
« Pas de mosquée, seulement des débris et une entrée de tunnel bloquée. J’y suis allé pour rien. Je ne recommande pas. » Sous la fiche Google d’une mosquée au Liban-Sud, un homme ironise sur les destructions dues aux bombardements israéliens. Capture d’écran Google Maps
« Merci pour le don. Les soldats se sont bien amusés. Dommage qu’il y ait beaucoup de rats, pas d’eau dans la piscine et que les vitres soient cassées. » Écrit en hébreu, cet avis Google – accompagné d’une seule étoile – est signé Doron Blumshtein, « un guide local », et moque les dégâts infligés par l’armée israélienne au chalet Khalet Farah, à Aïta el-Chaab (caza de Bint Jbeil), dans le sud du Liban. Ironiques et glaçants, les commentaires d’Israéliens sur les lieux détruits ou endommagés près de la frontière avec Israël s’accumulent depuis un peu plus d’un mois, coïncidant avec le début de l’offensive terrestre israélienne dans cette région, le 30 septembre dernier.
Un avis Google, initialement écrit en hébreu, moque les dégâts dans un chalet à Aïta el-Chaab, au Liban-Sud. Capture d’écran Google Maps
« Pas de mosquée, seulement des débris et une entrée de tunnel bloquée. J’y suis allé pour rien. Je ne recommande pas », s’amuse, sous cette même étiquette de « guide local », un autre utilisateur du nom de Gabi Weisskopf, sur la fiche de la mosquée Ahl al-Qur’an, près du village de Yarine (caza de Tyr). Tout comme les lieux touristiques ou les sites religieux, les hôpitaux délabrés de la région ne sont pas épargnés par cet humour. « Un peu trop plein », publiait un internaute il y a une semaine, au sujet de l’hôpital Salah Ghandour, à Bint Jbeil, visé par de violents bombardements au début du mois d’octobre.
Des contenus incompatibles avec la politique de Google
Applaudis par les soutiens d’Israël sur le réseau social X, qui y voient un « mécanisme psychologique de défense » de la part des soldats israéliens, ces commentaires ne respectent pourtant pas la politique de Google en matière de contribution des utilisateurs, qui interdit les « contenus offensifs » et « délibérément provocateurs ». Mais Google étant l’unique modérateur de ces avis, ces derniers ne peuvent être effacés que par la société elle-même. Contactée par L’Orient-Le Jour, l’entreprise américaine rappelle que « les contributions à Google Maps sont ouvertes à tous. Si un avis enfreint nos règles, nous le supprimons et nous encourageons les utilisateurs à signaler ces contenus, afin que nous puissions les examiner et agir ».
Cela étant, et malgré des soupçons de crimes de guerre menés par l’armée israélienne au Liban, quoi qu’il arrive, « Google ne sera pas légalement responsable des contenus générés par ses utilisateurs », souligne Ralph Beydoun, directeur de la société de recherche et de communication stratégique InflueAnswers. « Ces plateformes bénéficient généralement d’un certain degré de protection légale contre les agissements de leurs utilisateurs. Cependant, Google pourrait faire face à des poursuites judiciaires ou à des pressions du public pour supprimer les contenus préjudiciables ou incitant à la violence, en fonction des lois en vigueur dans les différents pays et des spécificités de la situation. »
Vers l’actualisation des images satellite ?
Des pressions du public, Google pourrait aussi en subir concernant l’actualisation de ses cartographies, comme cela a déjà été le cas pour la bande de Gaza, et alors que des quartiers entiers ont été complètement rasés dans au moins 37 villages du Liban-Sud depuis le début de la guerre entre Israël et le Hezbollah le 8 octobre 2023. Si certains sites bombardés sont déjà indiqués sur internet comme « fermés temporairement », il est encore impossible de visualiser l’ampleur des dégâts sur les plans en ligne, les mises à jour n’étant pas automatiques et les délais pour observer des changements pouvant parfois s’étendre sur plusieurs années.
Si c’est le cas, c’est parce que « ces délais varient en fonction de plusieurs facteurs », explique Jihad Bourassi, ingénieur data sciences et traitement d’images au BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières). « D’abord, la fréquence des passages satellites : plus les satellites passent fréquemment, plus les mises à jour sont rapides. Ensuite, l’analyse et l’interprétation des images requièrent du temps et des ressources. Enfin, l’accès aux données peut être compliqué : les restrictions légales ou commerciales peuvent limiter l’accès à certaines images », notamment dans des zones en guerre, et parce qu’une partie des images de Google Maps sont des images aériennes. De son côté, Google confie étudier « les possibilités d’actualiser leurs images satellite dès qu’elles seront disponibles », mais affirme ne pas avoir « de nouveaux plans à partager pour l’instant ».
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11 h 01, le 21 novembre 2024