Les explosions en série de bipeurs et talkies-walkies du Hezbollah mardi et mercredi à travers le Liban ont fait 37 tués et près de 3 000 blessés, selon un bilan provisoire jeudi après-midi. Il s'agit du bilan le plus sanglant en 48 heures depuis le début des combats entre Israël et le Hezbollah, le 8 octobre 2023, dans la foulée de la guerre de Gaza entre l’État hébreu et le Hamas.
L'opération inédite qui a visé les moyens de télécommunication du parti chiite a été largement attribuée à Israël, qui ne l'a pas revendiquée. Elle a ciblé des équipements utilisés par les membres du Hezbollah pour remplacer les smartphones jugés dangereux. Mais ces explosions se sont parfois produites dans des endroits publics, parmi la foule, ou encore au sein de domiciles en présence d'enfants, dont deux font partie des victimes civiles fauchées par ces attaques.
Cela a poussé le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à rappeler que les « objets civils » ne doivent pas être transformés en armes. Le haut-commissaire de l'ONU aux Droits de l'homme, Volker Türk, a pour sa part affirmé que les responsables de ces attaques « devront rendre des comptes », soulignant que ces actes constituent « une violation du droit international des droits de l’homme et, dans la mesure où il est applicable, du droit international humanitaire ».
L’Orient-Le Jour a interrogé deux experts sur cet aspect : Marco Longobardo, maître de conférences en droit international à l’Université de Westminster et rédacteur en chef du Journal of International Humanitarian Legal Studies, et Janina Dill, détentrice de la chaire Dame Louise Richardson en sécurité mondiale à l’Université d'Oxford et codirectrice de l'Institut d'Oxford pour l'éthique, le droit et les conflits armés (ELAC).
Les explosions ont eu lieu dans des zones civiles. Elles ont touché des membres du Hezbollah mais ont aussi fait des victimes civiles. Que dit le droit international sur la responsabilité d’une telle opération ?
Janina Dill : Une opération militaire qui consiste en plusieurs centaines d'attaques simultanées soulève de très sérieuses questions quant au respect du droit international humanitaire. Le droit international humanitaire, qui s'applique en cas de conflit armé, exige que chaque attaque soit dirigée contre une personne que l'attaquant sait être – ou, après une vérification faisable, a des raisons de supposer être – une cible légitime.
La première question vise à savoir si l'attaquant à l'origine des bipeurs truqués avait les moyens de s'assurer qu'ils tomberaient entre les mains de combattants du Hezbollah plutôt qu'entre celles de civils. En outre, le droit international exige que, pour chaque explosion, les dommages civils prévus ne soient pas excessifs par rapport à l'avantage militaire recherché.
La deuxième question est de savoir si un tel calcul de proportionnalité pour chaque explosion aurait même été possible ou conséquent étant donné qu'il s'agit de centaines d'explosions simultanées. Les bipeurs sont des appareils que les gens emportent généralement chez eux, au marché ou chez le médecin. Je ne vois pas comment il aurait été possible à la partie attaquante de limiter les effets de ces attaques conformément aux exigences du droit international.
Marco Longobardo : Plusieurs règles de droit international doivent être prises en compte. En vertu des règles relatives aux armes, les attaques sont illégales parce que le droit international interdit l'utilisation de pièges qui ressemblent à des objets portables apparemment inoffensifs, tels que les téléavertisseurs (ou bipeurs) et les talkies-walkies.
En vertu des règles de ciblage, si les téléavertisseurs et les talkies-walkies ont été utilisés à des fins militaires et que les attaquants ont estimé qu'il était probable qu'ils soient utilisés par des combattants, les attaques ne violent pas le principe de distinction. Le principe de proportionnalité aurait été violé si les victimes et les dommages civils étaient excessifs par rapport à l'avantage militaire attendu.
Cela permet-il de dire que ce qui s'est passé est une violation du droit international ?
M. L. : Nous ne savons pas quelles précautions l'attaquant a prises pour épargner les civils ou réduire le nombre de victimes et de dommages civils. Si l'attaquant pouvait raisonnablement s'attendre à ce que les combattants et les civils utilisent des téléavertisseurs et des talkies-walkies, les attaques auraient été illégales car elles auraient été menées sans discrimination.
D'après les rapports actuellement disponibles, et dans l'attente d'un examen plus approfondi, tout porte à croire que les attaques menées au moyen de téléavertisseurs et de talkies-walkies pourraient également être illégales en vertu du principe de proportionnalité, étant donné que les nombreuses victimes civiles et les dommages causés semblent excessifs si on les compare à l'avantage militaire que représente le fait d'avoir blessé certains combattants du Hezbollah.
J. D. : Compte tenu des faits dont je dispose, je ne vois pas comment il aurait été possible à la partie attaquante de limiter les effets de ces attaques conformément aux exigences du droit international. Il m'est également difficile d'imaginer un schéma de faits dans lequel un calcul de proportionnalité significatif pour chaque explosion aurait été possible, mais une conclusion définitive de violation dépend d'une meilleure compréhension des faits.
Quelles pourraient être les conséquences juridiques de telles opérations ?
J. D. : Je pense qu'il est trop tôt pour se prononcer et que trop de faits sont contestés pour établir des conséquences. Je considérerais qu'un appel (de la part du Liban) au Conseil de sécurité est approprié, mais la question de savoir si cela aura des conséquences tangibles est bien sûr une question plus politique que juridique.
M. L. : Malheureusement, les conséquences sont assez limitées. Le Liban pourrait invoquer la responsabilité de l'État attaquant (supposons qu'il s'agisse d'Israël) devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Le Liban pourrait demander des réparations et des garanties de non-répétition.
Pour autant que je sache, il n'existe pas de base juridictionnelle pour porter l'affaire devant la Cour internationale de justice (qui gère les différends entre États, NDLR).
Et étant donné que ni le Liban ni Israël ne sont parties au statut de la Cour pénale internationale, cette dernière ne peut enquêter sur les responsabilités pénales individuelles liées aux attentats. Le système judiciaire libanais pourrait le faire, mais je ne pense pas que cela aboutira à quoi que ce soit, dans la pratique.
Que veut il dire par cette phrase? Qu’Israël n’a toujours pas détruit notre pays? On sait qu’il fait de tout pour que cela arrive et ainsi convaincre les libanais que l’ennemi c’est Israël et non pas lui. Nous ne sommes pas dupes et savons que c’est lui qui nous tue et nous empêche de vivre depuis des décennies, fort de ses armes qu’il couve dans le but d’asservir les libanais et rien d’autre. Comment les chiites ne se rendent pas comte de sa supercherie? Ils sont les premiers à subir les conséquences de ses agissements qui le prouve. Aucun missile n’a été utilisé contre Israël. ALORS ?
10 h 48, le 20 septembre 2024