D.R.
Debout, tête haute ! Manifeste pour répondre au racisme de Fatma Bouvet de la Maisonneuve, Éditions du Croquant, 2024, 56 p.
Dans une démarche engagée et introspective, Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre et écrivaine franco-tunisienne mobilisée sur les « questions identitaires » en France, explore dans Debout, tête haute ! les effets du racisme, dans ses multiples formes, sur la santé mentale des individus et sur la cohésion sociale. S’appuyant à la fois sur sa pratique médicale et son expérience personnelle, elle propose une analyse pertinente des conséquences psychologiques du racisme, tout en appelant à une mobilisation collective contre ce fléau.
L’introduction pose le cadre en décrivant l’atmosphère de plus en plus toxique qui règne en France. L’autrice dénonce notamment l’émergence de ce qu’elle qualifie de « guerres identitaires », nourries par l’ignorance et une banalisation de la discrimination. L’impact de ces tensions sur la santé mentale est manifeste, en particulier chez les personnes racisées qui subissent une double violence, sociale et psychologique.
Le chapitre « Le racisme et les souffrances individuelles » aborde la question de ce fléau lorsqu’il est intériorisé. Il y décrit très justement comment les victimes finissent parfois par douter de leur propre valeur, développer une culpabilité ou une honte profonde et s’autocensurer. Ce chapitre met en exergue le lien direct entre les micro-agressions répétées, les discriminations et l’émergence de troubles psychosomatiques tels que l’insomnie, l’anxiété ou la dépression.
Le livre aborde aussi le traitement historique et sociétal du racisme, ainsi que son influence sur l’imaginaire collectif. L’écrivaine remonte aux racines du passé colonial de la France pour expliquer comment un mélange de déni et de nostalgie colonialiste a infiltré des institutions telles que la police, les médias ou encore le système de santé. Ce contexte alimente en conséquence des pratiques discriminatoires de plus en plus explicites, toujours étroitement liées à des préjugés.
Racisme et santé mentale
Fatma Bouvet de la Maisonneuve soutient donc l’idée selon laquelle la discrimination systémique agit comme un traumatisme chronique, causant des blessures invisibles mais profondes.
Des exemples cliniques tirés de sa pratique psychiatrique viennent étayer ses propos. Elle relate notamment l’histoire d’un enfant qui déclare vouloir cesser d’être « arabe et noir » à la suite d’intimidations et de harcèlements subis à l’école, ou encore celle d’un patient qui qualifie les hommes arabes de « sous-hommes » dans le monde actuel. Ces témoignages illustrent l’inscription de la discrimination jusque dans le langage et le moral des victimes.
Une critique sociale des institutions
Les institutions médicales n’échap-pent pas à ce triste constat puisque des failles sont pointées face à la question du racisme. Le monde médical, bien qu’imprégné d’éthique universelle, reproduit parfois des biais systémiques. Elle décrit en particulier des situations où des médecins minimisent la souffrance de certains patients en attribuant leur mal-être à des clichés culturels ou raciaux. Elle critique l’interdiction de prendre en considération la variable ethnique dans les statistiques publiques. Ce manque de données introduit selon elle, un sérieux biais et freine la mise en place de politiques de santé adaptées à la diversité des patients. Elle appelle en outre à une revalorisation du rôle des soignants « racisés », capables d’établir des ponts culturels, de restaurer du lien social et de lutter contre les injustices.
Au-delà du diagnostic, ce livre est un appel à l’action. Il insiste sur des réformes au sein du système de santé et sur l’importance de l’éducation citoyenne pour déconstruire les préjugés. Il affirme que le silence face au racisme « rend complice ». Il appelle à restaurer une véritable politique égalitaire et à considérer la santé mentale comme une priorité sociétale. Il faut répondre aux blessures que le racisme inflige et qui mettent en péril non seulement les individus, mais aussi la démocratie elle-même.