Dix-huit morts, au moins 37 blessés. Les autorités syriennes avaient dressé lundi le bilan officiel d'une « agression israélienne » menée dans la nuit de dimanche près de la ville de Messyaf, proche de la frontière avec le Liban, dans la région de Hama au centre de la Syrie. En mentionnant des « frappes israéliennes » sur des sites militaires... Sauf que depuis cette attaque meurtrière, des rumeurs circulaient sur la présence d'un commando sur le site visé, sans être confirmées. Désormais, plusieurs médias et sources officielles ont détaillé une opération bien plus complexe.
Commando terrestre israélien déployé sur place, vol de documents, opération planifiée depuis cinq ans... De nombreux détails fuitent sur cette attaque qui aurait visé un centre de recherche souterrain de construction et d'élaboration de missiles de précision pour le compte du Hezbollah, allié du régime syrien de Bachar el-Assad.
Un article du New York Times publié jeudi résume ainsi l'opération : « Israël a mené un raid commando en Syrie dimanche, qui a permis de détruire une installation de production de missiles du Hezbollah près de la frontière libanaise, tuant un certain nombre de personnes sur le site, selon des responsables américains et d'autres pays occidentaux ». Aucun commentaire israélien n'a été fait pour l'instant sur ce raid, ajoute le journal. Un objectif secondaire important, selon les responsables cités par le journal, était de recueillir des renseignements sur le développement d'armes par le parti chiite.
Voler, miner, détruire
Dans un premier temps, l'information d'une opération commando terrestre avait été attribuée à de la propagande antirégime. Eva Koulouriotis, analyste indépendante connue pour ses positions anti-Assad, a indiqué le 11 septembre sur son compte X que « des hélicoptères israéliens transportant des forces spéciales se sont dirigés vers l'installation » visée, en s'appuyant sur « une source sécuritaire ».
Selon elle, un commando de forces terrestres a pénétré dans le complexe et « soutiré des équipements et des documents importants, puis l'a miné, détruit et s'est retiré du site sous couverture aérienne ». Elle indiquait néanmoins que l'opération s'était déroulée jeudi et non dimanche, contrairement à toutes les autres sources.
L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), basé au Royaume-Uni et qui dispose d'un vaste réseau dans le pays en guerre, a confirmé en s'appuyant sur plusieurs sources qu'un raid d'un commando terrestre a bien eu lieu, dimanche, durant les frappes aériennes annoncées auparavant, sans être pour l'instant en mesure de confirmer le vol de documents ou d'équipements. « Les appareils aériens israéliens frappaient la moindre voiture qui bougeait, y compris des civils en moto », a écrit l'organisation, indiquant que le site dénommé « Heer Abbas » est resté inaccessible jusqu'à l'aube de lundi. « Un bulldozer qui a tenté de déblayer la route a été frappé par un drone. Lui et son chauffeur ont été carbonisés et leurs corps sont restés sur place longtemps. » Selon deux sources citées par le média Axios, les forces israéliennes auraient apporté avec elles des explosifs et des équipements sophistiqués pour détruire l'endroit.
Opération « Deep Layer »
Jeudi, Charles Lister, directeur des programmes Syrie et contre-terrorisme au Middle East Institute, a publié sur X des détails de la manœuvre. « Israël préparait l'opération “Deep Layer” (couche profonde) depuis cinq ans, visant à attaquer et détruire une installation de l'Institut 4000, liée au Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), à Messyaf », écrit-il, repris par le New York Times et par le média al-Arabiya. Selon une source interrogée par Axios, une opération sur place était nécessaire pour détruire le site, un objectif qui n'aurait pas pu être atteint avec des frappes aériennes uniquement.
Le centre de recherche de Messyaf, qui abritait auparavant des équipes spécialisées dans les armes chimiques, aurait été récupéré par les Iraniens en 2018, sous l'impulsion de Kassem Soleimani, commandant de la Force al-Qods des pasdaran assassiné en 2020 par une frappe américaine, pour construire une usine souterraine de production de missiles de précision destinés au Hezbollah. L'idée aurait été de construire ce site en Syrie plutôt qu'au Liban pour éviter d'être pris pour cible par les Israéliens, mais non loin de la frontière avec le pays du Cèdre pour faciliter l'acheminement des armes. Si l'État hébreu a déjà frappé la cible par voie aérienne, il a renoncé plusieurs fois à l'opération terrestre en raison du risque qu'elle représentait. L'OSDH précise que le centre avait commencé récemment à produire des drones, alors que le Hezbollah les utilise sur le front sud pour des missions d'espionnage ou de ciblage en Israël.
Détaillant l'opération de dimanche, Charles Lister explique qu'une première série de frappes aériennes israéliennes ont détruit au moins quatre positions militaires syriennes autour de Messyaf, y compris un site de défense aérienne. Une sorte de « couverture » pour permettre au commando terrestre de se déployer sur place. Puis « une deuxième série de frappes a touché un bâtiment du complexe relié à des tunnels souterrains (...) Au cours de la troisième phase de l'opération, plusieurs hélicoptères israéliens ont pénétré dans l'espace aérien syrien et déposé plusieurs dizaines de commandos israéliens à la périphérie des bunkers », poursuit-il. Selon l'OSDH, environ 5 hélicoptères et près d'une centaine de soldats israéliens ont participé à l'assaut qui aurait duré plus de trois heures.
Le NYT ajoute qu'avant de procéder à la frappe, Israël « a informé de hauts responsables américains », de son opération, le général américain Michael Kurilla, chargé du commandement du Centcom, s'étant retrouvé dans une salle des opérations avec des interlocuteurs israéliens le jour même. Axios a, pour sa part, précisé que l'administration de Joe Biden ne s'était pas opposée à l'opération.
Des captifs ?
Selon le média, c'est une unité d'élite de l'armée israélienne qui a mené ce raid très inhabituel en Syrie, bapitsée « Shaldag ». Le commando déployé « a surpris les gardes syriens de l'usine et en a tué plusieurs lors du raid. Mais aucun Iranien ni militant du Hezbollah n'a été blessé, selon une source », poursuit le site. Les porte-paroles de l'armée, du ministère israélien de la Défense et du bureau du Premier ministre israélien ont refusé de commenter l'opération, ajoute Axios.
Certains médias avaient initialement rapporté que l'armée israélienne aurait fait un ou deux captifs dans l'opération. Une information qui n'a pas pu être confirmée par l'OSDH.
Les frappes aériennes israéliennes sur la Syrie se sont intensifiées depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, alors que les conflits transfrontaliers entre le Hezbollah et Israël se sont intensifiés, au Liban-Sud et dans le nord d'Israël. Mais le raid de dimanche dernier constitue « la première opération terrestre menée par Israël ces dernières années contre des cibles iraniennes en Syrie », assure Axios. Reprenant les informations de l'opération, le Haaretz, journal israélien de gauche, a de son côté affirmé que « l'épicentre de la guerre se déplace de Gaza vers le nord d'Israël », en référence à la Syrie et au Liban.
Le plus surprenant dans cette affaire c'est l'absence totale de couverture aerienne Russe. C'est a croire que les Russes ne sont pas en Syrie. Ou alors, uniquement pour combattre les Syriens opposes a Bachar....?
16 h 39, le 13 septembre 2024