C’est en grande pompe que le ministère de l’Environnement a lancé mercredi la stratégie nationale de gestion des déchets, prévue par la loi dédiée adoptée en 2018. Au cours de la cérémonie qui s’est tenue au Grand Sérail, sous le parrainage et en présence du Premier ministre Nagib Mikati, le ministre sortant de l’Environnement Nasser Yassine a présenté le document, qui se fonde sur les principes de tri, réduction et recyclage ; de lutte contre la pollution ; de solutions durables, etc.
L’intérêt de cette stratégie est qu’elle apporte un cadre à une gestion des déchets qui s’est souvent caractérisée, au Liban, par l’incompétence, l’opacité et l’improvisation. Elle vise à promouvoir des idées comme le partenariat avec la société civile, l’économie circulaire, la bonne gouvernance ou encore la complémentarité avec la lutte contre le changement climatique. L’un des apports du texte a été de présenter cinq scénarios afin de choisir le plus adapté actuellement au pays, qui traverse une grave crise financière et politique depuis 2019.
Le scénario privilégié, selon le document que L’Orient-Le Jour a pu consulter et des informations obtenues sur place, consiste à privilégier le tri à la source (dans les maisons et les entreprises), le tri secondaire (en usine), la réduction, le compostage (transformation des déchets organiques en compost, un améliorateur de sols) et le recouvrement de l’énergie, en écartant cependant l’option de l’énergie thermale (incinération), jugée trop coûteuse et ne faisant pas l’unanimité. Les techniques de digestion anaérobique (décomposition des matières organiques sans oxygène) ou de carburant dérivant des déchets (Refuse derived fuel, ou RDF) sont retenues dans la stratégie. Au final, il y aura un enfouissement en décharges contrôlées, une étape qui comprendra la réhabilitation de tous les dépotoirs sauvages qui se comptent par centaines dans les régions.
Ce scénario a été considéré comme le plus adapté à la situation libanaise des 5 scénarios évoqués dans le texte, rejetant par là même le statu quo, le rafistolage (si souvent exercé par les autorités libanaises), mais aussi des options inadaptées ou nécessitant trop de terrains.
La stratégie est accompagnée d’un plan directeur qui coupe le Liban en 17 zones de services, qui comporteront chacune, idéalement, une décharge contrôlée ou plus, et seront régies suivant des plans locaux. Une évaluation environnementale de cette stratégie a également été effectuée et présentée mercredi, une condition requise par la loi au Liban.
Une autorité nationale
Encore faut-il que ce document soit mis à exécution. Opter pour une décentralisation totale, qui donnerait aux municipalités le rôle principal dans la gestion des déchets, se heurte à un obstacle majeur : la loi sur le recouvrement de coût pour la gestion des déchets n’a pas encore été adoptée par le Parlement, ce qui prive les municipalités des ressources nécessaires. Rappelons que jusqu’à nouvel ordre, principalement à Beyrouth et au Mont-Liban (les régions les plus peuplées), les contrats signés par l’État avec des entrepreneurs privés sont financés par la Caisse autonome des municipalités, ce qui prive celles-ci de ressources précieuses.
Pour une implantation réussie, la loi a donc prévu la création d’une autorité nationale de gestion des déchets dont le principe (qui relèvera du ministère de l’Environnement) a été accepté par le Conseil des ministres et approuvé par le Conseil d’État, sachant que les remarques de la Fonction publique ont été communiquées mardi au ministère. Elle n’attend plus qu’un décret du Conseil des ministres pour la nomination de son comité, un président et cinq membres en principe.
De la volonté politique
Au cours de la cérémonie, M. Mikati a défendu l’action de son gouvernement, et du ministère de l’Environnement en particulier, pour maintenir la gestion des déchets à un niveau acceptable, malgré tous les défis. « Nous aurions pu ne rien faire, mais nous avons assumé nos responsabilités » dans des circonstances très difficiles, a-t-il dit.
Blerta Aliko, représentante du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Liban, a parlé au nom de son institution qui a été impliquée dans la préparation de cette stratégie depuis 2019. Elle a insisté sur la nécessité de mettre sur pied l’autorité nationale de gestion des déchets, afin que le texte soit réellement appliqué.
Pour Sami Sadi, chargé d’affaires de l’ambassade de l’Union européenne au Liban, la volonté politique est la clé pour une mise en place réussie de cette stratégie des déchets.
La Banque mondiale (BM), qui finance un bon nombre de projets liés aux déchets ménagers au Liban, était représentée par Maria Sarraf, cheffe du département d’environnement dans la région MENA. Elle a noté que la BM finance actuellement la réhabilitation du centre de tri de la Quarantaine (détruit par l’explosion au port de Beyrouth) et la création de deux décharges, au Akkar et à Nabatiyé.
Enfin, Diane Fadel, fondatrice de l’Union pour la gestion et la transformation des déchets, qui compte plusieurs acteurs de la société civile, a noté que la naissance de cette stratégie était un réel parcours du combattant. Elle a insisté sur le défi principal de la gestion des déchets : les efforts de toute la société pour réduire le volume qui parvient aux décharges.
Trop sophistiqué pour un peuple qui continue à jeter ses déchêts par les fenêtres des voitures… le volet de l’éducation manque cruellement dans ce plan…
06 h 12, le 09 janvier 2025