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Santé - Médecine

Les micro-ARN, rouages-clés d’un génome formidablement complexe

La découverte des micro-ARN, récompensée par le Nobel de médecine 2024, montre combien nos gènes fonctionnent de manière complexe. Reste toutefois à savoir à quel point leur connaissance peut permettre d’élaborer des traitements efficaces.

Les micro-ARN, rouages-clés d’un génome formidablement complexe

Des nématodes observés au microscope dans le laboratoire du Massachusetts General Hospital à Boston, Massachusetts, le 7 octobre 2024. Lauren Lambert/AFP

Qu’est-ce qu’un micro-ARN ? Ce sont des bribes d’acide ribonucléique (ARN). Présent dans toutes nos cellules, l’ARN est synthétisé par notre organisme à partir des gènes rassemblés dans notre ADN.

Les micro-ARN ne jouent pas le rôle le plus connu de l’ARN, celui d’intermédiaire entre nos gènes et la production des myriades de protéines qui font fonctionner notre corps, pour lequel on parle d’ARN messager.

Les micro-ARN, eux, font partie de l’ARN dit « non codant » : ils ne sont pas traduits en protéines.

Mais ce n’est pas pour autant qu’ils ne jouent aucun rôle. La découverte des micro-ARN dans les années 1990 par Victor Ambros et Gary Ruvkun, tous deux nobélisés le 7 octobre, a montré que notre génome ne se résumait pas à une simple ligne droite entre ADN, ARN puis protéines.

« La découverte des micro-ARN a amené un niveau supplémentaire de complexité en révélant que des régions que l’on pensait non codantes jouent un rôle dans la régulation des gènes », explique Benoît Ballester, chercheur à l’Inserm et spécialiste du génome non codant.

Ces micro-ARN viennent interférer avec le fonctionnement de l’ARN messager : « C’est comme un Velcro qui viendrait s’y fixer et l’empêcherait d’être traduit en protéines », avance M. Ballester.

Conséquence : certains gènes s’expriment peu ou pas – ils sont inhibés – et d’autres de manière plus marquée – ils sont intensifiés.

Il ne faut cependant pas imaginer les micro-ARN comme une forme de parasites internes qui viendraient gâcher le bon fonctionnement de notre génome.

Ils forment « une part intégrante de la régulation de notre génome, c’est aussi important que la traduction classique d’un gène en protéines », souligne le spécialiste du génome non codant.

« Un truc bizarre ? »

La découverte en 1993 du premier micro-ARN par Victor Ambros n’a dans l’immédiat pas été saluée comme une avancée majeure.

Le chercheur était un spécialiste de la biologie de certains vers, et c’est chez l’un d’eux (un ver rond d’un millimètre, appelé C. elegans) qu’il a identifié l’existence de micro-ARN.

« Personne n’a vraiment fait attention », reconnaît Éric Miska, généticien à l’université de Cambridge, admettant qu’il avait fallu des années pour y voir autre chose « qu’un truc bizarre chez les vers ».

C’est en 2000 que Gary Ruvkun a identifié l’existence de mécanismes semblables chez l’humain, ouvrant la voie à tout un nouveau pan de la génomique.

« Ce minuscule morceau d’ARN, si important pour le développement de ce petit ver, on l’a aussi, vous et moi, souligne Éric Miska. Et il joue même un rôle essentiel, puisqu’il empêche l’apparition de tumeurs. »

Un terrain prometteur

Si la connaissance des micro-ARN permet déjà de bien mieux comprendre notre génome, reste à savoir s’ils peuvent servir de levier d’action pour guérir des maladies. Depuis plusieurs années, nombre d’entreprises de biotechnologie misent sur cette piste.

C’est notamment un terrain prometteur contre les cancers, dans l’idée d’établir des traitements très ciblés. Ces recherches s’inscrivent plus largement dans un contexte où l’on comprend de mieux en mieux comment les tumeurs peuvent se développer différemment au niveau moléculaire d’un patient à l’autre.

Toutefois, contre le cancer ou d’autres pathologies, il n’y a encore « rien qui ne soit proche d’une application réelle », a précisé à la presse Gunilla Karlsson Hedestam, professeure à l’Institut Karolinska, lors de l’annonce du prix Nobel à Stockholm.

Les micro-ARN sont en effet une cible complexe à gérer en raison de leur instabilité.

Mais, sans forcément en faire la base d’un médicament, nombre de chercheurs espèrent d’abord les utiliser comme « biomarqueur », c’est-à-dire un outil de diagnostic qui permettrait par exemple d’identifier à quelle typologie de cancer le patient est confronté.

Daniel LAWLER/AFP

Récit de la découverte à l’origine du Nobel de médecine
« Tout s’emboîtait parfaitement comme les pièces d’un puzzle » : Gary Ruvkun, professeur de génétique à la Harvard Medical School et lauréat du prix Nobel de médecine, se souvient avec émotion de l’appel tardif au cours duquel il a découvert avec Victor Ambros l’existence des micro-ARN.
À l’époque, les deux hommes, qui ont effectué leur postdoctorat ensemble, ne travaillent plus dans le même laboratoire, mais leur amitié, forgée au début des années 1980 autour d’une passion commune pour un ver rond d’un millimètre appelé C. elegans, reste forte.
Victor Ambros, 70 ans, aujourd’hui biologiste à la Massachusetts Medical School, est alors jeune papa. À la faveur d’un moment de répit, les deux hommes s’appellent pour échanger sur les progrès de leurs recherches, qui, mises ensemble, leur font entrevoir une percée.
« C’est un peu comme avec l’astronomie : on a commencé par regarder ce qui est visible, puis on a réalisé qu’avec des rayons X on pourrait observer bien plus loin, ajoute-t-il. Nous avons observé les gènes à une échelle bien plus petite que ce qui avait été fait précédemment. »
Les deux chercheurs publient leur découverte dans le journal Cell en 1993. Ils étaient loin de se douter que leurs travaux sur l’interaction de deux gènes semblant perturber le développement de ce ver minuscule seraient un jour récompensés.
C’est en 2000 qu’une seconde découverte vient changer la donne. Gary Ruvkun et son laboratoire découvrent l’existence de
micro-ARN dans de nombreux autres organismes vivants. Le séquençage du génome humain était alors toujours en cours. « Il me semble qu’un tiers avait été fait » et mis à disposition des chercheurs, se souvient Gary Ruvkun. « Et je pouvais déjà voir des
micro-ARN dans ce tiers du génome humain. »
« C’était une surprise », ajoute-t-il. Depuis, la recherche a explosé et les micro-ARN sont mentionnés dans plus de 170 000 publications biomédicales. Plus de 1 000 micro-ARN ont depuis été identifiés chez l’humain et la recherche médicale fourmille.
Qu’est-ce qu’un micro-ARN ? Ce sont des bribes d’acide ribonucléique (ARN). Présent dans toutes nos cellules, l’ARN est synthétisé par notre organisme à partir des gènes rassemblés dans notre ADN.Les micro-ARN ne jouent pas le rôle le plus connu de l’ARN, celui d’intermédiaire entre nos gènes et la production des myriades de protéines qui font fonctionner notre corps, pour...
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