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Culture - Septième Art

La réalisatrice Feyrouz Serhal emmène Maroun Baghdadi à la Cité des Doges

À l’occasion de la trentième commémoration du décès de Maroun Baghdadi, la jeune réalisatrice livre un documentaire sur le cinéaste sélectionné par la Mostra de Venise.

La réalisatrice Feyrouz Serhal emmène Maroun Baghdadi à la Cité des Doges

L'affiche du film « Et Maroun revint à Beyrouth » de Feyrouz Serhal en lice à la 81e Mostra de Venise, ce 7 septembre. DR

Et Maroun revint à Beyrouth… Ce « Et » du titre, une bombe à lui seul, une boule d’angoisse qui laisse deviner les hésitations qui le précèdent et sans doute la fatalité qui le suit. Une conjonction qui annonce une disjonction. « C’est un film à propos du réalisateur Maroun Baghdadi, à propos de Beyrouth, à propos du cinéma et de notre perception de la manière dont ce dernier décrit nos histoires et narre les événements de nos vies », résume la réalisatrice et documentariste libanaise Feyrouz Serhal qui a écrit et dirigé cette œuvre en lice à la 81e Mostra de Venise, le 7 septembre.

Faire du cinéma en pleine guerre civile

Produit par Aljazeera Documentary et Road2films, ce film à la croisée du documentaire et de la nostalgie nous embarque dans une promenade d’une journée à Beyrouth, la ville qui a profondément influencé, de 1973 à 1993, la vie et l’approche cinématographique du réalisateur Maroun Baghdadi dont on commémore cette année le 30e anniversaire de la disparition. On y rencontre des personnes qui ont partagé de près son expérience. À mesure que la caméra navigue entre la vie de Baghdadi et sa carrière, le contexte social et politique de Beyrouth se projette au premier plan. Le film embrasse, du point de vue du présent, cinquante années d’histoire.


Une image du film montrant un portrait du cinéaste disparu. Capture d'écran

L’homme qui a radicalement modifié la perception publique du cinéma libanais en pleine guerre civile est pour la jeune réalisatrice source d’une inspiration inattendue. Un jour, elle est approchée par la productrice Cynthia Choucair : « Ça te dirait de faire un film sur Maroun Baghdadi ? » Réaliser un film sur un réalisateur de films ? L’idée est tentante mais demande réflexion. Feyrouz Serhal se dit que cela lui permettrait de mieux connaître ce personnage qui a montré à toute une génération la possibilité de faire, à partir du Liban, autre chose que des romances commerciales. Elle dit oui et se plonge dans l’univers de Baghdadi, regardant ses films en boucle.


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Obsession Beyrouth

La première chose qui lui saute aux yeux, dit-elle, c’est l’importance de Beyrouth dans l’univers cinématographique de Baghdadi. Elle se dit ensuite qu’il faudra l’y ramener, 30 ans plus tard, et lui offrir le plaisir d’y retrouver ses vieux potes. C’est ainsi que prend forme sa conception du film, avec l’obsession de trouver, pour parler de lui, non seulement des personnes pour qui il représente une icône, mais aussi d’autres, capables de montrer les difficultés que représentent la ville en général et le cinéma au Liban en particulier. Elle s’attarde notamment sur l’ouvrage de Joseph Samaha, Destin, et non destinée, sur l'éthique de la Deuxième République. Le journaliste et intellectuel de gauche qui fut un ami de Maroun Baghdadi relate la mort tragique du cinéaste – tombé dans la cage d’escalier de son immeuble en raison d’une panne d’électricité – dans le contexte de la décennie 1990 au Liban.

La rencontre comme apothéose

La cinéaste comptera ensuite sur l’écrivain Hassan Daoud pour décrire le personnage avant de déplacer la caméra, avec le cinéaste Élie Adabachi, sur les aspects de la pratique de Baghdadi sur un plateau. Deux femmes se détachent au milieu de cette tribu d’hommes : la danseuse et chorégraphe Soraya Baghdadi, épouse du réalisateur, et la cinéaste et artiste conceptuelle Joanna Hadjithomas. Le film se termine par une rencontre entre tous ces témoins parmi lesquels se déroule une conversation paisible, chacun parlant à son tour avec la certitude d’être écouté et entendu, le débat s’ouvrant sur les perspectives du cinéma libanais et des propositions de solutions. Se dégagent alors les difficultés inimaginables rencontrées par Maroun Baghdadi, à la période où il a réalisé ses films, entre les compromis qu’il devait consentir et les relations qu’il devait entretenir pour qu’on le laisse aller au bout de son art.

Quant au choix des lieux du tournage, Feyrouz Serhal constate que les lieux de Baghdadi sont les siens et que dans chaque endroit filmé par le réalisateur, elle a elle-même des souvenirs qui lui sont chers. En plus de leur passion commune pour le cinéma, elle partage avec Maroun un amour inconditionnel pour Beyrouth, comme le montrait déjà son film Tshweesh, primé au Festival de Locarno en 2017.


Pour son documentaire sur Maroun Baghdadi, la jeune réalisatrice a recueilli les témoignages de ceux qui l'ont connu de près. Image tirée du film

Et Maroun revint, préselectionné pour la Mostra de Venise 2024, aura donné à Feyrouz Serhal matière à comparaison entre deux générations, deux manières divergentes de voir le monde et de faire du cinéma. Mais quand elle visionne ce film pour la énième fois, une émotion la submerge avec cette impression que Maroun Baghdadi ne la quitte plus.


CADRE: Feyrouz Serhal, carte de visite

Diplômée d'un master en cinéma de Goldsmith College University à Londres en 2009, Feyrouz Serhal aligne déjà sept films, entre courts-métrages, documentaires et docufictions dont Tshweesh, primé à Locarno en 2017, et I come from the sea (2023), primé au Festival international du film de Shanghaï.

Et Maroun revint à Beyrouth… Ce « Et » du titre, une bombe à lui seul, une boule d’angoisse qui laisse deviner les hésitations qui le précèdent et sans doute la fatalité qui le suit. Une conjonction qui annonce une disjonction. « C’est un film à propos du réalisateur Maroun Baghdadi, à propos de Beyrouth, à propos du cinéma et de notre perception de la manière dont ce dernier...
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