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Société - Focus

« Notre motivation à tous ? Survivre » : ces métiers nés en temps de guerre

Plusieurs  habitants de la banlieue sud ont été contraints d’inventer de nouvelles professions, bravant parfois la mort, pour subvenir à leurs besoins.

« Notre motivation à tous ? Survivre » : ces métiers nés en temps de guerre

Un membre du personnel de l’association Amel, une organisation non gouvernementale libanaise, récupère des objets dans leur branche endommagée par une frappe israélienne sur un bâtiment voisin, dans le quartier de Hay el-Sellom, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 2 décembre 2024. Anwar Amro/AFP

« Ne pas connaître le sort de sa maison est encore plus difficile que de la perdre. » Mohammad se rendait quotidiennement sur sa moto dans la banlieue sud de Beyrouth, pour s’enquérir de l’état de sa maison alors que la région était soumise à des bombardements intenses pendant deux mois de guerre entre le Hezbollah et Israël. Ce jeune homme de vingt ans, qui travaillait dans un café dans la banlieue sud, n’a pas hésité par la suite à faire du risque qu’il encourait une profession peu commune. « Avec l’intensification des bombardements, j’ai dû réduire mes déplacements dans la région, car je suis responsable de ma famille. Mais j’ai vite réalisé que d’autres personnes, vivant dans l’angoisse, comptaient sur moi. » En effet, certains habitants lui ont même proposé de l’argent pour qu’il aille inspecter leurs habitations. « Quand l’un d’eux a offert de me payer, je n’ai pas hésité, malgré la peur et la responsabilité. J’étais au chômage, et j’ai vu là une opportunité de gagner ma vie, d’autant que cette guerre s’éternisait. » Les tarifs pouvaient varier.  « En général, je gagnais entre 30 et 50 dollars, selon la dangerosité de la zone et la situation. » « Il mettait sa vie en danger pour nous apporter des nouvelles, mais surtout de l’espoir et du réconfort », témoigne un habitant qui a recouru aux services du jeune homme.

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Plusieurs « métiers » sont nés en temps de guerre, explique Mohammad Chamseddine, directeur des recherches à l’institut Information International. Bien qu’ils répondaient à un besoin immédiat, leur nombre restait limité. « De nombreuses personnes ont été contraintes d’inventer de nouvelles professions pour subvenir à leurs besoins quotidiens après avoir perdu leur emploi », précise-t-il. Et de souligner que certains ont tenté de tirer profit de de leurs compétences pour assurer une autre source de revenus. Parmi eux, Ahmad, habitant du quartier de Mreijé dans la banlieue sud. Menuisier à la base, il a reçu plusieurs appels à l’aide durant la guerre, et son numéro s’est répandu dans la région. « Après les violentes frappes qui ont touché la banlieue sud, les portes et les fenêtres ont été arrachées, et il y avait un besoin urgent parmi les habitants de les sécuriser, par crainte des vols et des dégâts causés par les premières pluies, raconte ce père de quatre enfants. J’y ai vu une opportunité de gagner de nouveaux clients, non seulement pendant la guerre, mais aussi après. » Revenant sur cette période, Ahmad se souvient des dangers qu’il a courus et des défis qu’il a dû surmonter. « Quand les habitants me contactaient, nous fixions un rendez-vous précis. Je me rendais par la suite à la maison en question, en prenant toutes les mesures de précaution nécessaires, relate-t-il. J’effectuais le travail en dehors de la banlieue pour réduire le temps passé dans des zones dangereuses. Le lendemain, je revenais pour une installation express, en priant pour que Dieu me protège. »

« Le besoin était plus fort que la peur »

Nada, une quadragénaire habitant elle aussi dans la banlieue sud, s’est retrouvée contrainte de quitter en urgence son domicile à Bourj el-Brajné, le 23 septembre. Elle n’a même pas eu le temps d’emporter la petite valise qu’elle avait préparée pour les cas d’urgence. Avec l’intensification des frappes, il lui était devenu impossible de retourner chez elle pour prendre ses affaires nécessaires. Nada a donc fait appel à un jeune homme d’une vingtaine d’années, connu pour son service unique : récupérer des biens dans les maisons évacuées. Sur les conseils de sa voisine, elle a convenu avec lui de cette mission pour une rémunération de 150 dollars. « Je l’ai retrouvé au rond-point de Tayouné. Je lui ai donné la clé de la maison et quelques sacs pour y mettre les affaires, raconte la jeune femme. Entre-temps, je suis restée dans ma voiture. Nous sommes restés en contact par téléphone et je lui indiquais où trouver ce dont j’avais besoin, quelques vêtements d’hiver et des documents officiels. » « Le bruit des drones au-dessus de ma tête m’angoissait. J’avais peur d’avoir mis ce jeune homme en danger de mort, je me sentais égoïste, poursuit-elle, la voix tremblante. J’avais peur que ma maison soit détruite et que je perde tout document prouvant que j’en suis la propriétaire. Je lui ai aussi demandé de me rapporter une vieille photo de moi enfant, la seule que je possède. Je ne voulais pas perdre ce souvenir. »

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Chehab, un trentenaire et père d’un nourrisson de trois mois, s’est, lui, retrouvé face à un choix difficile. Celui de continuer à travailler dans la banlieue sud en dépit du danger ou de voir ma famille crever. « Le besoin était plus fort que la peur », lâche-t-il. Durant la guerre, les habitants avaient besoin de vider leurs maisons et de déplacer leurs meubles. « J’avais deux options : soit je prenais le risque de travailler dans la banlieue malgré tout, soit je restais sans emploi. J’ai choisi la première. Je pensais à mon fils et à ma femme. Je préférais mourir que les voir affamés », ajoute-t-il. Pour Chehab, chaque mission était périlleuse. Le bruit des drones et des avions était omniprésent. L’odeur de la mort se répandait dans l’air, se souvient-il. Le visage de son fils lui donnait le courage. « J’avais besoin de subvenir aux besoins de ma famille. C’était aussi simple et compliqué que ça, affirme-t-il. Cette guerre nous a obligés à faire des choses inimaginables. Notre motivation à tous ? Survivre. »

« Ne pas connaître le sort de sa maison est encore plus difficile que de la perdre. » Mohammad se rendait quotidiennement sur sa moto dans la banlieue sud de Beyrouth, pour s’enquérir de l’état de sa maison alors que la région était soumise à des bombardements intenses pendant deux mois de guerre entre le Hezbollah et Israël. Ce jeune homme de vingt ans, qui travaillait dans un café...
commentaires (1)

C'est bien triste et moche la guerre !! Ces braves gens n avaient pas trop de choix!! Espérant que tt cela ne se reproduira +. Que le Liban reprenne son destin en main.et enfin + hostage des gens qui ont provoque cette guerre!!

JEAN PALVADEAU

07 h 58, le 06 décembre 2024

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Commentaires (1)

  • C'est bien triste et moche la guerre !! Ces braves gens n avaient pas trop de choix!! Espérant que tt cela ne se reproduira +. Que le Liban reprenne son destin en main.et enfin + hostage des gens qui ont provoque cette guerre!!

    JEAN PALVADEAU

    07 h 58, le 06 décembre 2024

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