Dans le cadre d’accusations lancées contre Karim Salam, frère et collaborateur du ministre sortant de l’Économie Amine Salam, une affaire de pots-de-vin présumés fait l’actualité. La Commission spéciale d’investigation (CSI) au sein de la Banque du Liban (BDL) a récemment ordonné « le gel préventif et la levée du secret bancaire des comptes » du frère du ministre, selon une source judiciaire interrogée par L’Orient-Le Jour.
Cette source indique que les mesures ont été prises à la suite d’une requête du parquet financier présidé par Ali Ibrahim qui, l’été dernier, avait demandé « des renseignements » sur les comptes en question, dans le cadre d’une enquête menée après une ouverture d’une information judiciaire réclamée, il y a deux ans, par des propriétaires de compagnies d’assurances. Ceux-ci accusent le frère du ministre sortant d’avoir reçu des pots-de-vin pour régulariser la situation financière de leurs sociétés, sachant que le secteur des assurances relève du ministère de l’Économie.
Les faits imputés remontent à la période qui a suivi la double explosion au port de Beyrouth, survenue le 4 août 2020, affirme à L’OLJ le responsable d’une compagnie d’assurances. Certaines entreprises avaient alors payé aux victimes des indemnités inférieures à celles dues, notamment en raison de la perte d’une grande partie de leur capital causée par la dépréciation de la monnaie nationale, suite à la crise financière de 2019. D’autres avaient perçu des sommes de la part des réassureurs sans pour autant régler les montants nécessaires à la réparation des préjudices subis. Plusieurs de ces sociétés avaient été déclarées en cessation de paiement, après des démarches du ministre sortant de l’Économie, poursuit le responsable cité plus haut. Pour tenter de régulariser leur situation et renouveler leurs licences, certaines d’entre elles avaient sollicité des études en vue d’être guidées dans leur volonté de régler leurs problèmes de liquidités. Sauf que Karim Salam leur aurait imposé de recourir aux services d’une société d’audit appartenant à Fadi Tamim, conseiller financier présumé d’Amine Salam, en échange de paiements considérables. En outre, plutôt que de négocier les arrangements de leur situation avec la Commission de contrôle des sociétés d’assurances, ces entreprises étaient contraintes de traiter avec le ministre sortant, qui s’abstenait de pourvoir au poste de directeur de cette commission, laissé vacant en 2022. C’est seulement depuis quelques mois que Nadim Haddad a été nommé à cette fonction, ajoute la source précitée.
Selon une source du Palais de justice, le dossier lié à l’information judiciaire avait été transféré à la chambre d’accusation de Beyrouth, présidée par Maher Cheaïto. L’enquête avait confirmé la mise en cause de Fadi Tamim, notamment grâce à une vidéo montrant un responsable d’une société d’assurances lui remettre de l’argent. Tout en niant être le conseiller du ministre, M. Tamim avait reconnu avoir perçu la somme, qu’il avait toutefois qualifiée d’« honoraires » et non de « pot-de-vin ». Lors de son interrogatoire, il avait, par ailleurs, nié que le frère du ministre avait encaissé une partie de cette somme. Son dossier avait été ensuite transféré à la cour criminelle de Beyrouth présidée par Samir Akiki, qui l’a condamné à une peine de prison. Le juge Akiki avait, par ailleurs, renvoyé Karim Salam devant le parquet pour un approfondissement de l’enquête.
Toujours selon la source judiciaire précitée, la CSI devrait d’ores et déjà établir une « analyse » des comptes en question, avant de la transmettre au parquet financier, qui décidera de la suite à donner à l’enquête.
« Ciblage politique »
L’OLJ a tenté, sans succès, de joindre le ministre sortant de l’Économie. Avant d’entrer à la séance du Conseil des ministres tenue mercredi, il avait déclaré à la presse que les accusations concernant son frère constituent « un ciblage politique insignifiant », rappelant que le gel des comptes est « une mesure préventive ». M. Salam venait de rentrer d’une visite aux États-Unis. « Chaque fois que le ministre de l’Économie voyage et travaille pour le pays, ils l’attaquent », a-t-il déclaré, sans nommer ses détracteurs.
Waddah Sadek, député de la contestation, a estimé mercredi que le gel des comptes « confirme les soupçons de corruption ». Il a affirmé avoir demandé à la commission parlementaire de l’Économie de former une sous-commission pour enquêter sur les accusations de « pots-de-vin et gaspillage de fonds publics », réclamant que le ministre et son frère soient entendus lors de la prochaine séance de la commission.
C'est une goutte dans un océan. Si vous voulez condamner les corrompus et les mafieux, il ne restera aucun ministre, aucun député, ainsi que leurs familles qui ne soit pas emprisonné. J'espère que c'est le début de l'épuration et que ces investigations continuent afin d'atteindre tous les autres. Mais il y a du boulot.
12 h 38, le 06 décembre 2024