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Lifestyle - Présidentielle US

« Face à un rageux raciste, Hollywood fera tout pour élire Kamala Harris »

Dans la dernière ligne droite pour la Maison Blanche, les célébrités semblent avoir fait leur choix en affichant un soutien majoritaire, mais pas total, à la candidate démocrate. Le professeur Peter Loge, expert en entertainment et directeur de l’école des médias de l’Université George Washington, résume pour « L’Orient-Le Jour » la situation depuis la cité des anges. 

« Face à un rageux raciste, Hollywood fera tout pour élire Kamala Harris »

Beyoncé, venue apporter son soutien à Kamala Harris au cours d'un meeting à Houston, au Texas. Photo AFP

L’une peut compter sur Bruce Springsteen, Taylor Swift, Beyoncé, George Clooney et Madonna. L’autre sur Elon Musk, Kanye West et une poignée de has-been oubliés. Au centre d’une Amérique plus que jamais fragmentée, les soutiens de poids affluent en bleu et viennent conforter la réputation d’un parti démocrate historiquement proche de l’usine à rêve hollywoodienne. Mais, à l’heure où les préoccupations des Américains comme du monde sont ailleurs, le soutien de ces ambassadeurs de luxe est-il réellement avantageux pour l’un des deux camps principaux ? Le point avec Peter Loge, directeur et professeur associé à l’école des médias et des affaires publiques de l’Université George Washington.

Tout d’abord, pourquoi les candidats à l’élection présidentielle américaine s’appuient-ils autant sur le soutien de célébrités ?

C’est important parce que les stars leur apportent une visibilité accrue et des promesses de dons significatives. Les États-Unis sont fascinés par le show-business, ses coulisses et retombées. On a créé cette industrie en fin de compte. Si on considère qu’une personnalité peut influencer le mode de raisonnement politique du grand public, plusieurs études ont démontré que c’était totalement incorrect. Personne ne va aller voter pour un ou une candidate parce que Leonardo DiCaprio ou Beyoncé ont appelé à le faire. Malgré ces données qui contredisent les analyses et les interminables décryptages des grands magazines, Taylor Swift a engendré cette année un phénomène inédit : inciter les jeunes à s'inscrire sur les listes électorales. Ça vaut déjà beaucoup.

Le support puissant des stars à la vice-présidente actuelle peut-il s’avérer contre-productif, comme cela a été le cas en 2016 avec Hillary Clinton ?

Si Kamala Harris devient la présidente-élue bientôt, ce sera grâce à ses convictions politiques, ses discours et ses prises de position autour de sujets sociétaux. Les célébrités n’auront, je le répète, rien à voir dans la victoire d’un candidat ou de l’autre. Hillary Clinton n'aurait pas été élue présidente si certains acteurs avaient choisi de ne pas la soutenir, contrairement à ce que prétendent certains cercles médiatiques. L'ancienne secrétaire d'État a perdu pour de multiples raisons, et le soutien massif d'Hollywood n'en est pas une.

À l’Université George Washington où j’enseigne se trouvait il y a une semaine l’ancienne membre républicaine du Congrès Liz Cheney, venue évoquer l’importance d’empêcher démocratiquement le retour au pouvoir de Trump. Fille de l’ancien vice-président de George W. Bush, son soutien est nettement plus substantiel pour Harris.

Jennifer Lopez, soutien de la première heure, a retrouvé la vice-présidente à Las Vegas, dans le Nevada. Photo AFP

Donc même les artistes issus d’un autre bord ne peuvent être utiles ? Arnold Schwarzenegger qui appelle à voter pour le ticket Harris-Walz par exemple…

C’est différent en effet. C’est plus marquant que de voir Eva Longoria ou Cher, engagées depuis toujours auprès des candidats démocrates, s’exprimer pendant la convention du parti. À chaque fois qu’un républicain soutient un démocrate, ou inversement, ça peut s’avérer assez utile parce que c’est surprenant. Les médias y accorderons une attention particulière, incitant certains électeurs à se poser des questions sur les raisons qui poussent cette personnalité à voter différemment cette fois-ci, comme si elle leur donnait une sorte de permission d’explorer d’autres options, d’aller voir ailleurs.

Concernant Schwarzenegger, qui a été gouverneur de Californie, il est intéressant de noter que les célébrités ayant réussi en politique l’ont généralement fait sous la bannière républicaine, comme l’ont montré les présidents Reagan puis Trump, alors qu’Hollywood est historiquement très libéral et bien plus à gauche.

Justement, avant sa première campagne pour accéder à la Maison Blanche, Donald Trump était surtout un fantasque personnage new-yorkais, proche des cercles du divertissement de Manhattan. Comment ces derniers ont-ils réussi à se distancier de ses frasques sans se faire condamner par leurs bases libérales ?

Certains n’en sont pas sortis totalement indemnes. Sur les réseaux sociaux, on tombe sur des images de personnalités très connues pour leur engagement progressiste en compagnie de Donald Trump sur des plateaux télé ou dans l’un de ses hôtels. Mais c’est le jeu. Quand un photographe tombe sur deux célébrités, il leur demande automatiquement de poser pour un petit cliché, aussi gênant soit-il.

Dans ce milieu, les gens travaillent avec ceux qui ont les moyens de leurs ambitions. C’est comme avec les footballeurs. Ces gars-là ne signent pas en Arabie saoudite parce qu’ils ont la meilleure ligne au monde, loin de là. Ils y vont parce qu’avec chaque contrat, ils gagnent beaucoup plus d’argent qu’en Europe… Donald Trump était une personnalité influente, avec des émissions à son nom et suffisamment de liquidités pour financer des projets importants. Tout cela a changé avec son entrée en politique. Maintenant, s’afficher avec lui peut tout compromettre…

Les acteurs Kerry Washington et Tony Goldwyn se retrouvent à l'occasion de la primaire démocrate en août dernier. Photo AFP

Affirmer qu’on est républicain entre les studios Warner, Universal et Paramount est donc plus que jamais délicat ?

Disons que les rares conservateurs et sympathisants du parti républicain préfèrent rester discrets. Cela n’a jamais été facile pour eux, mais depuis l’ère Trump, la situation s’est particulièrement compliquée. Hollywood, comme en 2020 avec Biden, votera massivement pour Kamala Harris et fera tout pour l’élire à la tête de la nation. Parce qu’en face, difficile de défendre un rageux raciste obnubilé par le pouvoir et par ses idéaux anti-démocratiques.

En juillet dernier, la tribune signée par George Clooney dans le New York Times - qui appelait Joe Biden, jusqu’alors candidat à sa réélection, à se retirer de la course - a majoritairement été bien reçue par ses collègues. Hollywood ne favorise-t-elle pas la « politique d’identité » si décriée par les milieux conservateurs ?

Vous avez raison, et c’est totalement normal car Hollywood reflète avant tout l’époque. L’une des raisons pour lesquelles le parti démocrate est vite remonté dans les sondages s’explique par le fait que nous sommes passé d’un candidat homme blanc et hétérosexuel de plus de 80 ans à une femme noire bien plus jeune. La « politique d’identité » - ou identity politics - n’est pas exclusive aux États-Unis. Elle existe partout et connaît, en France particulièrement, un réel essor en ce moment. Kamala Harris a un vécu différent de celui de Joe Biden, c’est la raison pour laquelle il l’a choisie pour être sa colistière. Elle est bien plus moderne, plus encline à comprendre l’évolution du monde et plus accessible aux yeux des femmes et des communautés minoritaires.

Les médias évoquent souvent « l’Oprah Winfrey effect » qui a « grandement aidé » Barack Obama en 2008 avec un million de votes supplémentaires selon plusieurs études crédibles. Les émissions et talk-shows de variétés jouent-elles encore un rôle-clé aux États-Unis en 2024 ?

La télévision est un aspect qu’aucun parti ne peut sous-estimer. Avec l’émergence des réseaux sociaux et des plateformes de streaming, l’impact est évidemment moins marqué chez les jeunes, mais reste vital pour les générations plus âgées qui se déplacent en masse pour voter. Avec Oprah, mégastar du petit écran depuis plus de trente ans, et bien d’autres noms majeurs du milieu, la première campagne d’Obama a capitalisé sur un soutien quasi inconditionnel de leur part. Non seulement c’est une belle vitrine mais ça ne coûte rien. De là à dire que Winfrey a contribué à l’accession au pouvoir de quelqu’un est malgré tout très exagéré… Après huit ans de Bush, Obama était déjà en bonne position.

En septembre dernier cependant, Kamala Harris a accordé une longue interview à Oprah Winfrey dans l’État-clé du Michigan avec des messages et questions en visioconférence d’icônes comme Meryl Streep, Julia Roberts et Jennifer Lopez. Tout l'été, il a été reproché à la vice-présidente de « ne pas être assez connue » auprès de l'électorat. Obtenir le soutien de ces méga-stars, qui jouissent d'une grande notoriété et d'une forte respectabilité, notamment auprès des femmes, peut donner une impression de confiance envers la candidate.

Oprah Winfrey, papesse du petit écran, a dédié une émission sur-mesure à Kamala Harris. Photo AFP

Depuis 2016, les figures du petit écran sont devenues de plus en plus polarisantes, donnant l’impression qu’elles ne parlent qu’à leurs audiences prédéterminées, qu’elles soient progressistes ou conservatrices. Pourquoi les considérer comme influentes alors qu’elles ne s’adressent plus qu’à des convaincus ?

C'est vrai que les téléspectateurs de The View sur ABC, avec des Whoopi Goldberg et des Joy Behar, voteront probablement pour Harris, tandis que ceux des talk-shows matinaux de Fox News se rangeront derrière Trump. Mais aux États-Unis, le vote n'est pas obligatoire, et il ne faut pas sous-estimer le nombre d'Américains qui choisissent de ne pas se rendre aux urnes. Les émissions que j'ai mentionnées ont un rôle important. Celui d’inciter les modérés et les indécis à agir, à s'engager et à réaliser l'importance de cette élection, cruciale !

Comment Harris et Trump aborderont-ils les défis et les requêtes du monde de l’entertainment d’aujourd’hui, une fois l’une ou l’autre élu ?

Ce dont a vraiment besoin ce milieu, c’est des allègements fiscaux dans des villes-clés comme Los Angeles. Beaucoup trop de productions se retrouvent aujourd’hui contraintes de créer des décors et de tourner films et séries à Vancouver, au Canada, pour éviter de débourser des sommes astronomiques à l’État. Kamala Harris est originaire de Californie et en a même été la sénatrice. Elle connaît ces problématiques et y sera sans doute plus sensible. Elle sera aussi plus à l’écoute des syndicats.

Il faudra aussi faire très attention aux violations des droits d’auteurs par la Chine, qui pirate à la pelle et au quotidien des longs métrages américains. Trump, qui a fait beaucoup d’argent grâce à la télévision, comprend mieux que quiconque l'importance de protéger les droits d'image. Tout ça ne peut évidemment pas être cité comme une priorité pour ne pas donner l’impression de trop s’intéresser aux élites angelinoises, pourtant au cœur de ce qui fait rêver le monde entier...

L’une peut compter sur Bruce Springsteen, Taylor Swift, Beyoncé, George Clooney et Madonna. L’autre sur Elon Musk, Kanye West et une poignée de has-been oubliés. Au centre d’une Amérique plus que jamais fragmentée, les soutiens de poids affluent en bleu et viennent conforter la réputation d’un parti démocrate historiquement proche de l’usine à rêve hollywoodienne. Mais, à...
commentaires (4)

Vive Trump !

LeRougeEtLeNoir

18 h 31, le 03 novembre 2024

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Vive Trump !

    LeRougeEtLeNoir

    18 h 31, le 03 novembre 2024

  • Le métier d'artiste, chanteur ou acteur ne procure aucune compétence en matière de politique. On constate d'ailleurs, souvent l'inverse. A chacun son métier et les vaches seront bien gardées.

    Yves Prevost

    13 h 37, le 03 novembre 2024

  • Suite... Donc Avec BIDEN et HARRIS : ce sera la même chose. Guerres et destructions. Sans aucun intérêt pour le Liban. Alors qu'avec TRUMP, c'est possible qu'un espoir de PAIX ou du moins d'ARMISTICE puisse voir le jour. Comme dit, le personnage est détestable vu qu'il possède un Ego digne de nos politiciens libanais mais c'est un type qui a réussi et pourrait réussir dans des négociations ardues au proche orient. TRUMP : On aime à fond ou on déteste à fond . Mais BIDEN et surtout HARRIS : Incolore, indore et sans saveur. juste BOF... Sans plus

    LE FRANCOPHONE

    13 h 31, le 03 novembre 2024

  • Trump n'est pas ma tasse de thé. Mais il s'avère qu'avec lui, il a pacifié le monde et a essayé de ne pas créer et embarquer d'autres pays dans des guerres. D'autant plus que son beau fils est Libanais. Le père de ce dernier étant conseillé et grand financier de la campagne de Trump. Donc de ce côté, il y a une fenêtre d'espoir. En face, les Démocrates?? Ils ont embarqué l'Europe dans une guerre monstrueuse avec la Russie. Oui la Russie a envahi l'Ukraine...Ah les vilains russes?? Sauf que Biden n'a pas arrêté d'embrigader les voisins de la russie au sein de l'OTAN. Réaction russe normale.

    LE FRANCOPHONE

    13 h 25, le 03 novembre 2024

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