Le premier juge d'instruction de Beyrouth par intérim, Bilal Halaoui, a émis lundi un mandat d'arrêt à l'encontre de l'ex-gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Riad Salamé, à l'issue d'un interrogatoire qui a eu lieu ce matin au Palais de justice de Beyrouth. L'interrogatoire de l'ancien gouverneur de la BDL avait eu lieu après un transfert agité depuis son lieu de détention.
Le responsable financier restera donc en détention et le juge Halaoui a prévu une nouvelle audience pour « poursuivre son enquête » jeudi, selon l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle).
L'annonce de l'arrestation a été saluée par le Courant patriotique libre (CPL), l'un des partis les plus critiques du bilan de Riad Salamé. « L'émission du mandat d'arrêt est logique, étant donné ses infractions évidentes », a écrit le parti aouniste sur son compte officiel sur X. « Le CPL suivra le dossier Salamé, comme il l'a fait depuis le début, jusqu'à ce qu'il rende des comptes et que la vérité soit faite sur les montages financiers et le dossier des fonds des Libanais qui ont été dilapidés ».
Plus d'un an après avoir été démis de ses fonctions, Riad Salamé a été arrêté le 3 septembre dans le cadre de l’affaire Optimum Invest, portant sur des transactions menées en 2015-2016 entre la BDL et cette société financière libanaise. Il est également visé par de multiples enquêtes liées à des malversations financières présumées, notamment celles menées par la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, qui continue de manifester sa volonté de profiter de cette arrestation pour relancer ses propres dossiers. L'ex-patron de la banque centrale est également poursuivi dans plusieurs pays européens pour soupçons de corruption. Il se défend constamment contre ces accusations.
De source informée, on a appris que le juge Halaoui avait empêché la cheffe du contentieux de l'État, Hélène Iskandar, d'assister à l'audience, parce qu'elle n'avait pas obtenu une attestation du ministre sortant de Finances, Youssef Khalil, prouvant sa qualité. Une autre source affirme que cet imbroglio était dû à une « erreur de forme ». L’État libanais s'est constitué partie civile dans les poursuites lancées contre M. Salamé.
Les huées des manifestants
Arrivé sur les lieux peu avant 10h dans une fourgonnette aux vitres teintées, M. Salamé a été accueilli par les huées d'environ une centaine de manifestants venus sur place dans une ambiance très tendue, selon notre journaliste sur place Claude Assaf. Certains d'entre eux ont tapé sur le capot et les vitres du véhicule aux cris de « Haramé, haramé, Riad Salamé haramé » (Riad Salamé est un voleur).
Parmi les personnes présentes au sit-in organisé par des déposants libanais devant le tribunal se trouve le député du Liban-Sud issu de la contestation Élias Jaradé. Il s'est exprimé pour L'Orient-Le Jour « en tant que déposant et représentant du peuple libanais » : « J'espère qu'il n'y aura aucun contournement de la procédure », a-t-il déclaré à propos de la querelle opposant Ghada Aoun au procureur général près la Cour de cassation, Jamal Hajjar. Depuis juin dernier, ce dernier menace la juge de la Cour du Mont-Liban de l'écarter du dossier et lui demande de lui transmettre tous les documents qu’elle traite, dont ceux relatifs à la société Optimum Invest. « Si cela venait à arriver, nous nous opposerons à cela », ajoute le député.
Escalade et revanche
Autre personnalité sur les lieux, Ibrahim Abdallah, qui fait partie des militants ayant porté plainte sur le dossier Optimum Invest. Il a déclaré que si Riad Salamé n'était pas mis en état d'arrestation au terme de l'audience, « il y aura une escalade ». Un autre manifestant, haut-parleur à la main, a exhorté le juge Halaoui de « mener à bien l'instruction », sinon « il pourrait arriver quelque chose de très grave. Il y aura une revanche qui se déroulera dans le sang ». Par contre, s'il mène à bien l'enquête, « il aura droit à de la haléwé », une douceur à la pâte de sésame, dans un jeu de mots sur le nom de famille du juge.
Les mesures de sécurité étaient très strictes à l'intérieur du Palais de justice. Même les avocats, qui poursuivaient des démarches liées aux affaires des justiciables qu'ils représentent, n'ont pas pu accéder aux divers greffes situés à proximité du bureau du juge Halaoui. L'entrée située au rez-de-chaussée, qui conduit au premier étage où se trouve le bureau de Halaoui, avait également été bloquée par des agents des forces de l'ordre. Une violente altercation a eu lieu entre l'un d'eux et un membre du barreau. Finalement, un officier est intervenu et a décidé de laisser passer les avocats, mais un par un, au compte-gouttes.
Par ailleurs, alors que des rumeurs faisaient état d'une fuite en dehors du Liban du PDG de la banque al-Mawarid, Marwan Kheireddine, poursuivi dans le cadre d'un des dossiers Salamé au Liban, le banquier a démenti à L'Orient-Le Jour avoir quitté le pays.
Il serait agréable de savoir que cet individu soit transféré à Roumieh ( prisonnier de droit commun ) plutôt qu'au siège de la Sûreté générale libanaise, où il est possède une cellule individuelle..
18 h 32, le 09 septembre 2024