Une fusillade au siège moscovite de Wildberries, tout près du Kremlin, a fait mercredi deux morts et sept blessés, dont deux policiers, ont indiqué les enquêteurs, sur fond de désaccord profond entre le couple fondateur du géant russe du e-commerce, en instance de divorce.
Tatiana Bakaltchouk, la femme la plus riche de Russie, et Vladislav Bakaltchouk se déchirent depuis plusieurs semaines autour du futur de la société, dont elle détient 99% et son mari 1%.
L'histoire est retentissante et rare, d'autant que la fusillade a eu lieu à quelques centaines de mètres du Kremlin, en plein coeur de Moscou, dans un quartier ultra-sécurisé.
"Sept personnes ont été blessées, dont deux agents des forces de l'ordre qui s'étaient rendus sur les lieux pour mettre fin à des actions illégales", a indiqué le Comité d'enquête russe dans un communiqué.
"Deux personnes (supplémentaires, ndlr) ont succombé à leurs blessures", a-t-il ajouté, confirmant le bilan de deux décès rapportés précédemment par les agences de presse russes.
Celles-ci ont également fait état de dizaines d'arrestations, mais les autorités n'ont à ce stade pas fait de commentaires sur ce point-là.
Une équipe de l'AFP a vu sur place plusieurs voitures de police et des ambulances avec les gyrophares allumés devant le siège de l'entreprise. Des enquêteurs s'affairaient eux sur les lieux de l'incident.
"J'ai entendu des tirs", dit à l'AFP Nadejda. "Je suis sortie et j'ai entendu des cris plus forts à l'intérieur et la fusillade continuait".
"Un agent de sécurité s'est précipité vers nous et nous a dit qu'il y avait une fusillade et que tout le monde devait rentrer à l'intérieur", raconte pour sa part Kamilia, une jeune étudiante de 19 ans.
"Panique"
D'après le récit de Mme Bakaltchouk sur Telegram, son mari a initialement "tenté de pénétrer dans les bureaux", accompagné de deux anciens responsables du groupe et d'individus en armes.
Le groupe Wildberries a affirmé dans un commentaire à l'AFP que "les hommes armés qui accompagnaient Vladislav Bakaltchouk ont (ensuite) été les premiers à ouvrir le feu", "blessant" des policiers et des agents de sécurité.
L'époux a, de son côté, tenu un récit des faits radicalement différent.
M. Bakaltchouk, 47 ans, a affirmé sur Telegram que la sécurité a d'abord "refusé de (les) laisser passer", avant qu'"une fusillade (n')éclate", blessant ses collaborateurs selon lui.
"Mes hommes n'étaient pas armés, nous étions protégés par des policiers. Les premiers coups de feu sont venus de l'intérieur du bâtiment", a-t-il affirmé, évoquant "la panique" des gens sur place et "de la fumée partout".
M. Bakaltchouk a assuré s'être rendu au siège "pour négocier l'arrêt de la construction d'entrepôts", un des points de discorde avec sa femme, qui a, elle, juré que "personne n'avait convenu de discussions" mercredi.
Wildberries, fondé en 2004, est présent dans plusieurs pays d'ex-URSS et revendique plus de 10 millions de commandes quotidiennes. Cette success story a fait de Tatiana Bakaltchouk, 48 ans, la femme la plus riche de Russie. Sa fortune est estimée par Forbes à 7,9 milliards de dollars.
Guerre ouverte
Fait rare parmi les richissimes russes, Tatiana Bakaltchouk n'appartient pas au cercle d'oligarques historiques qui ont pris le contrôle des grands groupes étatiques du pays dans les années 1990.
Le couple Bakaltchouk, qui a eu sept enfants ensemble, est en guerre ouverte depuis que Wildberries a annoncé en juin un projet de fusion avec le groupe de publicité Russ, qui pèse beaucoup moins dans l'économie nationale.
Le Kremlin, qui y voit la possibilité de créer un géant russe à même de concurrencer à terme Alibaba et Amazon, soutient cette union, poussée par Tatiana Bakaltchouk, tandis que son mari s'y oppose fermement.
Vladislav Bakaltchouk s'en est d'ailleurs plaint ouvertement en juillet au dirigeant Ramzan Kadyrov en Tchétchénie, où sa femme est née.
Le chef tchétchène, connu pour ses méthodes brutales et ses intérêts économiques multiples, a pris fait et cause pour l'époux, qualifiant la fusion de "fraude à grande échelle" qui finit "entre de mauvaises mains".
Le dirigeant autoritaire a assuré dans une vidéo publiée en ligne qu'il allait "ramener (Mme Bakaltchouk) dans la famille".
La PDG du groupe a officiellement demandé le divorce fin juillet. Selon la presse russe, le mari réclame le contrôle de 50% des actions de Wildberries.
Tatiana Bakaltchouk, la femme la plus riche de Russie, et Vladislav...