« Je n’ai jamais dit que j’allais démissionner ou arrêter de traiter les affaires courantes. Ce qui a été annoncé dans la presse n’est que pures spéculations. » Quelques jours après les rumeurs médiatiques annonçant l’intention du ministre sortant de l’Éducation, Abbas Halabi, de jeter l’éponge sur fond de polémique liée à sa décision de hausser les frais d’inscription à l’école publique, le responsable dément ferme toute intention de quitter ses fonctions. « Je m’étais juste fait la réflexion que si j’échouais à faire entrer les élèves à l’école, à quoi bon continuer ? » précise-t-il, dans un entretien à L’Orient-Le Jour.
M. Halabi annonce dans ce contexte « la tenue prochaine d’une séance spéciale du Conseil des ministres consacrée à la rentrée de l’école publique » avec à l’ordre du jour, entre autres, la question des frais d’inscription. Une rentrée des classes qui s’effectuera dans un pays en pleine crise économique, alors que le conflit entre le Hezbollah et Israël se poursuit au Liban-Sud et dans la Békaa dans le sillage de la guerre de Gaza.
4 500 000 LL par élève
À quelques semaines de la rentrée des écoles publiques prévue le 30 septembre, la contribution de chaque élève à la « caisse des parents » a été fixée à 4 500 000 LL pour les Libanais (50 dollars environ au taux du marché actuel) et neuf millions pour les étrangers (100 dollars environ). Cette caisse couvre les frais opérationnels des établissements et les salaires d’une partie de leurs équipes.
La mesure a provoqué un tollé au sein de la classe politique, d’abord de la part de l’ancien chef du Parti socialiste progressiste (PSP) Walid Joumblatt (dont est pourtant proche le ministre Halabi) qui a considéré que le ministre sortant de l’Éducation ne respectait pas le principe de la gratuité de l’enseignement dans les écoles publiques, tel que stipulé par la Constitution, avant d’effacer son message sur X. D’autres critiques ont suivi, comme celles de la députée Halimé Kaakour qui a présenté un recours contre la mesure auprès du Conseil d’État le 10 septembre.
« Si j’ai pris la décision de réclamer des frais d’inscription de 4 500 000 LL par élève, c’est parce qu’il n’y avait pas d’autre moyen de financer les coûts opérationnels des établissements publics, les caisses de ces établissements étant vides », se justifie Abbas Halabi.
Échelonner le paiement
Le ministre rappelle que la contribution des parents d’élèves est basée sur un certain nombre de principes juridiques remontant à 2001, notamment la loi 34 et des décrets promulgués par le gouvernement. « Jusque-là, les frais d’inscription étaient de 150 000 LL ou l’équivalent de 100 dollars avant l’effondrement financier de 2019. Mais il est vrai qu’au fil des crises, cette cotisation a souvent été prise en charge par des donateurs locaux ou internationaux, notamment le Haut Comité de secours, la Caisse des municipalités ou le roi Abdallah d’Arabie saoudite », rappelle le ministre. L’année passée, les autorités ont décidé de ne pas réclamer aux parents de frais d’inscription.
Le sort de la décision est entre les mains du gouvernement sortant de Nagib Mikati. « J’ai demandé au cabinet d’accorder à ce dossier le budget nécessaire. Mais s’il ne propose pas d’alternative à la hausse des frais d’inscription lors de la séance spéciale, je ne pourrai pas revenir sur cette décision », prévient M. Halabi. Seules concessions qu’il consent pour l’heure, « l’autorisation des familles touchées par la crise d’échelonner le paiement sur trois mois, d’ici à janvier ». Quant aux plus démunis, « ils peuvent présenter une demande d’exonération ». « Il est hors de question de priver d’enseignement un enfant dont les parents n’ont pas les moyens de payer les frais d’inscription », assure toutefois le responsable. Entre-temps, dans les établissements publics, « les inscriptions vont bon train et les parents d’élèves règlent les frais d’inscription sans rechigner », affirme-t-il.
Quelle rentrée pour les élèves du Liban-Sud ?
La séance spéciale du Conseil des ministre doit également plancher sur les budgets à consacrer aux autres dossiers brûlants de l’école publique, comme la prime de productivité ou le salaire horaire des contractuels. Si, l’année dernière, les enseignants du public les plus assidus ont obtenu des primes mensuelles de 300 dollars face à la dépréciation de leurs salaires, ils réclament cette année que cette prime soit doublée. Quant au salaire horaire des contractuels, il est toujours fixé à 150 000 LL/heure au primaire et 180 000 LL/h au secondaire, soit respectivement un dollar et demi et deux dollars par heure.
Alors que la guerre se poursuit au Liban-Sud, la rentrée scolaire des élèves qui n’ont pas quitté la bande frontalière est aussi à l’étude. Après avoir envisagé de ne pas permettre les inscriptions dans les écoles qui sont dans l’incapacité d’ouvrir leurs portes, le ministre revient sur ses propos et promet « une décision imminente après le week-end ». « Nous espérons une rentrée en présentielle et ne voulons pas envisager pour l’instant d’enseignement en ligne », explique-t-il.
La nomination de vacataires à plein temps à l’Université libanaise pourrait également s’inviter dans le débat, le ministre Halabi s’étant engagé à régler le dossier en septembre. Quelque 1 760 contractuels revendiquent ce statut qui leur accorderait des bénéfices sociaux, mais cette décision n’échappe pas aux équilibres confessionnels, alors que le nombre de candidats musulmans, notamment chiites, est de loin supérieur à celui des autres communautés. « Je prépare le décret des nominations que je remettrai d’ici à quelques jours au gouvernement », conclut Abbas Halabi.