Donald, es-tu là ? Que ses fans se rassurent, le propos n’est pas de vouer prématurément le truculent président élu des États-Unis au monde des esprits. Le hasard du calendrier aidant, le fait est seulement que l’ombre du républicain plane sur toute une brassée de conférences internationales de haut niveau meublant la semaine en cours. Pour divers que soient les domaines abordés, c’est invariablement à l’aune d’une ère Trump toute proche, sinon déjà ouverte, que l’on s’efforce de scruter l’avenir.
À Lima revient la primeur dans ce bref survol planétaire du moment qu’aux yeux des puissances, les guerres de gros sous prennent souvent le pas sur les guerres tout court, ces récurrentes et fastidieuses tueries entre humains. L’Américain Joe Biden et le Chinois Xi Jinping doivent se retrouver vendredi dans la capitale péruvienne au vaste forum de la coopération économique Asie-Pacifique (Apec), zone abritant près des deux tiers du flux mondial de marchandises produites et commercialisées. Déjà tendus sont certes les rapports entre Washington et Pékin qui butent aussi sur des conflits d’ordre stratégique et moral ; or on voit mal quel remède peut encore y apporter l’actuel président américain qui quittera bientôt la Maison-Blanche. Le fossé menace maintenant de se creuser, avec le programme résolument protectionniste brandi par son successeur et dont s’alarment déjà les pays européens. Maintenant qu’il est élu, Trump n’a sans doute rien de plus pressé que de troquer sa casquette rouge pour la casquette du douanier.
À Bakou où est réuni depuis hier la COP29, l’on voit forcément le débat sur le changement climatique gagner en hauteur. On a même vu certaines espérances atteindre des altitudes atmosphériques : l’ONU affirmant par exemple que tout n’est pas perdu suite aux derniers événements politiques et que le processus est condamné à perdurer ; ou encore le représentant américain assurant que l’affaire dépasse en importance le cycle électoral d’un pays, serait-il l’Amérique. Il en faudra bien plus toutefois pour redonner du cœur à l’ouvrage aux pays et organisations civiles planchant sur le financement de la lutte contre le réchauffement. Car une fois de plus, le spectre Trump n’est pas loin : Trump qui déjà en 2017 retirait les États-Unis de l’accord-phare de Paris, au prétexte que le péril climatique n’était qu’un canular ; Trump encore qui s’apprête à récidiver en cassant la décision de Biden de réintégrer les rangs ; et Trump toujours qui, selon la grande presse US, songerait maintenant à décréter un train de mesures alors que son pays est déjà le deuxième pollueur mondial. Eh oui cela va chauffer, on vous le promet !
À Lisbonne, ce n’est plus l’écran de télé que crève cette fois l’omniprésent républicain mais la toile dans ce qu’elle compte de plus huppé, de plus influent. Dans la capitale portugaise sont en ce moment réunis en masse les plus grands noms du web, rejoints par des milliers de start-up et une foule d’investisseurs, et seuls deux thèmes majeurs (on croit rêver) y tiennent l’affiche : l’ère Trump II et l’intelligence artificielle. La fine fleur de la haute technologie cybernétique va ainsi spéculer sur les intentions du président élu dont la campagne a obtenu comme on sait le soutien enthousiaste du caïd de la corporation, Elon Musk. Ce jumelage ne pourra sans doute que flatter l’ego de l’homme qui dans deux mois gouvernera à nouveau la première superpuissance mondiale ; il ne peut hélas qu’exciter aussi l’appétit des poids lourds du net, ce qui ouvrirait alors la voie à toutes sortes de dérives. En attendant, reste évidemment à se demander quelle I.A. va s’avérer capable de prédire correctement, à tous les coups, ce que compte faire quelqu’un d’aussi imprévisible que Trump…
À Riyad c’est un imposant sommet arabo-islamique qui s’est réuni lundi pour réaffirmer des exigences brandies en vain depuis des décennies : à savoir la fin de l’occupation des territoires occupés par Israël en 1967 et l’établissement d’un État palestinien ; judicieuse concession à la tragique actualité, les congressistes ont également dénoncé le crime de génocide commis par l’État hébreu à Gaza, de même que ses agressions contre le Liban. Pour l’hôte saoudien de la conférence qui a témoigné d’un surprenant élan de solidarité avec l’Iran face aux attaques israéliennes, il ne s’agissait sans doute là que de porter une liste de doléances (de vœux pieux?) à l’attention de la future administration américaine. Laquelle administration pourtant, ne se lasse-t-on pas de rappeler, a déjà absous Israël pour son annexion de Jérusalem et des hauteurs syriennes du Golan ; laquelle, de surcroît, réserve déjà des postes ultrasensibles à des faucons pur jus, tel le prochain secrétaire d’État Marco Rubio. Celui-ci pourrait bien faire regretter aux Arabes le compassé Antony Blinken qui se ruait hier à Bruxelles pour tenter de stimuler l’aide de l’Europe à l’Ukraine avant qu’ait été consommée l’investiture de Trump.
À Beyrouth… minute, quoi donc à Beyrouth ? On aurait bien voulu garnir ce paragraphe de la fin de quelque initiative nationale, responsable, susceptible de mettre fin au sanglant cauchemar. Peine perdue, les bombes ont beau pleuvoir sur le pays, c’est la venue de l’émissaire Amos Hochstein que l’État libanais s’obstine à attendre, comme on attend le printemps.
Issa GORAIEB