
La langue française retrouve sa place dans le journal de Télé-Liban. Photo Joseph Eid/AFP
Cela faisait longtemps que la langue française était pratiquement absente des chaînes locales de télévision. Télé-Liban, la chaîne officielle, a choisi récemment de faire revivre une vieille tradition, celle du journal en français. Celui-ci sera diffusé à partir du 23 janvier, à 18h30, dans un format d’une quinzaine de minutes, du lundi au vendredi. Une bonne nouvelle pour la francophonie au pays du Cèdre.
Nidal Ayoub, rédactrice en chef du journal en français, rappelle, dans un entretien avec L’Orient-Le Jour, que « Télé-Liban a toujours eu un bulletin d’information dans cette langue, mais avait dû l’abandonner il y a une vingtaine d’années pour des raisons budgétaires ». « Récemment, la chaîne officielle a obtenu un budget de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) afin de relancer son journal en français, ce qui a permis de le reprogrammer », poursuit-elle.
« L’intérêt d’un tel projet est que le Liban est pratiquement le seul pays francophone de cette région », souligne Nidal Ayoub. Les sondages menés par la chaîne publique montrent qu’il y a un réel appétit pour des bulletins en langue française, et même plus, certains sondés s’étant prononcés en faveur de programmes dans cette langue.
Cet intérêt est confirmé par Elissar Naddaf, conseillère du ministre de l’Information pour les médias francophones. « Dans les milieux francophones, on nous demande même de relancer le Canal 9, mais ce projet n’est pas envisageable pour le moment, d’où le fait que nous commençons par programmer ce journal en français, profitant de l’appui de l’OIF », dit-elle.
Les médias et programmes francophones sur la scène médiatique libanaise ont progressivement disparu des radars depuis les années 90 ou la première moitié des années 2000. Ainsi, le journal en français de Télé-Liban a-t-il été abandonné en 2001, faute de financement. Ces journaux en français faisaient partie du quotidien des Libanais pendant des décennies, avec la chaîne publique le Canal 9, qui les diffusait en priorité. Cette chaîne, créée à la fin des années 50, connaissait des difficultés financières depuis la fin des années 70, mais a poursuivi ses émissions jusqu’en 2001, selon la page Wikipedia qui lui est consacrée.
Parallèlement, une chaîne entièrement francophone baptisée C33 a été créée en 1988 par le groupe LBC (qui possède la chaîne du même nom). Cette chaîne a eu son heure de gloire et ses programmes variés ont connu durant plusieurs années un franc succès. La C33 s’est arrêtée en 1996, faute d’audience et en raison d’un marché publicitaire déficitaire.
Nidal Ayoub, rédactrice en chef du journal en français, avec Hayane Mroué en pleine préparation. Photo Elissar Naddaf
Un large public diversifié
« Je m’attends à ce que cette initiative plaise à un large public », assure, confiante, Elissar Naddaf. Elle ajoute que le public francophone englobe désormais de nouvelles catégories, notamment des jeunes dont les intérêts seront pris en compte par la rédaction, et qu’il ne se limite plus à la capitale, mais s’étend aux diverses régions libanaises.
L’équipe de ce nouveau journal reste réduite pour le moment. Elle compte Nidal Ayoub, qui, outre sa casquette de rédactrice en chef, sera présentatrice, Hayane Mroué, présentateur et rédacteur, et Serge Berberi, reporter sur le terrain.
Techniquement, le journal en français pourra compter sur l’information qui arrive au desk arabe et que l’équipe devra rédiger de manière à ce qu’elle cadre avec son esprit, ainsi que sur des sources comme l’AFP ou les autres agences, et des reportages propres au journal. « Nous relayerons l’information politique bien sûr, mais nous donnerons une grande part à l’actualité socioculturelle », souligne Nidal Ayoub.
Interrogée sur la programmation de ce bulletin à 18h30, qui n’est pas une heure de grande audience, Elissar Naddaf explique qu’il s’agissait du seul créneau disponible avant le journal en arabe, mais que cela ne devrait pas être préjudiciable du fait que l’édition française sera également diffusée sur les réseaux sociaux.
Sur la question de l’autonomie, Nidal Ayoub souligne que le journal en français en aura assez pour fonctionner de manière différenciée. « C’est un beau projet et je crois que nous en avons besoin. Ce journal en français aura une marge de manœuvre du fait qu’il est diffusé en langue étrangère, mais je le conçois aussi de façon à ce qu’il soit une bouffée d’air frais dans un paysage médiatique où les autres chaînes de télévision ont chacune leur propre agenda et pratiquent souvent la langue de bois », insiste-t-elle.
Pour Elissar Naddaf, la réintroduction de la langue française dans le paysage télévisuel ouvre de nouvelles portes en faveur de davantage de diversité culturelle. « Ce journal sera un plus pour la télé publique, et augmentera sa visibilité », estime-t-elle. Elle assure que de nombreux projets de programmes francophones peuvent être envisageables à l’avenir, soulignant l’enthousiasme qu’a suscitée cette initiative auprès des journalistes.
J'éspère que le programme '5 de PIC' ( coproduction de la fondation RAM et de Télé Liban) revienne. On pouvait découvrir chaque semaine l'oeuvre d'un peintre, sculpteur ou photographe libanais en français, sous-titré en arabe.
16 h 59, le 25 janvier 2025