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Société - 7 octobre - un an après

Moustapha Gharib, tué au Liban, des crampons aux pieds et une caméra à la main

Ancien capitaine de l'équipe de football de Baalbeck, le milieu de terrain, parti à 38 ans, était aussi un passionné de photographie et un acteur en devenir.

Moustapha Gharib, tué au Liban, des crampons aux pieds et une caméra à la main

Moustapha Gharib avec son appareil photo en main. Photo issue de son compte Instagram

Son plus grand rêve était de voir son équipe, les Chabeb de Baalbeck, évoluer en première division. Ce rêve, Moustapha Gharib venait de l’accomplir. Le 23 février dernier, à la faveur d’une victoire 1-0 face au Riyadi Abbassiyé, le club de la Békaa et du Hermel validait son titre de champion de 2e division et obtenait par la même occasion le premier billet de son histoire pour l’élite du football libanais. S’il n’a pas contribué à cette montée dans la peau d’un titulaire, le milieu offensif, originaire de Nabi Chit (Békaa), en avait longtemps porté le brassard de capitaine. Plus expérimenté que ses coéquipiers, Moustapha Gharib avait déjà porté les couleurs d’autres équipes de première division, dont celle de Sagesse, et comptait conclure sa carrière de joueur en beauté.

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Sauf que moins de trois semaines après avoir fêté cette promotion héroïque est venu ce funeste lundi 11 mars 2024. Comme chaque soir, encore plus depuis la fin de la saison, l’effectif des Chabeb prévoyait de se rassembler dans cette aaedé, un salon composé de coussins posés à même le sol, aménagée quelques mois plus tôt au dernier étage d’un bâtiment situé à Ansar, dans la périphérie de Baalbeck.

« C’était un endroit privé que le club avait installé pour que les joueurs puissent se retrouver entre eux, discuter, jouer aux cartes ou à la PlayStation, regarder les matchs de Champions League jusqu’au petit matin », raconte Hassan Lakkis, directeur des relations générales du club, joint par L’OLJ. « Il n’y avait rien d’autre dans ce bâtiment, à part du matériel médical stocké au rez-de-chaussée qui appartenait l’hôpital de Dar el-Amar, dont l’ancien président (du club de Baalbeck) est le directeur », explique-t-il.

Ce soir-là, vers 22h30, l’aviation israélienne effectuait plusieurs survols au-dessus de la Békaa, comme cela était devenu monnaie courante depuis plusieurs mois, en raison du conflit entre le Hezbollah et Israël déclenché en octobre 2023. Alerté par le son d’un drone qui ne cessait de tourner dans les environs, Moustapha Gharib a fini par monter, seul, sur le toit de l’immeuble pour le voir de plus près. « C’est à ce moment-là qu’ils ont frappé », raconte Mahmoud Aalem, fils du président du club et présent sur les lieux au moment des faits.

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Si ce dernier en est sorti indemne, tout comme les six autres personnes blessées par un deuxième missile tiré sur un bâtiment voisin, Moustapha Gharib succombera à ses blessures avant même de rejoindre l’hôpital. « Si le raid avait eu lieu quelques minutes plus tard, les trois quarts de l’équipe auraient été présents. La plupart était déjà en route pour les rejoindre », avait confié Ali Hassen, le directeur de l’équipe, au lendemain du drame.

Moustapha Gharib chaussant ses crampons. Photo DR

Comme à son habitude, le porte-parole arabophone de l’armée israélienne avait, lui, indiqué dans un message sur X que la cible était « un centre utilisé par le Hezbollah pour préparer des frappes aériennes ». « Pourquoi aurions-nous installé ce salon pour nos joueurs si nous n’étions pas sûrs que c’était un bâtiment civil ? », rétorque Hassan Lakkis.

« Un vrai modèle pour nos jeunes »

Né le 21 juillet 1985, Moustapha Gharib, 38 ans, était ainsi venu s’ajouter à la liste des près de 150 civils dont les vies avaient été fauchées depuis le 8 octobre 2023. Un bilan qui s'est alourdi, notamment depuis le début de l’escalade israélienne, fin septembre, le faisant grimper à près de 2 000 personnes, selon les dernières estimations du ministère de la Santé. « C’est une immense perte pour nous. C’était un leader d’équipe qui avait la capacité d’emmener avec lui tout un vestiaire. Tout le monde l’appréciait », reprend Hassan Lakkis. « Il n’était affilié à aucun parti et n’avait de problèmes avec personne. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il était parfait, mais c’était un vrai modèle pour nos jeunes. C’est pourquoi nous lui avions confié un poste d’entraîneur parmi nos équipes de jeunes », raconte-t-il.

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Sur et en dehors du terrain, ce fan du Real Madrid menait une vie à la fois rangée et bien remplie. « Son style de vie était sain, il faisait attention à son alimentation. Pas de cigarettes, ni de stimulants », détaille une courte biographie le concernant publiée par des proches sur les réseaux sociaux. En parallèle du football, loin d’être suffisant pour boucler les fins de mois, il enchaînait les petits boulots lui permettant d’empocher l’équivalent de quelques centaines de dollars. « Toutes ses économies, il les dépensait dans les vêtements, le sport et son matériel de tournage », ajoute Hassan Lakkis.

D'un côté à l'autre de la caméra

Car, à côté du ballon rond, son autre passion résidait autant devant que derrière la caméra. En 2019, il fonde avec un groupe d’amis une agence de production nommée « Heliopolis pictures ». Muni d’un « bon œil pour la photographie », il effectue plusieurs reportages à l’étranger, notamment en Irak ou en Italie, où il contribue à la réalisation du clip d’une chanson d’un groupe de rock italien, intitulée « Sun in the rain » de Kabila. Cela lui aura même valu d'avoir droit à un entrefilet dans la presse locale de la ville d'Arezzo, en Toscane, dans les jours suivant l'annonce de sa mort.

Moustapha Gharib lors d'une séance photo avec Heliopolis Pictures. Photo DR.

S’il avait du succès auprès de la gent féminine, Moustapha Gharib avait décidé de profiter de la liberté du célibat. Bel homme, il était également passé de l’autre côté de la caméra lorsque son potentiel d’acteur avait été découvert par hasard au moment de remplacer au pied levé l’acteur principal d’une scène sur laquelle il faisait partie de l’équipe technique. Après avoir tapé dans l’œil du réalisateur, ce dernier lui a ensuite donné un rôle à part entière. C’est ainsi qu’il s'était retrouvé à l’affiche de court métrages ou de publicités, notamment celle de la marque libanaise d’appareils électroménagers Ghandour Electric et bien d'autres. 

« Lorsque son cercueil est arrivé à la maison, je n'ai pas voulu voir son corps », raconte sa mère, interrogée dans une vidéo publiée par un média local peu après sa mort. « J'ai voulu qu'on mette la plus belle photo de lui au-dessus de sa tombe, pour qu'il reste beau. C'est cette image que je veux garder de lui dans mon esprit ».

Son plus grand rêve était de voir son équipe, les Chabeb de Baalbeck, évoluer en première division. Ce rêve, Moustapha Gharib venait de l’accomplir. Le 23 février dernier, à la faveur d’une victoire 1-0 face au Riyadi Abbassiyé, le club de la Békaa et du Hermel validait son titre de champion de 2e division et obtenait par la même occasion le premier billet de son histoire pour l’élite du football libanais. S’il n’a pas contribué à cette montée dans la peau d’un titulaire, le milieu offensif, originaire de Nabi Chit (Békaa), en avait longtemps porté le brassard de capitaine. Plus expérimenté que ses coéquipiers, Moustapha Gharib avait déjà porté les couleurs d’autres équipes de première division, dont celle de Sagesse, et comptait conclure sa carrière de joueur en beauté. Lire aussi Le football...
commentaires (4)

Paix à son âme et aux âmes de toutes et celles et ceux que l’ivresse du sang a fauché.

Sphinx

11 h 07, le 07 octobre 2024

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Commentaires (4)

  • Paix à son âme et aux âmes de toutes et celles et ceux que l’ivresse du sang a fauché.

    Sphinx

    11 h 07, le 07 octobre 2024

  • RIP . Le pays détruit. Les libanais entré réfugiés, décédés , blessés, orphelins et exilés. Tout ceci à cause d’une organisation fanatique mercenaire de l’Iran qui a impliqué et entraîné notre pays et continue de le faire dans une guerre stérile . Reposez en paix cher artiste, sportif et espoir libanais assassiné.

    LE FRANCOPHONE

    17 h 56, le 06 octobre 2024

  • Allah Yirhamak Moustapha! Najmak bil Sama wou bi Alb kél lebnéné.

    Wlek Sanferlou

    15 h 15, le 06 octobre 2024

  • ouf.....

    Marie Claude

    09 h 33, le 06 octobre 2024

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