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Moyen-Orient - Focus

Une centaine d’employés dénoncent un biais de la BBC dans sa couverture de Gaza

Ce n’est pas la première fois que la chaîne publique britannique est accusée, de part ou d’autre, de partialité concernant le conflit dans l’enclave palestinienne.

Une centaine d’employés dénoncent un biais de la BBC dans sa couverture de Gaza

Des manifestants protestent contre la BBC devant son siège à Londres pour son refus d’utiliser le terme « terroriste » concernant le Hamas, le 16 octobre 2023. Daniel Leal/AFP

La guerre dans l’enclave palestinienne n’est pas seulement militaire. Elle se joue aussi sur le terrain de la communication et des médias. Si Israël a placé al-Jazeera dans son viseur, d’autres accusent des médias occidentaux d’être trop favorables à l'État hébreu. Révélée par le quotidien britannique de centre gauche The Independent vendredi 3 novembre, une lettre signée anonymement par plus de 100 employés de la BBC et de plus d’une centaine d’autres, acteurs, historiens, universitaires ou encore politiciens, a dénoncé l’absence d’un « journalisme équitable et précis, fondé sur des données probantes dans leur couverture de Gaza ». La missive vise particulièrement le média public, dont l’« érosion des standards éditoriaux a mis son impartialité et son indépendance en grave danger », mais cite également la chaîne privée non partisane ITV et celle de droite Sky, « qui bénéficient d’un haut niveau de confiance du public ».

« Israël doit être tenu responsable »

Les signataires demandent entre autres que les médias rappellent le refus par Israël de l’accès des journalistes étrangers à Gaza, qu’ils expriment clairement lorsque les preuves sont insuffisantes pour soutenir les allégations israéliennes, qu’ils incluent le contexte historique précédant les attaques du Hamas le 7 octobre 2023 ou encore qu’ils utilisent un langage cohérent lorsqu’ils parlent de morts palestiniens et israéliens. Après plus d’un an de guerre dans l’enclave palestinienne, qui a tué plus de 43 000 Palestiniens et en a blessé plus de 102 000 autres, la lettre dénonce les conséquences importantes d’une « couverture inadéquate » : « Tout rapport télévisé, article ou entretien à la radio qui n’a pas fermement remis en cause les affirmations israéliennes a systématiquement déshumanisé les Palestiniens. » La lettre appelle enfin les diffuseurs à se réengager à tenir les standards éditoriaux les plus élevés, en insistant sur « l'équité, l'exactitude et l'impartialité », ainsi qu’à montrer le courage dont ils font preuve pour d’autres couvertures. « Israël doit être tenu responsable de ses actions, sans peur ni favoritisme », conclut la missive signée entre autres par l’actrice Juliet Stevenson et la baronne Sayeeda Warsi, élue à la Chambre des Lords ayant quitté en septembre le parti conservateur qu’elle a un temps codirigé après avoir été critiquée pour sa défense d’une manifestante propalestinienne

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Parmi les exemples cités par des signataires interrogés par The Independent, le titre d’un article racontant l’histoire de Hind Rajab, « retrouvée morte à Gaza des jours après des appels au secours », alors que la fillette de 6 ans avait été tuée par l’armée israélienne. Ou encore le manque de couverture des audiences de l’Afrique du Sud dans le cadre de sa plainte contre Israël à la Cour internationale de justice pour violation de la convention sur le génocide, alors que la BBC a retransmis en direct celles d’Israël le lendemain. Une autre pratique dénoncée concerne la crédibilité accordée aux sources palestiniennes, laissant la version israélienne prendre le dessus malgré les mensonges avérés de l’armée israélienne par le passé, rapporte en outre un journaliste au quotidien.

La BBC critiquée des deux côtés

Ce n’est pas la première fois que la BBC est critiquée pour sa couverture de la guerre à Gaza, jugée trop favorable à Israël. Quelques semaines après le début de l’offensive israélienne sur l’enclave en réponse aux attaques sanglantes du Hamas, qui avait déjà fait plus de 14 000 morts côté palestinien, une poignée de ses journalistes avait critiqué un double standard auprès d’al-Jazeera, sous couvert d’anonymat, notamment dans la façon de traiter de la mort de civils. En parallèle, sept journalistes travaillant pour la BBC Arabic étaient suspendus pour non-respect des directives d’impartialité de la chaîne, dont Nada Abdelsamad, qui avait reposté un message sur X présentant une vidéo de citoyens israéliens se mettant à l’abri, ceux-ci étant présentés comme des « colons » et le Hamas comme la « résistance ». Plus récemment, dans un théâtre d'opération annexe, la BBC a été prise à partie par le Hezbollah pour avoir participé à une tournée organisée par l'armée israélienne dans le sud du Liban, l'accusant de s'être rendue dans un village où Israël avait violé la souveraineté du Liban. 

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À l’inverse, la chaîne a aussi été critiquée pour avoir refusé d’utiliser le qualificatif « terroriste » concernant le mouvement islamiste, classé comme tel notammment par les États-Unis et la Grande-Bretagne. En mai dernier, le ministre britannique des Affaires étrangères, alors David Cameron, avait appelé la BBC à identifier ainsi le Hamas, ce à quoi le porte-parole du média avait répliqué que la politique éditoriale en place restait valide. « Nous utilisons le mot « terroriste » quand c’est attribué à d’autres », a déclaré ce dernier, soulignant que le terme était chargé et contrevenait à ses efforts d’objectivité. Dans la même veine, le quotidien conservateur The Telegraph a dénoncé en août dernier le refus du président de la BBC, Samir Shah, de lancer une enquête interne sur des accusations d’antisémitisme, affirmant que là où des erreurs avaient été commises, des mesures avaient été prises. Quelques mois plus tôt, la chaîne avait pourtant reconnu qu’il y avait eu des comportements antisémites au sein de l’environnement de travail que la chaîne dénonçait.

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Répondant aux accusations de la lettre révélée vendredi, la BBC a nié toute partialité dans sa couverture de Gaza, soulignant qu’elle avait reçu presque autant de plaintes dénonçant un biais pro-israélien qu’un biais propalestinien. « Lorsque nous faisons des erreurs ou apportons des changements à notre couverture, nous sommes transparents. Nous sommes aussi très clairs avec nos audiences sur les limites de notre couverture », a déclaré un porte-parole de la chaîne à The Independent. « Ce conflit est l’un des plus polarisants à couvrir et nous savons que les gens sont très sensibles à la manière dont il est traité, non seulement par la BBC, mais par tous les médias. La BBC s'impose des standards très élevés, et nous nous efforçons d'assumer notre responsabilité de fournir les informations les plus fiables et impartiales, en pesant et en mesurant les mots que nous utilisons, en vérifiant les faits et en recherchant un large éventail d'interviews et d'opinions d'experts. » En juillet dernier, la chaîne avait appelé Israël à donner un « accès immédiat et indépendant » à la bande de Gaza à la presse étrangère, dans une lettre signée par une soixantaine d’autres médias.

La guerre dans l’enclave palestinienne n’est pas seulement militaire. Elle se joue aussi sur le terrain de la communication et des médias. Si Israël a placé al-Jazeera dans son viseur, d’autres accusent des médias occidentaux d’être trop favorables à l'État hébreu. Révélée par le quotidien britannique de centre gauche The Independent vendredi 3 novembre, une...
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