Israël, à travers son Premier ministre Benjamin Netanyahu, ne cache plus sa volonté de briser l’« axe de la résistance » pour reconfigurer un Moyen-Orient par la force brute. Et pourquoi pas ? Ne sommes-nous pas, nous, peuples d’Orient, une variable d’ajustement dans les cuisines des différentes forces impérialistes qui remodèlent au gré des besoins le Levant ? Cette mésestime que nous subissons, populations du Machrek, malgré nos luttes depuis l’Empire ottoman pour l’indépendance, contre l’autoritarisme et l’obscurantisme, est source de rage quotidienne. Et comment ne pas ressentir la rage à la vue de nos cités millénaires détruites au rythme des guerres impérialistes et des révolutions écrasées par des tyrans dans l’indifférence générale ?
Beaucoup ignorent que le dernier remodelage en date de la région s’est opéré sous l’ère Obama. Le président américain, empressé de se retirer d’Irak et d’obtenir un accord sur le nucléaire iranien, a confié les clés du Levant à la République islamique d’Iran. Les populations du Levant ont subi de plein fouet cette stratégie qui a littéralement détruit les structures étatiques de la Syrie, de l’Irak, du Yémen, mais aussi du Liban où le Hezbollah est devenu hégémonique. Désolation, destruction et exil forcé de millions de civils dans la région : ainsi est perçu le mandat de Barack Obama au Proche-Orient. Il est tout autant un symbole de l’inconséquence des stratégies états-uniennes que le sont les Bush ou Trump. Pour rappel, c’est Obama qui a bloqué l’opération Cassandre de la DEA, l’agence antidrogue américaine, qui était sur le point de démanteler la branche responsable du trafic de drogue du parti de Dieu. Cela, alors que les troupes de Nasrallah avaient marché sur Beyrouth en mai 2008 et s’affirmaient déjà comme les maîtres incontestés du pays.
Assumer les erreurs passées
Le conflit syrien va donner au Hezbollah une confiance inébranlable. Pour affronter les rebelles syriens aux côtés d’Assad, le Hezbollah va considérablement se développer. Le mouvement chiite est passé d’une milice de quelques milliers de combattants à plusieurs dizaines de milliers en une décennie. Par son intervention en Syrie, le Hezbollah prend une stature de puissance régionale et renforce sa position d’inféodation à l’Iran. Partout où les milices proches de Téhéran agissent, elles sèment le chaos, la désolation et la mort, tout en accentuant les divisions confessionnelles. En Syrie, la milice libanaise contribue au nettoyage ethnique de plusieurs localités dans les faubourgs de Damas autour de Sayda Zeynab, et tout au long de la frontière avec le Liban, comme à Zabadani ou Qousseir.
L’intervention des milices chiites dans la région est l’un des facteurs qui favorisent l’émergence de l’État islamique. Quand le Hezbollah occupe la localité syrienne de Qousseir et déploie l’un de ses drapeaux sur la mosquée sunnite de la ville en juin 2013, il contribue fortement à confessionnaliser un conflit qui, à la base, est un combat pour la liberté contre la tyrannie. Même processus de confessionnalisation du conflit au Yémen : le coup d’État des houthis de 2015 contre le gouvernement de transition, avec le soutien de l’ancien président dictateur Ali Abdallah Saleh, va raviver les tensions entre rebelles houthis et la majorité sunnite.
L’occupation iranienne du Levant s’est déroulée sous le regard, qu’on peut qualifier de bienveillant, du président Obama, qui a entretenu une correspondance secrète avec le guide suprême iranien Ali Khamenei. Qui peut penser que laisser la République islamique d’Iran gangrener le Proche-Orient n’alimenterait pas l’instabilité dans la région ? Et qu’un accord sur le nucléaire dans ces conditions n’est pas une source d’apaisement, mais d’un embrasement qui guette ? Peu importe, tant que ceux qui en paient le prix sont des populations arabes et musulmanes ; cela reste acceptable pour les boutiquiers géopolitiques de l’administration américaine. Jusqu’au 7 octobre 2023, où leur inconséquence touche de plein fouet Israël.
Quel avenir pour la région ?
Mais en géopolitique, il n’est jamais question d’assumer les erreurs passées. Si le 7 octobre est le résultat d’un abandon des Palestiniens par tous, notamment par les pays arabes qui cherchent à contrer l’influence iranienne par un rapprochement avec Israël, il n’est toujours pas question d’envisager une suite sans tapisser Gaza de bombes. Et quel choix avaient les Palestiniens ? Le Hamas ne doit son essor qu’à un Fateh discrédité par des négociations interminables qui n’ont jamais freiné la colonisation ni mis un terme à la souffrance des Palestiniens. De plus, Netanyahu a favorisé le mouvement islamiste qu’il considérait comme un rempart contre la création d’un État palestinien. Que le Hamas se rapproche de l’Iran, seul prétendu allié des Palestiniens, n’est que la suite logique de la configuration géopolitique actuelle de la région.
Aujourd’hui, alors que la guerre d’Israël s’étend au Liban avec la même stratégie destructrice qu’à Gaza, nous entendons de plus en plus le refrain d’une reconfiguration du Moyen-Orient. La reconfiguration du Levant par « Bibi » et son parrain Joe Biden s’articule autour de la sécurité d’Israël, toujours dans un rapport de force et de domination. En cela, la « pacification » ne sera qu’éphémère, et le Levant continuera sa chute vers l’abîme.
Quel avenir pour la région ? Il n’y a aucune raison d’être optimiste. La région continuera à être bercée par les vents autocrates. Benjamin Netanyahu et Vladimir Poutine avant lui ont contribué à faire du Levant un « far west » où la force prime sur le droit. La guerre de M. Netanyahu balaye la solution à deux États sans proposer d’alternative, sinon la domination par l’écrasement des Palestiniens. Le Liban, la Syrie, le Yémen, l’Irak resteront toujours des terrains de jeu pour les différentes puissances régionales, avec une administration états-unienne totalement décrédibilisée par son soutien inconditionnel à Israël, et des Européens sans poids politique, cherchant juste à stopper les vagues de réfugiés.
Ce qui n’a pas été détruit par les bombes, brûlé par les armes chimiques ou empoisonné par les munitions à uranium appauvri va-t-il survivre au réchauffement climatique ? En l’absence d’une nouvelle doctrine pour ramener la stabilité au Moyen-Orient, loin de la force brute et de l’écrasement des populations locales, qui sont devenus la norme et n’engendrent que désespoir et haine, il est impossible d’espérer une revitalisation de la région permettant de relever les défis immenses auxquels les populations du Levant font face. Et nous n’en prenons malheureusement pas le chemin.
Par Firas KONTAR.
Opposant et essayiste syrien. Dernier ouvrage : « Syrie, la révolution impossible » (Aldeïa, 2023).
L'Irlande, l'Espagne, mais aussi l'Afrique du Sud etc...et porter la cause haut et fort à l'ONU. Le deux poids deux mesures de l'hypocrisie occidentale: N'est-ce pas...on retranscris en direct, à la télé, la mort des villains dictateurs, Hussein, Kadhafi, des méchants terroristes, Sinouar...ont-ils été jugé devant une court internationale ? Même les Nazis n'ont pas eut un tel traitement...n'est-ce pas le témoignage de la considération de l'Occident envers le proche Orient, un patelin de seconde zone ? Et Bibi qui fait son génocide en direct...sera-t-il un jour Jugé ? Et Biden ?
17 h 24, le 30 octobre 2024