« Aujourd’hui, le sentiment constant de peur s’est évaporé, et désormais, les gens peuvent parler librement, sans craindre d’être emprisonnés pour s’être exprimé sur des sujets tabous tels que la politique, le dollar américain ou d’autres objets de conversation », affirme Ludmilla Hajjar, 20 ans, étudiante en 3e année à l’École de traducteurs et d’interprètes de Beyrouth de l’Université Saint-Joseph. La jeune fille, orginaire d’Alep, est installée au Liban depuis 2011. Elle confie avoir éprouvé « un soulagement profond face à la libération du peuple syrien qui subissait des atrocités », estimant que son peuple a enfin retrouvé sa dignité après des années d’injustice et d’impunité.
Admettant ne pas s’y connaître suffisamment en politique, elle confie néanmoins se sentir optimiste quant à l’avenir de son pays. « Après plus de 50 ans de dictature, les choses commencent enfin à prendre forme. » En dépit de cela, l’étudiante exprime des craintes. « J’ai tout de même une certaine appréhension que la Syrie se transforme en un pays islamiste, malgré les apaisements de Hay’at Tahrir el-Cham (HTC) envers les minorités religieuses. » Cela ne l’empêche pas d’éprouver une grande envie de retourner à Alep. « Je voudrais revoir cette ville qui a bercé mon enfance et où j’ai laissé une partie de moi-même », confie-t-elle, nostalgique.
De son côté, Leyla, dont le nom a été modifié à sa demande pour préserver son anonymat, porte un autre regard sur les derniers événements en Syrie. La jeune fille qui poursuit un master en médias et informations à l’Université libanaise confie : « J’appartiens à la communauté alaouite, une minorité religieuse dont est issu Bachar el-Assad. Et d’avouer : Nous considérions l’ancien président syrien proche de nous. Nous l’appréciions. Il était prêt à nous aider. » Aujourd’hui, le discours de la jeune fille a changé. « Nous avons découvert des choses cachées sur Assad : un grand nombre de biens immobiliers, de l’or, des dizaines de voitures, une île. Nous avons été choqués d’apprendre cela ! Et d’insister : C’est choquant, son peuple souffrait et souffre encore d’une pauvreté inacceptable. »
Leyla confie être profondément concernée par les derniers événements. « Mes oncles et mes cousins servent dans l’armée syrienne. Ils combattent depuis 15 ans. Du jour au lendemain, Assad s’est enfui, laissant dernière lui son peuple », poursuit-elle. Elle avoue se sentir abandonnée en tant que membre de la communauté alaouite. « C’est comme si ces quinze ans de combat sont tombés à l’eau en une fraction de seconde, au moment où Assad a pris la fuite en Russie. Et d’admettre : À cette découverte, toute ma famille a commencé à le haïr. » L’étudiante se rendait en Syrie 2 à 3 fois par an. Sa dernière visite remonte à environ 5 ans. « Je préfère ne pas y retourner en ce moment. Je crains les menaces, bien que mes amis aient vraiment envie de m’accompagner pour visiter les monuments touristiques… Nous craignons que les forces de HTC rentrent dans les régions alaouites et y commettent des crimes. Et de conclure : J’ai peur qu’on attrape mes cousins et mes oncles et qu’ils soient tués. »
Si ses oncles et cousins combattaient depuis 15 ans dans l’armée d’Assad, c’est qu’ils ont certainement commis des actes répréhensibles contre la population civile. Il est donc normal qu’elle craigne la vengeance des proches des victimes du régime Assad
08 h 44, le 23 janvier 2025