Dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre, l’armée israélienne a annoncé avoir lancé « une opération terrestre limitée, localisée et ciblée contre des objectifs du Hezbollah dans la zone frontalière ». L’objectif revendiqué de cette offensive est de déloger et repousser les combattants du Hezbollah positionnés le long de la ligne bleue vers le nord, au-delà du fleuve Litani situé à 30 kilomètres de cette frontière, alors que le conflit fait rage depuis un an déjà.
Selon les informations disponibles, cinq divisions de l’armée israélienne ont été mobilisées dans le nord d’Israël, tout le long de la frontière avec le Liban. Certaines d’entre elles étaient déjà déployés dans cette partie du pays, d’autres sont venues tout droit du front de Gaza où elles combattaient dans le cadre de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 suite à l’opération Déluge d’al-Aqsa du Hamas contre Israël.
À la frontière, côté israélien, l’armée a étendu à au moins trois reprises sa zone militaire fermée, où seules ses troupes sont autorisées à circuler. Elle englobe désormais au moins 11 localités israéliennes, contre trois le 30 septembre. Si la décision de rediriger une partie des forces israéliennes vers le front libanais a été prise à l’hiver 2023, celle de faire participer ces troupes dans le cadre de l’offensive terrestre en cours n’est intervenue que récemment. Mais les informations précises sur cette offensive sont difficiles à obtenir, alors que l’armée israélienne maintient le flou à ce sujet, et que celles distillées par les experts et les médias israéliens ou libanais demeurent lacunaires. Toutefois, le 8 octobre, un an jour pour jour depuis le début du conflit entre Israël et le Hezbollah, l’armée israélienne a indiqué que sa 146e division avait entamé, la veille, des manœuvres dans le sud-ouest du Liban. Cela faisait alors une semaine que l’offensive, menée par des troupes appartenant à la 98e division, avait commencé, épaulée par la 36e division.
The Times of Israel estime que plus de 15 000 soldats sont déployés « à l’intérieur du Liban », mais sans donner plus de détails. L’expert militaire français Michel Goya estime que ce nombre est excessif et appelle à distinguer le total des troupes positionnées non loin de la ligne bleue dans le nord d’Israël de celles qui sont effectivement impliquées dans les opérations sur le territoire libanais.
« Selon les informations qui remontent du terrain, seules les brigades d’active de la 36e ou de la 98e division, actuellement déployées dans le nord d’Israël, sont formées de conscrits effectuant 32 mois de service (un peu plus pour les officiers). Seules les forces spéciales sont professionnelles. Seule la 210e a une vocation défensive, tandis que la 91e et la 146e peuvent être engagées dans des opérations offensives, même si l’armée israélienne privilégie pour l’instant les divisions d’active comme la 36e ou la 98e, ou encore la 162e, qui est actuellement à Gaza », décrit l’ancien colonel de l’infanterie de marine française.
« Bien qu’elles comptent aussi des réservistes, qui sont des civils la majorité du temps, la plupart des soldats qui composent les 36e et 91e divisions proviennent de l’armée régulière. Il s’agit donc de troupes professionnelles qui fonctionnent 24h/24 », indiquait, le 7 octobre, l’expert militaire Riad Kahwaji à L’Orient-Le Jour.
Groupements tactiques
Nous faisons le point sur ces cinq divisions israéliennes déployées sur le front nord. Ni l’armée israélienne ni les médias israéliens ne publient de chiffres exhaustifs sur le nombre d’hommes engagés sur ce front. À titre d’exemple, The Times of Israel estime les effectifs de la 98e division entre 10 000 et 20 000 hommes. Interrogé sur ce point, Michel Goya estime que l’armée israélienne compte environ 3 000 hommes par brigade en moyenne et rappelle que les divisions déployées ne lancent pas toutes leurs unités dans la bataille. « Chaque brigade est composée de trois ou quatre bataillons de manœuvre (infanterie ou chars de bataille) avec trois, quatre ou cinq compagnies, en plus d’une compagnie du génie pour la brigade. Avec tout ça, on fait des groupements tactiques combinant infanterie (toujours en véhicules blindés), chars de bataille et génie », détaille encore Michel Goya. Une compagnie (ou batterie pour l’artillerie) est elle-même articulée en trois, quatre ou cinq sections.
« Pour l’instant, l’armée israélienne semble procéder comme en 2006, par à-coups, en lançant de petits raids le long de la frontière pour tester le dispositif et verrouiller des zones. Il n’y a pour l’instant pas de grande offensive terrestre », constate l’ancien officier, qui souligne que les trois divisions qui n’étaient pas déjà déployées dans la région – la 36e, la 98e et la 146e – ont participé à la guerre de Gaza. « Jamais l’armée israélienne n’a été aussi aguerrie », souligne-t-il. Autre fait notable : quatre des cinq divisions ont changé de commandant entre mai et août. « Ce n’est pas commun », constate Michel Goya, sans s’avancer sur une explication.
La 146e division
Créée en 1954, la 146e division est rattachée au commandement nord de l’armée israélienne. C’est la première unité de réservistes déployée à la frontière avec le Liban-Sud depuis le 8 octobre 2023. Elle a donc, en principe, vocation à soutenir le front. Mardi, l’armée israélienne annonçait que la 146e division avait été déployée « pour mener des opérations limitées, localisées et ciblées contre des cibles et des infrastructures du Hezbollah dans le sud-ouest du Liban ».
Le site de l’armée israélienne ne donne pas d’informations actualisées sur son organisation. Il s’agit d’une division d’infanterie blindée composée de sept brigades – deux d’infanterie, deux blindées, une de parachutistes, une d’artillerie et une logistique – pour environ une cinquantaine de bataillons, compagnies, escouades et pelotons, selon un organigramme de 2024 publié sur la page Wikipédia de la division. Elle est dirigée par le général de brigade Yeftah Norkin, qui a pris ses fonctions début juillet dernier, ayant été promu dans la foulée à son rang actuel. Il était précédemment à la tête de la brigade Ephraim, rattachée à la 877e division, celle de « Judée et Samarie » dont dépendent les colonies israéliennes de Cisjordanie occupée.
Les unités de réserve de la 146e division sont celles qui ont participé au plus grand nombre d’exercices militaires depuis le 7 octobre 2023. Selon un rapport publié le 21 juin par la chaîne israélienne Channel 12, les brigades de réservistes de la 146e division devraient servir de « fer de lance » en cas d’offensive au Liban, indiquait-on dans L’Orient-Le Jour en août dernier.
La 98e division
Composée de troupes d’élite, notamment des parachutistes et des commandos, la 98e division est initialement rattachée au commandement du centre d’Israël. Elle a été instituée en 1974, soit un an après la guerre du Kippour et un an avant que la guerre civile de 1975-1990 n’éclate au Liban. Elle a été redéployée courant septembre de la bande de Gaza vers le front nord d’Israël pour rejoindre la 36e division déjà sur place. Selon une annonce faite le 18 septembre par la radio de l’armée israélienne, « la brigade devait initialement continuer à combattre à Gaza, mais il a été décidé ces derniers jours de la transférer vers le nord ».
Il s’agit, par essence, d’une division tactique très mobile, mais qui est organisée comme les autres. La 98e division a également changé de chef en juillet, avec la désignation du général de brigade Guy Levy, lui aussi promu dans la foulée après avoir enchaîné plusieurs postes de commandement. Selon son organigramme, la division compte six brigades, dont trois de parachutistes, une de commandos, une d’artillerie et une de logistique.
Ses brigades parachutistes sont entraînées à être éventuellement héliportées. La 89e brigade de commandos, qui fait partie de cette division, regroupe trois bataillons particuliers qui agissent souvent indépendamment. Seul le bataillon de reconnaissance Maglan (de la 89e brigade de la 98e division) est actuellement engagé au Liban, précise Michel Goya.
La 91e division
Créée en 1978 dans le sillage de l’opération Litani, qui marque la première invasion israélienne du Liban, la 91e division dépend du commandement nord. Elle se déploie habituellement au nord d’Israël, de Rosh Hanikra, au sud de Naqoura (caza de Tyr), au mont Dov (face à Kfarchouba, caza de Hasbaya). Sa vocation est principalement défensive, vu qu’elle comprend six brigades : deux territoriales (chargées de contrôler et défendre le territoire), une d’infanterie, une de blindés, une d’artillerie et une logistique.
Selon son organigramme, elle comprend également un bataillon spécialisé dans le renseignement sur le terrain et une compagnie d’ingénieurs de combat. Également connue sous le nom de division Galilée, elle est dirigée depuis avril 2022 par le brigadier général Shay Clapper, qui a commandé la célèbre brigade Golani dans le passé (de 2018 à 2020).
La 36e division
Fondée en 1954, la 36e division est la plus ancienne des cinq divisions déployées par Israël contre le Hezbollah. Dépendante du commandement nord, cette division de blindés a été envoyée début octobre pour rejoindre la 98e division dans le cadre de l’offensive terrestre au Liban-Sud. Elle comprend deux brigades de blindés, deux d’infanterie – dont la brigade Golani –, une d’artillerie et une division logistique. La brigade Golani a notamment participé en 1982 à « la conquête du château de Beaufort », près d’Arnoun, au Liban-Sud. En 2006, elle était déployée à Bint Jbeil (Liban-Sud) et a même atteint Beyrouth. « En 1956, la brigade a capturé la région de Rafah et a permis le passage des forces blindées. Pendant la guerre des Six-Jours en 1967, elle a enregistré de nombreux succès dont l’un des plus marquants fut la bataille de Tel Faher, où le poste syrien situé à la lisière du plateau du Golan a été conquis », détaille le site de l’armée israélienne.
La 36e division a également changé de commandant cet été, avec l’arrivée en août dernier du général de brigade Moran Omer, ancien commandant de la 252e division de réserve de blindés, déployée dans le Sinaï. La décision de la transférer dans le commandement nord a été prise en février dernier, mais ce n’est que depuis début octobre que plusieurs de ses brigades participent à l’offensive menée par celles de la 98e.
La 210e division
Plus en retrait que les quatre autres, la 210e division a été créée en 1973 et dépend du commandement nord. Il s’agit d’une division territoriale dont la vocation est de protéger les hauteurs du Golan, le mont Hermon, le mont Dov et la frontière entre Israël et la Syrie. Elle se divise en six brigades : une d’infanterie, une territoriale, une brigade de blindés composée de réservistes, une d’artillerie également composée de réservistes, une brigade de montagne et enfin une brigade logistique. Comme la 91e division, elle inclut également un bataillon spécialisé dans le renseignement sur le terrain et une compagnie d’ingénieurs de combat.
La division a changé de commandant en mai. Son nouveau chef, Adi Ganon, est passé par la brigade Carmeli, qui fait partie de la 146e division.
Il n'y a pas qu'Israel qui soit jaloux!!!
20 h 09, le 13 octobre 2024