Nabih Berry dit en avoir assez. Trois semaines après avoir lancé ce qu’il estime être « une version amendée » de son initiative censée débloquer la présidentielle, le président du Parlement ne compte plus faire de pas en arrière. Dans son discours prononcé fin août, à l’occasion de la commémoration de la disparition de l’imam Moussa Sadr, fondateur du mouvement Amal, le chef du législatif s’était dit disposé à convoquer une seule séance électorale avec des tours de vote successifs jusqu’à l’élection d’un président de la République, à condition de parrainer un dialogue de quelques jours avant la tenue du scrutin, et non plus d’une semaine, comme il l’envisageait précédemment.
« C’est le maximum que je puisse proposer », a déclaré M. Berry dans des propos rapportés lundi soir par la chaîne locale NBN (proche de Aïn el-Tiné). De quoi enfoncer davantage le clou avec les protagonistes de l’opposition qui campent sur leur rejet de tout dialogue sous la houlette de M. Berry. Mais ce dernier a surtout compliqué la tâche au Quintette impliqué dans le dossier libanais (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte, Qatar) qui presse pour un déblocage rapide du scrutin. Une mission qui semble de plus en plus difficile… sauf éventuelle percée opérée par l’émissaire spécial de l’Élysée pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, attendu à Beyrouth le 23 septembre, selon les informations de L’Orient-Le Jour. Car « le Liban a besoin d’un président aujourd’hui plus que jamais », pour reprendre les termes de l’ambassadeur de France à Beyrouth, Hervé Magro, qui s’exprimait à la chaîne locale MTV mardi.
M. Berry estime avoir rempli sa part du contrat. « Toutes les composantes du Quintette ont individuellement accepté notre initiative. Qu’est-ce qui empêche qu’elle soit avalisée collectivement ? » Ces propos portent des messages dans plusieurs directions. Il s’agit d’abord d’une incitation au Quintette à soutenir officiellement l’appel du chef du législatif à un dialogue avant la tenue du scrutin, alors que dans leur communiqué du 16 mai dernier, les Cinq s’étaient prudemment montrés favorables à des « consultations » informelles.
Contact Le Drian-Hochstein
Contrairement aux attentes de Nabih Berry, son appel ne semble pas avoir résonné dans les milieux diplomatiques. « Ce n’est pas au groupe des Cinq de se prononcer en faveur d’un mécanisme bien déterminé. Le Quintette a pour mission d’aider les Libanais à s’entendre autour du futur chef de l’État », commente pour L’OLJ un diplomate sous couvert d’anonymat. Et de préciser que l’envoyé spécial d’Emmanuel Macron pour le Liban ne proposera pas une nouvelle initiative pour sortir de l’impasse. « Il poursuivra ses contacts pour aider les parties libanaises à tenir l’élection », dit-il. Ce point devait être au menu de l’entretien, mardi à Aïn el-Tiné, entre MM. Berry et Magro. L’occasion pour ce dernier de dresser le bilan de la réunion tenue samedi à la Résidence des Pins entre les ambassadeurs accrédités à Beyrouth des pays membres du Quintette pour préparer la prochaine étape.
« Il est temps que les divers partis libanais aient conscience de la gravité de la situation du pays. Surtout que les menaces d’une guerre totale entre le Hezbollah et Israël ont toujours été sérieuses et se font plus fréquentes aujourd’hui », rappelle le diplomate cité plus haut, indiquant qu’un contact téléphonique a eu lieu avant la réunion de samedi entre Jean-Yves Le Drian et l’envoyé spécial de la Maison-Blanche au Liban et en Israël, Amos Hochstein. « C’est une façon de souligner la coordination entre Washington et Paris, et, par ricochet, du reste des membres du Quintette, tant au sujet de la présidentielle que pour ce qui est de la guerre en cours depuis le 8 octobre dernier », souligne le diplomate.
Boukhari en tournée
C’est également pour exposer le bilan de la dernière réunion des Cinq que l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Beyrouth, Walid Boukhari, s’est rendu lundi à Dimane pour un entretien avec le patriarche maronite, Béchara Raï, qui effectue, lui aussi, un forcing pour que le vide à la tête de l’État soit comblé, près de deux ans après la fin du mandat de Michel Aoun (en octobre 2022). Mardi, le diplomate saoudien a été reçu à Meerab par le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, allié local de Riyad.
Et c’est probablement là que réside le second message de Nabih Berry au Quintette. À travers ses propos rapportés lundi, le maître du perchoir a indirectement appelé les Cinq à convaincre les protagonistes de l’opposition, à commencer par les FL, de répondre favorablement à son appel au dialogue avant la présidentielle. Sauf que Samir Geagea lui-même a déclaré à l’issue de l’entretien : « Si M. Boukhari avait une proposition de solution, je crois que ce n’est plus le cas (après l’explosion de bipeurs du Hezbollah après un piratage israélien, une opération qui a fait au moins 8 morts et des milliers de blessés) ». Dans tous les cas, la position de Meerab demeure intacte : « Nabih Berry ne peut pas faire croire à l’opinion publique qu’en se prononçant pour une séance électorale ouverte avec des tours de vote successifs, il fait une concession. Il ne fait que son devoir le plus élémentaire, celui de respecter le mécanisme constitutionnel », déclare le porte-parole des FL, Charles Jabbour, appelant le Quintette à « jouer un certain rôle sur ce plan », sans donner plus de détails.
Pour le Quintette, la position de principe demeure inchangée : parallèlement aux efforts de la communauté internationale, toute initiative locale pouvant accélérer le déblocage est soutenue. Misant sur ce soutien, plusieurs députés « indépendants » se sont réunis mardi au bureau du vice-président de la Chambre, Élias Bou Saab, pour « tenter d’opérer une percée au niveau de la présidentielle », peut-on lire dans un communiqué publié par le bureau de presse du numéro deux du Parlement . Outre ce dernier, il y avait Alain Aoun (radié du Courant patriotique libre début août), ainsi que ses collègues Simon Abi Ramia et Ibrahim Kanaan, qui en ont claqué la porte. Parmi les participants aussi, Élias Jaradé et Melhem Khalaf (contestation), ainsi que Neemat Frem, député du Kesrouan, et son colistier Jamil Abboud, aux côtés de Michel Daher et Adib Abdel Massih.
Le quintette devrait se pencher avant toute chose sur les déclarations de l’idiot de service, mandaté par leurs soins, pour nous rappeler leurs crimes passés et à venir sur nos politiciens patriotiques. Il ne suffit pas de s’excuser après coup, le mal est fait est une explication compréhensible et claire est exigée. Un Mea culpa du bout des lèvres ne suffit pas à faire oublier leurs agissements de terreur sur la population libanaise.
12 h 23, le 18 septembre 2024