Certains groupes et décideurs politiques exercent une pression croissante pour que les banques reprennent leurs activités de prêt, et réclament une loi qui oblige les emprunteurs à rembourser les nouveaux prêts libellés en dollars dans la même devise. Ils considèrent cette étape comme nécessaire pour réactiver le secteur bancaire, financer les investissements et stimuler la croissance économique. Bien que tout le monde soit d’accord avec les prémisses de cette proposition, celle-ci doit être examinée avec soin, compte tenu de la fragilité du secteur bancaire et des conditions économiques et financières sévères que traverse le Liban.
Les actifs en devises étrangères du secteur bancaire sont nettement inférieurs à ses passifs en devises étrangères, avec un écart dépassant 70 milliards de dollars. En conséquence, les déposants n’ont pas pu accéder à leurs dépôts antérieurs au 17 octobre 2019 et à tous les dépôts en « lollars » effectués après, sauf pour des montants très limités dans des conditions strictes fixées par les circulaires de la Banque du Liban (BDL). En revanche, une nouvelle catégorie de dépôts en dollars effectués après cette date (les « dollars frais ») est accessible sans restrictions.
Dans ce contexte, une question cruciale se pose : les banques, qui sont de facto (mais pas de jure) insolvables, devraient-elles être autorisées à allouer leurs maigres actifs en dollars pour financer de nouveaux prêts ? Ces prêts seraient-ils limités à des fonds frais dans le cadre d’un guichet distinct ? Quels sont les avantages potentiels de la reprise des prêts en devises ?
Évaluer les risques
Ces questions complexes exigent une évaluation approfondie des risques associés.
Premièrement, les banques étant insolvables et disposant d’un capital (presque) nul, la reprise des prêts violerait probablement les règles prudentielles et réglementaires. Les banques ne pourraient le faire que si elles obtiennent davantage de capital et si un plan global de restriction bancaire est mis en place.
Ensuite, l’argument en faveur de la reprise des prêts repose sur le fait que le secteur bancaire dispose d’un nombre limité de dollars « frais » ou sur la libération d’une partie des réserves obligatoires de la BDL. Cependant, les dollars frais doivent être compensés par des banques correspondantes, ce qui signifie qu’il n’y a pas de véritable argent frais disponible pour prêter. L’utilisation de réserves sûres pour des prêts périlleux comporte des risques pour les déposants. Même avec des capitaux supplémentaires, les avantages du prêt de nouveaux dollars seraient probablement limités, car les grandes entreprises libanaises peuvent déjà emprunter auprès de banques à l’étranger. Les prêts serviraient principalement à la consommation plutôt qu’à l’investissement, ce qui n’est pas souhaitable dans les circonstances actuelles. En outre, les coûts d’emprunt seraient élevés en raison des risques, ce qui pourrait non seulement restreindre la demande, mais aussi augmenter les prêts non productifs.
Il faut aussi tenir compte de l’opinion et des préoccupations éthiques. Permettre aux banques de prêter en dollars alors que les déposants ne peuvent pas accéder à leurs fonds pourrait exacerber les tensions sociales et susciter des contestations juridiques. De plus, les prêts en dollars risquent de peser davantage sur les liquidités en dollars des banques, ce qui les empêcherait de remplir leurs obligations envers les déposants, même pour des montants limités, comme le stipulent les circulaires actuelles de la BDL.
Un autre risque est celui lié à l’inadéquation entre l’actif et le passif. Dans une crise où les dépôts dépassent largement les actifs disponibles, les banques sont confrontées à de graves contraintes de liquidité. Même si des dépôts en dollars frais sont disponibles, ils sont généralement à court terme et retirés dès qu’ils sont reçus. L’octroi de nouveaux prêts, qui impliquent généralement des échéances plus longues, pourrait aggraver l’asymétrie des échéances, augmentant ainsi les risques pour les banques et les déposants.
Enfin, il y a les risques de dépréciation de la monnaie. Exiger des emprunteurs qu’ils remboursent les prêts libellés en dollars « frais » atténuerait le risque de change pour les banques, mais pas pour les emprunteurs. Une nouvelle dépréciation de la livre pourrait compromettre la capacité des entreprises et des particuliers à rembourser leurs prêts en dollars, en particulier si une partie de leurs revenus est libellée en monnaie locale. Cela pourrait accroître les prêts non productifs, affaiblir encore les actifs des banques et compromettre l’accès des déposants à leurs fonds.
Priorité à la restructuration
Compte tenu des risques importants courus, qui dépassent de loin les avantages potentiels, les autorités monétaires et le gouvernement devraient se concentrer en priorité sur la restructuration du secteur bancaire. Dans le passé, les différentes versions de la loi sur la résolution bancaire ont suscité une forte opposition de la part des différentes parties. Il est également essentiel de se demander pourquoi un projet de loi sur le remboursement des prêts en dollars devrait avoir la priorité sur des lois plus importantes concernant la crise. Par exemple, la loi sur le contrôle des capitaux, qui fait l’objet de discussions depuis près de cinq ans, n’est toujours pas adoptée. Une approche fragmentaire de la réforme du secteur bancaire réduirait la pression exercée sur les décideurs pour qu’ils adoptent un programme de réforme complet comprenant une série de mesures visant à réhabiliter le secteur et à mettre l’économie sur la bonne voie.
Compte tenu de la crise actuelle, il convient d’être extrêmement prudent avant de reprendre les prêts en devises. L’accent devrait être mis sur la réhabilitation du secteur bancaire par le biais d’un plan de résolution global qui permettrait de reprendre les prêts à plus grande échelle et à des taux moins élevés, au bénéfice des déposants si la majeure partie des bénéfices générés par ces prêts est allouée à la récupération des dépôts. Même dans ce cas, les autorités de régulation devraient imposer des règles strictes avec des paramètres clairement définis afin d’éviter d’exacerber une situation déjà difficile et de respecter les objectifs plus larges de stabilité économique.
Si la reprise des prêts pourrait potentiellement améliorer l’activité, toute loi autorisant les prêts en dollars et les remboursements dans la même devise devrait faire partie d’un ensemble de réformes plus larges et bien intégrées, plutôt que d’être une mesure isolée répondant à des intérêts particuliers.
Vice-président du Conseil des ministres sortant.
Madoff était un enfant de chœur par rapport à nos politiciens et nos hauts fonctionnaires notamment de la BdL ou de l’EdL. Notre clique de gangsters a réussi à voler toute la population et tous le pays. Depuis que le monde existe, il n’y a pas eu de cas similaire dans le monde. Ce n’est pas le casse du siècle mais le plus grand casse de l’humanité si du moins on peut encore qualifier nos gangsters d’êtres humains
10 h 11, le 16 septembre 2024