Alors qu’elle venait à peine de commencer, la saison 2024-2025 du championnat libanais de football est déjà à l’arrêt. Au surlendemain du terme de la première journée de première division, la Fédération libanaise de football a annoncé mardi la « suspension de tous ses tournois officiels en raison des circonstances actuelles que traverse le pays ».
L’annonce a été officialisée par une circulaire publiée par la fédération sur ses réseaux sociaux, qui précise que ce report du championnat entrait en vigueur avec effet immédiat et que les rencontres comptant pour la deuxième journée prévues le week-end prochain étaient toutes « reportées jusqu’à nouvel ordre ».
« Pour le moment, il s’agit d’un report d’une semaine », précise Paola Rizk, membre du comité exécutif de la fédération et présidente du club du Racing Beyrouth. « La réunion s’est tenue à distance et tout le monde a donné son accord pour suspendre provisoirement le championnat, surtout après les événements d’hier », précise-t-elle.
Un stade de football touché
En attendant d’en savoir plus sur l’ampleur de la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays, de nombreux clubs ont décidé eux aussi de suspendre leurs entraînements dans l’attente d’une potentielle reprise de la compétition. Une précaution motivée surtout par l’ampleur des bombardements menés par l’aviation israélienne, une opération baptisée « Flèches du Nord », sur le Liban-Sud et la Békaa, régions dont est originaire une grande partie des joueurs évoluant dans le championnat.
« Nous soutenons cette décision d’arrêter le championnat, et nous espérons que cette pause ira au-delà d’une semaine, vu la situation dans la Békaa », estime Hassan Lakkis, directeur des relations générales du club du « Tajamo’ Chabab Baalbeck », tout juste promu en première division. « Tous les établissements scolaires sont fermés, donc il est logique que le sport fasse de même, car le plus important reste la sécurité des joueurs et des supporters », explique-t-il.
Lundi après-midi, lors de la deuxième vague de raids israéliens concentrée sur la Békaa, le stade de football de la localité de Nabi Chit, dans la Békaa orientale, a même été touché par un tir de roquette qui a fortement endommagé l’une des tribunes, sans faire de victime, selon une source locale.
Ce n’est pas la première fois que le monde du football de la Békaa paie les frais de ce conflit qui court depuis le 8 octobre 2023 au Liban. Le 12 mars dernier, l’ancien capitaine de cette même équipe des Chabab de Baalbeck, Moustapha Gharib, avait été tué dans une frappe israélienne à Ansar, dans la banlieue de Baalbeck, alors qu’il passait une soirée avec deux de ses coéquipiers.
« Ce serait un nouveau coup dur pour nous de voir la saison s’arrêter, mais aujourd’hui, la priorité n’est plus au football, elle est ailleurs », reprend Paola Rizk. « Nous avons plusieurs joueurs dont les familles ont dû quitter leurs maisons dans le Sud. Leur priorité n’est plus de jouer au football, mais de trouver un lieu sûr pour leurs proches », ajoute la présidente du club beyrouthin, dont les précédents locaux avaient été soufflés par la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth.
Un jeune joueur tué, le capitaine de Nejmeh épargné de peu
Après une saison entière traversée à l’ombre de son spectre, voilà que le football libanais se prend la réalité de la guerre de plein fouet. Mardi après-midi, Kassem Zein, le capitaine de Nejmeh, équipe championne en titre du Liban, se trouvait à Ghobeyri, un quartier tout proche du bâtiment atteint par une des deux frappes israéliennes qui ont touché la banlieue sud de Beyrouth. « Je me suis par hasard retrouvé sur les lieux du raid. Merci à tous ceux m’ayant appelé pour demander de mes nouvelles. Que Dieu vous protège tous », a écrit le défenseur international libanais sur sa page Facebook.
La veille, un jeune joueur de l’équipe de Tadamon Sour, le principal club de Tyr, Mohammad Kanj, a été tué avec son père, Ali, dans leur village de Tefahta, dans le caza de Saïda. L’adolescent de 14 ans est venu s’ajouter à la triste liste des 50 enfants ayant été tués depuis le lancement de l’opération « Flèches du Nord » par l’armée israélienne, qui a fait au moins 558 morts, dont 94 femmes, et près de 1 800 blessés. « Après tout ce qui s’est passé, l’heure n’est plus au sport. Quasiment personne n’ose sortir de chez soi à Baalbeck, comment voulez-vous organiser un entraînement dans de telles conditions ? » regrette Hassan Lakkis.
Avant ces deux journées noires pour le pays du Cèdre, la situation était déjà compromise pour les équipes du Sud et de la Békaa. Sur décision préventive de la fédération, les stades situés dans ces régions avaient d’ores et déjà été retirés de la liste des enceintes pouvant accueillir des rencontres officielles. De quoi contraindre de nombreux clubs à disputer chacun de leurs matches, y compris ceux censés se jouer à domicile, en dehors de leurs terres.
Prononcer des suspensions du championnat est presque devenu une habitude pour l’instance du football libanais ces dernières années. La saison passée, plusieurs reports de rencontres avaient été décidés lorsque la situation sécuritaire dans le pays se détériorait, comme lors de la séquence ayant suivi le meurtre de Pascal Sleiman en avril dernier. Mais ceux-ci ne s’étaient alors pas étendus au-delà d’une semaine.
La dernière suspension d’ampleur du championnat libanais remonte au 17 octobre 2019, date du début du vaste mouvement de protestation dit de la thawra. La Fédération libanaise de football avait ensuite prononcé un nouveau report le 21 janvier 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, avant de se résigner à définitivement annuler la saison 2019-2020 quelques mois plus tard, ce qui avait alors constitué une première depuis la saison 2000-2001.