtout, la sécurité ».

Sally Nasr. Photo Jean Michel Khadige.


Quant à Lynn Hammoud, 21 ans, qui poursuit également un master d’information et communication à l’USJ, elle estime que « la majorité des partis politiques libanais se sont accordés sur l’élection du général Joseph Aoun, pour la première fois depuis des années ». Elle qualifie le discours du président de prometteur. « S’il est vraiment appliqué tel quel, nous aurons sûrement un magnifique Liban que nous méritons », indique-t-elle.

Adnan el-Haddad, étudiant en cinquième année de médecine dentaire à l’USJ et en sciences politiques à l’Université libanaise (UL), perçoit grâce à ces changements « une lueur d’espoir dans cette obscurité ». Déplorant la situation au pays qui a précédé l’élection de Joseph Aoun, le jeune de 22 ans rappelle que le nouveau chef de l’État ne fait l’objet d’aucun veto. Bien au contraire, il bénéficie « d’une large confiance, tant sur le plan national qu’international ». « Il est l’une des rares figures capables de rallier un consensus au sein d’une société fragmentée, tout en regagnant la confiance de la communauté internationale », acquiesce Sally Nasr.

 « Salam est la personne idéale »

Cette dernière croit qu’avec la nomination du Premier ministre Nawaf Salam, « ce qui paraissait impossible devient tangible ». Selon la jeune étudiante, Salam est « la personne idéale pour répondre à nos attentes. Sa réputation en tant qu’homme de principes, alliant rigueur académique et engagement en faveur des droits humains, en fait une figure respectée, non seulement au Liban, mais aussi à l’international ». Sally Nasr souligne pour sa part le rôle joué par Salam dans la Cour internationale de justice de La Haye et son travail diplomatique à l’ONU qui lui confèrent une légitimité incontestable et renforcent sa crédibilité en tant que réformateur capable de lutter contre la corruption et l’inefficacité gouvernementale. « Il a clairement exprimé dans plusieurs livres et essais sa vision de la reconstruction de l’État libanais, de la réforme du code électoral et de l’indépendance de la justice. »

Adnan el-Haddad. Photo Georges-Christ Kabouchi


Omar Chehab souligne quant à lui l’importance du rôle joué par le Premier ministre désigné. « Il n’est pas ici pour punir ni pour faire preuve d’arrogance, mais uniquement pour unifier le pays avec l’aide des différents ministères. » Pour lui, la priorité aujourd’hui, c’est d’assurer la sécurité physique et économique. Il ne s’agit plus uniquement de « récupérer l’argent volé », mais de se concentrer sur la possibilité de reconstruire un avenir financier durable au Liban.

De son coté, Adnan el-Haddad estime que « le Premier ministre désigné doit former un gouvernement d’union nationale, sachant qu’il ne peut se permettre de décevoir les députés dont il dépend pour obtenir le vote de confiance. ». Restant vigilant quant à la répartition des portefeuilles et la déclaration ministérielle, il ajoute : « Il faut suivre de près à quel point la déclaration sera compatible avec le discours d’investiture du président. Et d’indiquer : J’attends du nouveau gouvernement qu’il garantisse la stabilité sécuritaire, notamment en veillant à ce que le monopole des armes soit réservé à l’État et à ses institutions légitimes. » Cette étape contribuera ipso facto à la stabilité financière, selon lui. « Il est crucial de poursuivre l’enquête sur l’explosion au port, car cela représente une opportunité pour les familles des victimes d’obtenir justice. Par ailleurs, il est essentiel d’adopter une approche financière permettant de restituer l’argent des déposants. Le gouvernement doit également veiller à la mise en œuvre des résolutions internationales 1701, 1559 et 1680, afin de réaffirmer l’autorité de l’État et sa souveraineté », ajoute-t-il en insistant sur l’importance pour le nouveau gouvernement « d’élaborer un plan à long terme, une vision claire pour les années à venir, dans le but d’instaurer la stabilité tant attendue ».

Omar Chehab. Photo Dania Ramadan


L’autorité de l’État et la justice pour les victimes du 4-Août

Parmi les priorités du nouveau gouvernement, Sally Nasr met en avant l’autorité de l’État comme garantie de la souveraineté nationale. « Réaffirmer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire et prévenir toute atteinte à sa souveraineté », insiste-t-elle. Elle ajoute également qu’assurer la justice pour les victimes de la double explosion au port de Beyrouth « constitue une autre priorité incontournable ». Par ailleurs, elle souligne l’importance de « la reconstruction des régions dévastées par les agressions israéliennes, notamment dans le sud du Liban, la Békaa et la banlieue sud de Beyrouth, qui reste une étape cruciale ».

« La construction d’un État moderne passe par la mise en place de réformes globales pour relancer l’économie et débloquer l’aide du FMI, ainsi que d’autres soutiens internationaux », estime encore Sally Nasr. Cela permettra de restaurer la confiance entre le gouvernement et les citoyens. Enfin, « le gouvernement doit adopter une approche participative, écouter les préoccupations des citoyens et démontrer son engagement par des actions concrètes », précise-t-elle.

Quant à Lynn Hammoud, elle estime que les priorités du gouvernement « devraient se concentrer sur la résolution de la crise économique et la rémunération des dépôts en dollars par les banques libanaises ». De plus, elle considère que « le nouveau gouvernement joue un rôle crucial dans la création d’un nouveau marché du travail afin d’offrir de nouvelles opportunités d’emploi aux jeunes diplômés ». La jeune fille souligne par ailleurs qu’il est indispensable d’assurer des fonds pour la reconstruction après la guerre qui a frappé le Liban et de garantir la sécurité en vue de rendre justice concernant l’explosion au port. La jeune étudiante estime que le rôle des étudiants dans la vie politique est important, notamment à travers la création de nouveaux clubs au sein des universités pour sensibiliser à l’engagement politique et participer à des talk-shows afin de partager leurs opinions de manière explicite et libre. « Les étudiants n’osent pas beaucoup s’exprimer sur des sujets en rapport avec la politique », estime de son côté Adnan el-Haddad, ajoutant qu’il faut toujours « favoriser un espace pour la diversité et la pluralité d’opinion ».

Omar Chehab, qui compte s’engager encore plus dans la vie estudiantine universitaire, affirme vouloir mettre en avant des débats et participer à ceux qui poussent à la modernité au sein du Liban, « afin d’apporter plus de liberté tout en me méfiant de la propagande ». Il s’engage à toujours dénoncer, analyser et souligner les influences politiques sur les masses. Il explique : « Ces influences sont toujours présentes et c’est normal ; elles peuvent être positives, mais comme ce pays l’a constaté, elles peuvent aussi dégénérer en chaos de violence, de haine et d’assassinats ».

En guise de conclusion,

Adnan el-Haddad rappelle aux jeunes

expatriés que « le Liban demeure l’objectif ultime » et qu’ils ne doivent pas « perdre leur pays de vue ». Quant à Sally Nasr, elle conclut sur un double message positif : « En tant que femme, je ressens la nécessité de prouver que la politique au Liban n’est pas réservée aux hommes. Les élections législatives de 2026 représentent une opportunité décisive pour redistribuer les cartes et élire un Parlement capable de refléter nos aspirations pour un avenir meilleur. Nous devons voter pour des représentants compétents et intègres, porteurs d’un véritable projet national. »


« Je crois sincèrement que ce nouveau chapitre marque le début d’un processus de transformation pour notre pays, d’autant plus après la chute du régime d’Assad en Syrie », estime Sally Nasr, étudiante en deuxième année de master en histoire – relations internationales à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ). La jeune étudiante de 22 ans considère que le nouveau...
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