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Baladeur de virus !

Outre d’inestimables vestiges archéologiques, ce sont des trésors d’inspiration littéraire, artistique et même architecturale qu’aura apportés à la civilisation occidentale la vogue de l’orientalisme qui fit fureur aux XVIIIe et XIXe siècles. La Russie impériale elle-même n’a jamais été insensible à cet engouement, lequel se doublait, comme d’ailleurs pour les puissances européennes, d’évidents intérêts géopolitiques. D’où cette légendaire quête d’un accès aux mers chaudes qui n’a cessé d’obséder les stratèges de Moscou.

Jusqu’à peu, l’actuel tsar pouvait s’estimer plutôt bien servi. Or voici que les événements menacent de lui coûter sa base navale de Tartous et son aérodrome militaire de Hmeimim ; s’ils échouaient à obtenir un renouvellement du bail, comme tout le laisse prévoir, les Russes n’auraient d’autre position de repli que leurs facilités portuaires en Libye. Le problème est qu’en sus d’un irrésistible attrait pour les équipées militaires en mer Méditerranée, Vladimir Poutine s’est visiblement laissé contaminer par ce redoutable virus qui infeste nos contrées : celui du déni. Évoquant l’affaire syrienne, le maître du Kremlin ne va tout de même pas jusqu’à parler de victoire divine ou de victoire tout court, comme le faisait le Hezbollah en 2006, comme il continue de le faire après un deuxième round pourtant fort concluant. Pressé de questions par les journalistes, il se refuse toutefois, non sans hauteur, à voir dans la chute de Bachar el-Assad une quelconque défaite pour cette même Russie qui, des années durant, a porté à bout de bras le sanguinaire régime baassiste …

Mais les vainqueurs échappent-ils eux-mêmes au vertige des altitudes ? Netanyahu se voit déjà en roi d’Israël, il élargit à outrance l’occupation israélienne du Golan et s’emploie à démolir l’essentiel des ressources militaires syriennes. À peine ses poulains islamistes du HTC installés au pouvoir, le Turc Erdogan, quant à lui, n’a rien de plus pressé que de compliquer encore l’imbroglio syrien. Le néo-sultan appelle ainsi à un assaut contre les organisations terroristes campant dans le Nord-Ouest syrien : Daech bien sûr, mais surtout les Kurdes rebelles à l’autorité d’Ankara. Or il feint d’oublier que ces derniers forment le gros des mêmes forces que Washington juge absolument essentielles pour faire barrage… au terrorisme jihadiste.

Zoom sur Damas, maintenant. Après les Européens et l’ONU, ce sont les Américains qui prenaient langue hier avec le tombeur d’Assad, Ahmad el-Chareh, ce premier contact ayant été qualifié de positif. Depuis sa victoire, le Hay’at Tahrir el-Cham s’évertue, de fait, à montrer patte blanche aux minorités de Syrie comme à la communauté internationale ; mais ces jihadistes repentis en viennent fatalement à pratiquer un double langage. Les propos réducteurs d’un nouveau ministre à propos des droits des femmes ont ainsi fait scandale. En témoigne cette première et imposante manifestation de jeudi où l’on a vu la foule, Syriennes passionnément en tête, exiger l’instauration de la démocratie à l’ombre d’un État séculier. Non moins grisant que le triomphe des armes s’avère ainsi le vent de liberté qui a soufflé avec force sur la Syrie dès l’instant où sautait enfin le couvercle de la bouillonnante marmite…

Cinq ans après une rébellion populaire qui a malheureusement tourné court, c’est ce même vent de renouveau qui – de manière moins impétueuse sans doute mais non moins réelle et profonde – parcourt le Liban depuis la clôture de la désastreuse guerre de soutien à Gaza initiée par le Hezbollah : la chute du régime Assad n’ayant fait, bien évidemment, qu’affaiblir encore plus la milice. Particulièrement significatif est le courageux appel lancé mercredi par un groupe d’intellectuels chiites à l’émancipation libanaise et arabe de leur communauté, trop longtemps otage d’une tyrannique tutelle iranienne.

C’est sur deux parcours concomitants, parallèles et néanmoins distincts, que se trouvent engagés aujourd’hui des pays aussi naturellement voués à l’interaction que la Syrie et le Liban. Pour conjurer les malheureuses expériences du passé, et aussi les pièges de la géographie, il ne suffit plus guère, pour notre pays, de se barricader derrière des frontières terrestres à la proverbiale perméabilité. Face à tous les ouragans, c’est du dedans, par son unité nationale retrouvée, par la résurrection d’un État de droit, que peut se bétonner le Liban.

Issa GORAIEB
 igor@lorientlejour.com

Outre d’inestimables vestiges archéologiques, ce sont des trésors d’inspiration littéraire, artistique et même architecturale qu’aura apportés à la civilisation occidentale la vogue de l’orientalisme qui fit fureur aux XVIIIe et XIXe siècles. La Russie impériale elle-même n’a jamais été insensible à cet engouement, lequel se doublait, comme d’ailleurs pour les puissances...