C’est fort ce que l’on ressent comme frustration, indignation et mépris ces jours-ci en tant que Libanais.
Quelle frustration et tristesse de voir notre pays bombardé sauvagement par l’armée israélienne, presque partout, du sud au nord, sans qu’aucune puissance ne puisse les arrêter ou les punir. De même, on est témoins de l’arrogance sans limite de jeunes soldats israéliens qui se réjouissent et dansent tout en démolissant nos villages centenaires et en plantant leur drapeau sur notre sol.
Il est vrai qu’une grande majorité de Libanais n’a pas choisi cette guerre. Notre destin n’aurait pas dû être lié à celui de Gaza. Très malheureusement, cela a été fait sans notre avis, sans décision du Parlement ou du gouvernement, et voilà que tout le pays en subit les conséquences funestes. Mais ce n’est pas le moment de se diviser, de prononcer des discours de haine. Lors des prochaines élections législatives, exprimons-nous de manière pacifique et civilisée par nos votes. Mais, pour l’instant, notre pays est attaqué, nos territoires sont occupés ; il faut s’unir, être solidaires et s’abstenir de discours haineux et de commentaires communautaires empoisonnés qui ne servent que les intérêts d’Israël.
C’est aussi choquant de voir que certains Libanais considèrent les sources d’information de l’ennemi comme crédibles, oubliant que tout est fabriqué et déformé pour nous désorienter et nous démoraliser, pour nous pousser vers une guerre civile. Ces mêmes personnes oublient trop vite que la source suprême de nos peines et douleurs a toujours été Israël.
La création de l’État d’Israël en 1948 a déstabilisé toute la région, en envahissant des territoires arabes, les colonisant, expulsant les populations autochtones, détruisant, tuant, réfutant et ignorant toutes les résolutions des Nations unies. Il faut être aveugle pour ne pas voir cela.
Cela dit, il est vrai qu’il existe des problèmes et des blessures intercommunautaires très profondes dans notre pays, mais face à l’invasion, nous devons être solidaires face à l’utilisation d’armes interdites contre la population civile, comme les bombes à phosphore, visant les habitations, les hôpitaux, les écoles et causant des milliers de victimes ainsi que des dégâts colossaux.
Peut-être oublions-nous que le résistant est notre compatriote, le Libanais, le fils du Sud, le villageois, qui défend son sol ancestral. C’est celui qui a perdu des membres de sa famille dans le passé par le même ennemi. Même s’il appartient à un autre parti politique ou à une autre religion que la nôtre, c’est lui qui défend aujourd’hui notre pays au prix de sa vie pour que nous puissions continuer à rêver du Liban de 10 452 km².
Ce qui est très clair aujourd’hui, c’est que plus que jamais, le pays est divisé en deux : ceux qui soutiennent la résistance ou le Hezbollah, et ceux qui s’y opposent. Malheureusement, avec autant de sentiments de haine et de rejet entre certaines communautés, nous ne pourrons jamais bâtir une nation. Une nation, ce n’est pas seulement un territoire délimité et reconnu par les Nations unies, avec un drapeau, une armée et des institutions étatiques ; une nation, c’est aussi une concordance d’aspirations, des communautés unies qui se respectent et partagent une vision commune de prospérité et de sécurité pour leur pays. Il est clair que nous n’avons pas encore cette éducation civique, et avec ce comportement et cet état d’esprit négatifs, nous sommes loin de la maturité nécessaire pour bâtir ensemble une nation. Ayons le courage de l’admettre. Tant d’années de guerre civile, suivies de hauts et de bas, ne nous ont apparemment rien appris.
L’argument principal de ceux qui prônent la victoire d’Israël est de se débarrasser une fois pour toutes du Hezbollah, permettant ainsi au Liban de signer un accord de paix avec Israël et de vivre en prospérité pour toujours. Je dirais à ces gens-là qu’ils rêvent. Je respecte leur point de vue, mais avec une réserve : ils oublient qu’Israël serait alors en position de force et que cet accord de paix rêvé serait dicté selon ses conditions, nous obligeant à nous soumettre à lui.
Négocier en position de faiblesse revient à n’avoir rien à imposer. Et si certains pensent qu’Israël attaque le Liban pour l’aider à se débarrasser du Hezbollah, ils se trompent. Les jours montreront que le Hezbollah n’est qu’une excuse pour qu’ils attaquent le Liban, et peut-être envahissent non seulement le Sud mais tout le pays. N’est-ce pas ce qu’ils déclarent sans cesse, affirmant que leur droit biblique s’étend de l’Irak jusqu’en Égypte, en passant par le Liban ?
Nous avons perdu tant d’occasions de bâtir et rebâtir une nation forte, chaque fois ratées, comme en témoigne l’histoire. Mais maintenant, ce n’est pas le moment de se lamenter. Ce n’est pas le moment de se critiquer les uns les autres. Au moins, abstenons-nous de semer la discorde, car la division interne sert les intérêts de l’ennemi.
Dr Vartkès ARZOUMANIAN
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Waw les sionistes leur droit biblique s’étend de l’Irak jusqu’en Egypte en passant par le Liban
12 h 39, le 31 octobre 2024