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Société - 7 octobre - un an après

Hussein Ali Mansour, tué au Liban, un mokhtar au service des autres jusqu’au bout

Hussein Ali Mansour buvait un café sur le balcon d’un voisin quand un obus israélien l’a fauché à Taybé, ce village du Liban-Sud dans lequel le mokhtar a voulu rester faire son devoir, quoiqu’il en coûte. 

Hussein Ali Mansour, tué au Liban, un mokhtar au service des autres jusqu’au bout

Hussein Ali Mansour, 78 ans, a été tué lors d'une frappe aérienne israélienne sur son domicile, à Taybé, le 11 décembre 2023. Photo diffusée sur les réseaux sociaux.

« Ce que je retiens par-dessus tout de lui, c’est son sens du service », livre Nader Mansour, sixième des sept enfants de Hussein Ali Mansour, le mokhtar de Taybé (caza de Marjeyoun, au Liban-Sud), tué par un tir d’obus israélien le 11 décembre 2023. Jusqu’au bout, son père, mort à 78 ans, aura conservé ce désir d’être utile à ses concitoyens en restant dans ce village situé près de la frontière avec Israël, en dépit des risques encourus. Tour à tour enseignant, fonctionnaire de la direction du statut personnel, puis mokhtar, il a mené son humble mission de serviteur du peuple à l’ombre des guerres qui ont essaimé son existence. « Il est né en 1945, au début du conflit israélo-palestinien, et toute son existence a été rythmée par les conflits, de la guerre civile à l’invasion israélienne, avant de se terminer tragiquement par la dernière guerre » démarrée le 8 octobre 2023 entre Israël et le Hezbollah, explique son fils. Pharmacien à Taybé, ce dernier n’a toujours pas fermé boutique, marchant dans les pas de son père. « Nous avions décidé tous les deux que nous ne voulions pas quitter le village pour continuer notre travail », précise-t-il.

Pendant les années mouvementées, mais encore remplies d’espoir, de sa jeunesse, Hussein Ali Mansour épouse une femme de son village avant de partir étudier à Nabatiyé (caza éponyme) afin de devenir enseignant. Le début d’une vie rangée ? Le déclenchement de la guerre civile et l’invasion israélienne du Liban-Sud en 1978 en décident autrement : il s’envole alors vers l’Arabie saoudite où il travaille dans le bâtiment pendant plusieurs années. A son retour dans les années 1980, il enfile enfin la veste de professeur des écoles, une fonction qu’il occupe jusqu’à la fin de la guerre (1990), où il devient fonctionnaire de la direction du statut personnel pour le caza de Marjeyoun. Chaque jour, il parcourt les 17 km séparant son village du chef-lieu de Marjeyoun pour aider ses concitoyens dans leurs démarches administratives : « Il travaillait avec tout le monde. On parle de quasiment 35 villages, dont il connaissait chaque mokhtar et chaque maire de la région », rappelle Nader Mansour. Ayant le goût du devoir, il n’hésite pas à leur faciliter la tâche en faisant parfois lui-même le déplacement pour délivrer un acte de naissance ou de propriété : « Pour certains habitants des villages situés entre Taybé et Marjeyoun, c’était difficile de se mouvoir. On parle de la période de l’occupation israélienne, donc la vie était tout sauf normale », rappelle son fils.

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Au milieu de cette anormalité quotidienne, Hussein Ali Mansour trace son sillon, poursuivant sa carrière de fonctionnaire tous terrains, tout en prenant soin de sa famille qui ne cesse de croître. « Il avait une vingtaine de petits-enfants et il aimait jouer avec chacun d’entre eux », se souvient-il. « Mon père était tout sauf un homme dur. Il aimait passer du temps avec ses enfants, comme avec les gens en général. » De quoi séduire les habitants de Taybé, qui l’élisent mokhtar après sa retraite en 2010. « C’est quelqu’un qui aimait rendre service : que demander de plus pour un mokhtar ? », feint d’interroger Hassan Charafeddine, un habitant de Taybé qui l’a côtoyé. Il se souvient d’un homme de l’âge de son père mais qui, « quand il s’asseyait avec toi, semblait avoir ton âge, voire être plus jeune, avec son goût pour la conversation, toujours une plaisanterie au bout de la langue », se remémore-t-il.

Durant l’une de ces conversations, Hussein Ali Mansour tient des propos qui, a posteriori, semblent annonciateurs. « Après s’être rendu sur la tombe de son épouse, partie un an plus tôt, il explique à un proche qu’avant de mourir, celle-ci lui avait demandé de ne pas perdre son temps et de la rejoindre rapidement. Malgré cela, un an après, il était encore là », raconte Hassan Charafeddine. Deux jours après, alors qu’il fait sa marche quotidienne, des habitants l’invitent à monter boire le café. Il acquiesce, adepte de ce rituel qu’il aimait tant partager avec ses concitoyens. Soudain, un obus déchire le ciel et s’abat sur le balcon, précisément sur lui. Le projectile le tue sur le coup mais n’explose pas, épargnant la dizaine de civils réunis pour la dernière fois autour de lui. 

« Ce que je retiens par-dessus tout de lui, c’est son sens du service », livre Nader Mansour, sixième des sept enfants de Hussein Ali Mansour, le mokhtar de Taybé (caza de Marjeyoun, au Liban-Sud), tué par un tir d’obus israélien le 11 décembre 2023. Jusqu’au bout, son père, mort à 78 ans, aura conservé ce désir d’être utile à ses concitoyens en restant dans ce village situé...
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