Le point de vue de...

Les Chiites du Sud Liban, ces éternels sacrifiés

Dans leur frénésie, les bouleversements politiques de l’année qui s’est achevée, nous ont brouillé l’entendement. D’où l’intérêt de revenir à la date du 26 octobre 2024...

Les Chiites du Sud Liban, ces éternels sacrifiés

D.R.

Dans leur frénésie, les bouleversements politiques de l’année qui s’est achevée, nous ont brouillé l’entendement. D’où l’intérêt de revenir à la date du 26 octobre 2024, lorsque le front intérieur syrien somnolait encore, afin de reconsidérer la malédiction pesant sur nos concitoyens du Sud, ceux que le cours des bombardements israéliens a jetés sur les routes ! Une conséquence inéluctable de l’orientation iranienne du leadership chiite, faut-il souligner.

Ni mortel ni surprenant

Nous rappellerons donc qu’à la date susmentionnée, cent aéronefs portant l’hexagramme de David s’étaient frayé un passage à travers les espaces aériens de la Syrie et de l’Irak pour enflammer deux heures durant le ciel de l’Iran, au grand dam des Téhéranais qui devaient se poser des questions quant à l’invulnérabilité du régime de Wilayat al-Faqih. Le spectacle était d’autant plus chorégraphique que Yoav Gallant, ministre israélien de la Défense, avait promis une contre-attaque « mortelle, précise et surprenante », les dirigeants d’Israël se devant de riposter aux frappes du 1er octobre, lorsque 181 missiles iraniens s’étaient abattus sur leur pays. Or si les représailles de Tsahal se révélèrent précises ledit 26 octobre, on en est encore à se demander si elles furent réellement « mortelles et surprenantes ». Il était, par ailleurs, de notoriété publique qu’elles ne seraient pas disproportionnées et ne prendraient pour cible ni sites nucléaires ni installations pétrolières.

Il faut croire qu’Israël ne tient parole et ne frappe de plein fouet que lorsqu’il s’agit de détruire Gaza ou le Liban, où grouillent des populations arabes. Certes, Tel-Aviv a croisé le fer avec Téhéran, mais ses assauts étaient plutôt calibrés, comme si Netanyahou tenait à y épargner les civils et à causer le moins de dégâts collatéraux possibles. La politique de la terre brûlée nous est exclusivement réservée, nous les soi-disant « cousins sémites ». En somme, la doctrine de la proportionnalité, principe majeur et modérateur du droit de la guerre, n’a cours jusque-là que dans l’affrontement avec le pays des pasdarans. En revanche, quand il s’est agi de combats livrés aussi bien à Gaza qu’au Liban, une seule règle a prévalu, celle de la disproportionnalité et de l’éradication. Une différence de traitement que ne justifierait pas la seule proximité géographique des adversaires.

Parlons chiffres : à Gaza, on dénombre depuis le 7 octobre 2023 plus de 50 000 victimes, alors qu’au Liban, le Hezbollah a perdu 4 000 combattants et que l’Unicef affirme que plus de 200 enfants libanais ont été tués en moins de deux mois. Et c’est sans parler du crime de domicide qui désigne la « destruction délibérée, systématique et à grande échelle des logements et infrastructures, etc. ».

Cela dit, qui jusque-là pourrait nous donner une idée du nombre de victimes iraniennes de la partie de ping-pong à laquelle Téhéran s’est livrée avec Tel-Aviv ? Y a-t-il une personne à bord, dans la débâcle que vivent les stratèges de Téhéran, qui serait en mesure de nous expliquer – faut-il le répéter – pourquoi une riposte mesurée dans un cas et une riposte excessive dans l’autre ?

Un affrontement direct avec Israël ?

On veut bien croire que la Syrie est hors-jeu et que l’axe de la récalcitrance (moumana‘a) ne peut plus compter sur elle. Mais la crise régionale que nourrit la République islamique d’Iran n’est pas pour autant redescendue d’un cran, et ce n’est pas parce que le régime el-Assad a été renversé que les ayatollahs de l’Iran vont lâcher le morceau au sud du Litani, à son nord ou même en Syrie !

Massoud Pezechkian, le président iranien, avait déclaré à l’ONU le 24 septembre dernier que son pays ne saurait être entraîné contre sa volonté « vers un point où il ne veut pas aller ». Et l’Iran de Khomeini et de Khamenei, ce boutefeu des pays des Sarrasins, l’a bien prouvé en lâchant Bachar el-Assad et en abandonnant sa communauté alaouite à un sort des moins enviables. Mais ne pas se jeter dans la fournaise n’implique pas nécessairement une capitulation sur les autres fronts.

Aussi, détrompons-nous, vu que nous sommes toujours dans le même cas de figure. L’Iran a trop investi en Syrie et au Liban depuis plus de quarante ans pour se retirer du jeu sans en toucher les dividendes. Le régime théocratique va poursuivre sa guerre « par procuration ». Après tout, le Hezbollah n’a pas été définitivement éradiqué et il est difficile de croire qu’il va rendre ses armes à l’armée libanaise de gaieté de cœur. Au Jabal Amel et dans la banlieue sud, l’Iran se battra jusqu’au dernier chiite courroucé, voire jusqu’au dernier aouniste perplexe et égaré !

“Children of a lesser god” ou chair à canon

La République vertueuse des mollahs iraniens ne cherche pas l’affrontement direct avec Israël, mais ne renoncera pas pour autant à poursuivre ses « petites guerres » au Moyen-Orient, quand bien même elle aurait subi un Waterloo au Liban et se serait laissée tchernobyliser en Syrie !

Question : le Hachd al-Chaabi, les Houthis et le Hezbollah, destinés à se battre en première ligne, ces fils d’Ismaël, c’est-à-dire les Arabes du conflit, sont-ils les « enfants d’un moindre dieu » pour être sacrifiés comme des troupes coloniales sur le front Ouest lors de la grande guerre ? Décidément, si les ayatollahs bien inspirés comptent poursuivre le combat, c’est sur le terrain des autres qu’ils vont le faire. Alors, comme à l’époque où les fedayins palestiniens y faisaient la loi, notre Sud libanais va encore payer les frais de la guerre des autres ! Et notre banlieue-sud n’échappera pas à la reprise des combats, ne serait-ce qu’en vertu du phénomène bien connu d’osmose et de diffusion !

N’ayant pas dit leur dernier mot, les démobilisés du Hezb poursuivront leur jihad dans la rancœur et la clandestinité. Et dans l’attente eschatologique d’une victoire divine.

C’est ainsi qu’on joue les partitions suicidaires.

Dans leur frénésie, les bouleversements politiques de l’année qui s’est achevée, nous ont brouillé l’entendement. D’où l’intérêt de revenir à la date du 26 octobre 2024, lorsque le front intérieur syrien somnolait encore, afin de reconsidérer la malédiction pesant sur nos concitoyens du Sud, ceux que le cours des bombardements israéliens a jetés sur les routes ! Une...
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Il peut y avoir une relation entre le régime Iranien et le Hezballah mais il peut y avoir aussi un calcul purement interne du hezballah et ceci à deux niveaux: Rallier à eux les sunnites libanais pour qui la lutte pour la palestine est jugée légitime et est populaire (d'où le 3ala tareek el Qods), et aussi créer en soutenant le Hamas un exécutoire à toutes les frustrations sociales et économiques de leurs sympathisants désoeuvrés après 5 ans de crise économique

Moi

10 h 50, le 16 janvier 2025

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Commentaires (1)

  • Il peut y avoir une relation entre le régime Iranien et le Hezballah mais il peut y avoir aussi un calcul purement interne du hezballah et ceci à deux niveaux: Rallier à eux les sunnites libanais pour qui la lutte pour la palestine est jugée légitime et est populaire (d'où le 3ala tareek el Qods), et aussi créer en soutenant le Hamas un exécutoire à toutes les frustrations sociales et économiques de leurs sympathisants désoeuvrés après 5 ans de crise économique

    Moi

    10 h 50, le 16 janvier 2025

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