Maintenant que le Hezbollah est affaibli – et que la crise libanaise a pris une dimension internationale –, l’opposition se retrouve devant une « occasion en or » pour mettre sur les rails un plan d’avenir en vue de la réhabilitation des institutions conformément aux principes qu’elle défend. Les partis opposés au Hezbollah et à son agenda – qui, à ce jour, n’ont pas réussi à se coaliser au sein d’un front uni – sont-ils aujourd’hui prêts à aborder ensemble la phase à venir ? L’OLJ a fait le tour des principales figures de l’opposition, pour sonder leurs positions respectives notamment face à deux grands défis imminents : le désarmement du Hezbollah et l’élection d’un président de la République.
Si l’ensemble des protagonistes au sein de ce groupement pluriel s’accordent à dire que la période suppose des efforts conjoints pour parvenir aux objectifs souhaités, il n’en reste pas moins que l’idée d’un front uni et cohésif n’est pas, aux yeux de certaines composantes, une condition nécessaire et absolue. C’est notamment le cas pour le parti Kataëb qui estime que « l’époque où l’on évoquait un front souverainiste contre le Hezbollah est révolue ». « Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est plutôt un plan de sauvetage », indique Patrick Richa à L’OLJ, rappelant au passage que les efforts entrepris à ce jour pour unifier les rangs de l’opposition n’ont pas abouti.
Tiraillements internes
L’expérience passée a en effet mis en exergue des tensions internes multiples, notamment pour ce qui est du parrainage de ce camp, sachant que les Forces libanaises ont été accusées de chercher à placer ses différentes composantes sous leur tutelle et « de faire de Meerab le centre de gravité du front », comme le souligne anonymement une source de l’opposition. Les FL ont pu rassembler 31 députés, considérés comme des faucons du camp, sous leur houlette, dont la dernière réunion remonte au mois de septembre. Dans une déclaration, Élie Hankache, député du bloc Kataëb, a toutefois indiqué samedi que son parti « ainsi que l’opposition tiennent des réunions ouvertes avec les différents protagonistes politiques, pour mettre fin à la paralysie au niveau de la présidence de la République », sans préciser toutefois l’identité des participants et si les FL y sont incluses ou non.
D’ailleurs, pour les FL, un front uni de l’opposition n’est pas non plus une condition préalable pour aborder la prochaine phase. Un argument justifié entre autres par le fait que la question du désarmement ne relève pas, selon le parti chrétien, de la seule responsabilité de l’opposition en tant que telle, puisqu’elle est désormais du ressort de la communauté internationale. « C’est la première fois dans l’histoire du Liban qu’il y a un mécanisme international pour faire appliquer les résolutions onusiennes en présence. C’est une première. Par conséquent, le rôle de l’opposition est désormais réduit à exercer une pression parallèle, de sorte à ce que le pays ne soit plus une arène de conflit sous l’emprise de l’Iran », commente Charles Jabbour, porte-parole des FL. D’autant, dit-il, que l’ensemble des parties de l’opposition sont d’accord sur les questions à caractère souverainiste, telles que l’application de Taëf, de la 1701 et de la 1559. « Les divergences pourraient éventuellement réapparaître sur des dossiers internes », précise M. Jabbour.
Vendredi dernier, le chef de la formation chrétienne Samir Geagea a tenu des propos extrêmement virulents à l’adresse du Hezbollah qu’il a accusé d’avoir commis un « grand crime envers les Libanais ». Une position radicale que ne partagent pas toutes les composantes de l’opposition. À leur tête, l’ancien chef du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt qui dès à présent tient à prendre une certaine distance. Le leader druze préfère clairement se maintenir au centre, même s’il partage avec ses pairs les grandes lignes stratégiques, notamment concernant le désarmement du Hezb et le refus de toute emprise iranienne sur le Liban dorénavant. « Je ne fais partie d’aucun camp. J’ai été clair dans mes récentes interventions, à savoir qu’il faut appliquer l’ensemble des résolutions internationales et prendre en compte le fait qu’un bon nombre de Libanais ne veulent plus que le Liban continue de servir d’arène pour l’Iran face aux autres puissances », indique le leader druze. Et de souligner toutefois qu’il maintient des canaux de communication « avec tout le monde », y compris avec Samir Geagea auprès duquel il compte se rendre bientôt ainsi que chez d’autres. « L’État libanais doit bénéficier du monopole des armes et des décisions relatives à la guerre et à la paix », a affirmé le leader druze dans une déclaration au journal al-Anba’.
« Ne pas brûler les étapes »
De son côté, le bloc de la Modération nationale, constitué de députés sunnites ex-haririens, évite pour le moment de se prononcer sur la question des armes ou de la formule à laquelle s’accroche le Hezbollah, « armée-peuple-résistance ». Ce bloc accorde en effet la priorité au retour du fonctionnement des institutions et notamment à l’élection d’un président de la République et à la mise en place d’un gouvernement en titre, comme prôné dans le cadre de sa tournée de médiation amorcée il y a quelques mois, avant la guerre du Liban. « Dans un second temps, nous plancherons sur la stratégie de défense. Nous préférons ne pas brûler les étapes », commente Walid Baarini, un membre de ce bloc. « Notre position est centriste. Nous nous considérons comme un pont qui relie les différents protagonistes », insiste encore le député.
Quant au Courant patriotique libre, qui ne fait pas partie de l’opposition, mais qui a récemment opéré un repositionnement par rapport au Hezbollah, considérant que le front de soutien à Gaza qui a causé des morts et des destructions monstres était injustifié et inapproprié, il tient pour sa part à se distinguer des clivages en présence. Il se dit donc en faveur du « dialogue et d’une plateforme commune convenue par l’ensemble des parties ». C’est le cas aussi bien pour ce qui est du désarmement du Hezbollah – qui devrait faire l’objet de discussions internes selon les aounistes – que de la question de l’identité du prochain président. « Nous avalisons le principe selon lequel l’armée et l’État doivent avoir un rôle principal pour la défense du Liban. Quant à la fonction de l’arsenal du Hezb et de la manière dont le Liban pourrait bénéficier de telles ressources, cela devrait être tranché dans le cadre d’un dialogue national. Il n’est pas question pour nous d’un désarmement imminent », confie Michel Bou Najm, porte-parole du CPL. Le parti de Gebran Bassil ne veut, de toute évidence, pas provoquer le parti chiite ni faire preuve d’hostilité à son égard.
Quid de la présidentielle ?
Il reste que le courant aouniste maintient sa position hostile à la candidature du commandant en chef de l’armée, Joseph Aoun, à la présidence de la République. Il « n’est toujours pas considéré comme notre profil favori », dit le porte-parole.
Au final, si la question du désarmement du Hezb semble, dans une certaine mesure, recueillir une majorité de voix au sein de l’opposition, le prochain test sera, sans aucun doute, celle du profil du futur chef de l’État. À en croire une source de l’opposition qui a tenu à rester anonyme, il y a actuellement quatre candidats en lice que considère l’opposition, à savoir « Samir Geagea, Samy Gemayel, Michel Moawad et Joseph Aoun, avec un penchant certain pour celui-ci ».
Quand a l'opposition, des Kataebs aux indépendants, les FL est le parti le plus important sur le terrain comme au parlement et que cela leur plaisent ou pas ils ont le droit d'avoir leur candidat comme ils ont le droit de ne pas le soutenir. Mais s'ils veulent un Président fort et un gouvernement efficace le candidat des FL, qui qu'il soit, devient un candidat national nécessaire pour avancer vers la souveraineté totale même si les Chiites ne sont pas d'accord. La constitution est ainsi faite, il faut respecter les lois et les règles pour y arriver.
11 h 14, le 04 décembre 2024