
Martha Stewart, une figure incontournable du lifestyle américain. Photo Netflix
« J’ai deux devises. L’une est d’apprendre quelque chose de nouveau chaque jour. Et l’autre est que, quand on pense à un changement, c’est qu’on y est déjà. Changez ce jardin si vous ne l’aimez pas. Arrachez-le et recommencez. » Dans un documentaire portant simplement son prénom que vient de lui consacrer R. J. Cutler et diffusé sur Netflix, Martha Stewart, grande amie de Snoop Dogg avec qui elle a monté une émission de cuisine, définit ainsi sa philosophie d’être. Ces multiples facettes qui ont fait d’elle une iconique fée du logis ayant pris en main ses moindres coins et recoins durant des décennies avec un goût infini et une créativité sans borne. Semant à tout vent par le biais du petit écran et son propre magazine un art de vie raffiné qu’elle incarne avec maestria, elle a récolté une fortune colossale et une réputation en magnifiant ces petites choses du quotidien : comment être une hôtesse chic et sans effort, une cuisinière avisée, une jardinière glamour et une décoratrice astucieuse, tout en restant une femme moderne et une reine des selfies sur Instagram, avec des millions d’abonnés.
Une self-made woman
Son histoire, ponctuée de réussites, et sa personne avaient beaucoup à offrir aux caméras des cinéastes, et le méga-distributeur Netflix l’a bien vu en lui consacrant un documentaire. Ce choix est expliqué sur le site officiel : « Depuis plus de 50 ans, Stewart a façonné notre culture à petite et grande échelle, enseignant à ses millions d’aficionados comment plier correctement une housse et en remettant en question les idées bien ancrées sur le travail domestique. Ce documentaire – simplement intitulé Martha – couvre l’étendue de sa vie extraordinaire à travers des entretiens intimes avec elle. Elle a ouvert ses archives personnelles pour partager des photos inédites, des lettres et des extraits de son journal intime. »
R. J. Cutler, le réalisateur de ce documentaire d’environ deux heures, a perçu en elle une personnification de son époque et une belle réussite américaine. Il précise : « Il n’était pas difficile d’imaginer qu’il y avait là matière à un film qui explorerait les raisons pour lesquelles Martha est une culture et une histoire si importantes. Une figure incontournable du monde des affaires depuis tant de décennies et à bien des égards. » Sa caméra a donc retracé l’ascension de cette femme qui est une incarnation d’un style de vie engendrant l’influenceuse originale qu’elle est devenue. Une véritable self-made woman de 81 ans, toujours en plein contrôle de ses hauts et bas (vite remontés). L’an dernier, elle a même fait un tabac en devenant la femme la plus âgée à faire la couverture du magazine Sports Illustrated Swimsuit en maillot de bain, cet hymne au glamour juvénile. Elle n’a pas encore dit son dernier mot.
De simple mannequin à une cote en Bourse d’un milliard de dollars
Née Kostyra de parents polonais, Martha Stewart a passé sa jeunesse dans l’État du New Jersey. À l’adolescence, elle fait ses premiers pas dans le mannequinat parallèlement à ses cours au lycée, avant d’intégrer le Barnard College à New York. Elle en sort diplômée en histoire et histoire de l’architecture et épouse à l’âge de 19 ans un étudiant de l’Université de Yale, Andrew Stewart. Dans les années 1970, le couple s’installe dans l’État du Connecticut et achète une ferme que Martha restaure et décore. En même temps, elle se lance dans la gastronomie en débutant une affaire de traiteur et rédige son premier livre de lifestyle intitulé Entertaining, avec l’aide de son mari éditeur, qui connaîtra un grand succès en librairie. « Martha voulait montrer à l’Américaine qu’elle pouvait apporter du beau dans son foyer », décrit un journaliste dans le documentaire de Netflix. Le couple divorcera en 1990 après 25 ans de mariage et après avoir eu en commun une fille.
À la fin des années 1990, elle crée son entreprise multimédia et amorce la construction de ce qui devient un empire médiatique, le Martha Stewart Living Omnimedia (MSO), coté en Bourse en 1999, la faisant entrer dans le club des très riches avec une fortune évaluée à un milliard de dollars.
Tout ce qu’il faut savoir sur Martha Stewart, sur Netflix. Photo Netflix
Multifonctionnelle
Son affaire, qui repose sur un magazine et un programme télévisé hebdomadaire au haut de l’audimat, le Martha Stewart Living, se place immédiatement au sommet des ventes. Dès lors, son nom devient un label synonyme de beauté et d’élégance. À son actif notamment, une création nommée Stewart Everyday Line, incluant une nouvelle collection de meubles de maison prêts à l’emploi et sa ligne de peinture intérieure grand public, disponible dans les plus importantes grandes surfaces. En septembre 2007, elle signe une série d’articles ménagers haut de gamme pour le célèbre grand magasin Macy’s. Une initiative qui a connu le plus grand lancement de marque de l’histoire de cette entreprise. Apparaissant dans les publicités de la ligne, Martha Stewart avait déclaré qu’elle avait conçu plus de 2 000 objets exclusivement pour Macy’s. Tout cela sans compter sa publication de multiples ouvrages.
Rebond après cinq mois de prison
Mais cet empire érigé durant des années de travail sans relâche n’empêchera pas la chute. Empêtrée dans une affaire de délit d’initiés puis dans un procès pour entrave à la justice, Martha Stewart est condamnée en 2004, à 63 ans, à une peine de cinq mois de prison. Dans le documentaire, Netflix partage les souvenirs qu’elle a consignés dans son carnet intime de l’époque, les sentiments, l’inquiétude qu’elle avait alors ressentis. Certains, dont la principale intéressée, voient dans cette accusation une « chasse aux sorcières » et un plaisir malsain à voir chuter une « personnalité parfaite », ou encore une tentative pour discréditer la première femme milliardaire du pays. Sortie de prison au meilleur de sa forme, en petit poncho tricoté par une codétenue, un moment très médiatisé comme le fut son procès, elle repart de plus belle. Connue pour être une grande perfectionniste, elle avoue ne pas être totalement satisfaite de la version de son existence traitée par Netflix et particulièrement par le réalisateur. Ses reproches publiés partout portent entre autres sur « certains mauvais angles de tournage », « l’insistance sur son procès », et surtout ce reproche : « Ces dernières scènes où je ressemble à une vieille dame solitaire marchant courbée dans le jardin ? Boy ! Je lui ai dit de s’en débarrasser. Et il a refusé. » Pourtant, en la filmant, le réalisateur R. J. Cutler a vu en elle une visionnaire qu’il définit en ces termes : « Elle a démocratisé la mode, le goût et le style. Elle voyait l’avenir avant que les autres ne le voient et elle devait toujours surmonter d’énormes obstacles qui se dressaient sur son chemin. La plupart des personnes qui lui ont posé ces obstacles étaient des hommes qui refusaient de voir ce qu’elle était capable de voir et qui rendaient la tâche plus difficile aux autres, parce qu’elle était une femme. Et elle a surmonté ces obstacles avec un succès extraordinaire. »
Toujours est-il que sur les réseaux sociaux, son documentaire reste aussi populaire qu’elle l’est, « fascinant », « parfait », « inspirant » et autres qualificatifs élogieux…