Un mouvement de grève en Israël à l'appel de la puissante centrale syndicale Histadrout en vue d'accroître la pression sur le gouvernement pour obtenir la libération des otages retenus à Gaza était inégalement suivie lundi à la mi-journée. La centrale syndicale avait appelé dimanche à une « grève générale », dans la foulée de manifestations massives après l'annonce de la mort de six otages retenus par le Hamas dans la bande de Gaza et tués « à bout portant », selon le ministère israélien de la Santé.
« Nous arrêtons tout pour que notre voix soit entendue, pour dire que nous ne voulons rien faire tant qu'ils (les otages) ne sont pas là », a déclaré lundi à l'AFP Michal Hadas-Nahor, 34 ans, lors d'une manifestation à Tel-Aviv. « J'espère vraiment que cela fera une différence, sinon je ne sais pas comment je peux vivre dans ce pays et élever mes enfants ici », a ajouté cette manifestante.
« Nous voulons que ce gouvernement cesse d'exister, nous voulons des élections, et avant tout nous voulons qu'il signe un accord pour libérer les otages et mettre fin à cette guerre qui est terrible pour les deux camps », a dit à l'AFP Barak Hadurian, un ingénieur de 56 ans.
Plusieurs grandes villes comme Tel-Aviv et Haïfa ont suivi le mot d'ordre de grève, annonçant la fermeture des services municipaux lundi. Des perturbations ont également été enregistrées à l'aéroport Ben Gourion de Tel-Aviv où les départs ont repris partiellement à 10H00 (07H00 GMT) après deux heures d'interruption totale. Mais le mouvement était inégalement suivi lundi, plusieurs municipalités, notamment celle de Jérusalem, n'ayant pas répondu au mot d'ordre. Et dans les localités participant au mouvement, les transports publics, gérés par des entreprises privées, fonctionnaient au moins partiellement. Dans les services gouvernementaux aussi, le débrayage était inégalement suivi. « Il n'y a pas de réception pour le public aujourd'hui, mais nous travaillons dans les bureaux », a indiqué un employé de la sécurité sociale israélienne à l'AFP sous couvert d'anonymat. L'employé, opposé à la grève, l'a qualifiée de « scandale » alors que le pays est en guerre, plus de 11 mois après l'attaque du Hamas en Israël qui l'a déclenchée. « La Histadrout se comporte comme un organe politique et non comme un syndicat de travailleurs », a-t-il ajouté.
A la suite d'une demande du ministre des Finances, Bezalel Smotrich (extrême droite), le procureur général israélien a demandé au tribunal du travail de se prononcer contre la grève, arguant que sa motivation était d'ordre politique et ne concernait pas un conflit collectif de travail.
Selon le site d'actualité israélien Ynet, le président de la Histadrout, Arnon Bar-David, a informé le tribunal que la grève se poursuivrait seulement jusqu'à 18H00 (15H00 GMT), soit 12 heures plus tôt que ce qui était initialement prévu.
Violence policière
Parallèlement, des manifestations se poursuivaient lundi dans plusieurs villes pour réclamer un accord sur la libération des otages. Ces rassemblements avaient réuni la veille plusieurs dizaines milliers de personnes. D'après le Haaretz, 25 manifestants étaient toujours détenus lundi matin, certains d'entre eux étant interrogés par la police. Un groupe de médecins proche de ce mouvement de contestation a indiqué que des manifestants ont également été « blessés par des actes de violence policière ». Ce groupe évoque un protestataire frappé au torse et à la tête, un autre frappé à la tête par une grenade assourdissante ou encore une dame âgée blessée au visage.
Depuis des mois, les médiateurs — Qatar, Egypte, Etats-Unis — tentent de convaincre le Hamas et Israël de conclure un accord en vue d'un cessez-le-feu assorti d'un échange d'otages et de prisonniers palestiniens détenus par Israël, mais sans succès jusque-là. Le président américain, Joe Biden, qui s'était dit « dévasté », après la découverte des corps des otages parmi lesquels l'Israélo-Américain Goldberg-Polin, doit se réunir lundi avec les négociateurs américains pour discuter « des efforts pour arriver à un accord qui assurera la libération des otages restants », selon la Maison blanche.
« À bout portant »
Lors de l'attaque sans précédent du Hamas en Israël qui a déclenché la guerre dans la bande de Gaza le 7 octobre, 251 personnes ont été enlevées : 97 sont toujours retenues à Gaza, dont 33 déclarées mortes par l'armée. Cette attaque a entraîné côté israélien la mort de 1.205 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP d'après des données officielles.
Sous pression croissante pour conclure un accord sur les otages après des mois de blocage, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, a menacé de nouveau dimanche de « régler son compte » au Hamas considéré comme un mouvement terroriste par Israël, à l'instar des Etats-Unis et de l'Union européenne.
Selon le ministère israélien de la Santé, l'autopsie réalisée sur les corps des six otages révèle qu'ils ont été tués « à bout portant » « entre jeudi et vendredi matin ». Mais selon un cadre du Hamas, s'exprimant sous couvert d'anonymat, ils ont été « tués par des tirs et des bombardements de l'occupant » israélien, certains faisant partie « de la liste des otages à libérer que le Hamas avait approuvée ».
Vaccination anti-polio
Les représailles israéliennes à l'attaque du 7 octobre ont fait au moins 40.738 morts à Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas, provoquant un désastre humanitaire et sanitaire et le déplacement de la quasi-totalité des 2,4 millions d'habitants. Selon l'ONU, la majorité des morts sont des femmes et des mineurs.
Dimanche, le centre du territoire palestinien assiégé a connu quelques heures de répit, une vaste campagne antipolio ayant été officiellement lancée à la faveur de « pauses humanitaires » de trois jours chacune, de 06H00 à 14H00. Objectif : vacciner plus de 640.000 enfants de moins de dix ans, après un premier cas confirmé de cette maladie dans le territoire palestinien depuis 25 ans. Selon le ministère de la Santé à Gaza, 72.611 enfants ont été vaccinés au premier jour de la campagne antipolio.
Israël poursuit également son opération militaire lancée mercredi en Cisjordanie, un territoire palestinien séparé de la bande de Gaza et occupé par Israël depuis 1967. Au moins 24 Palestiniens, principalement des combattants, ont été tués par l'armée israélienne en Cisjordanie depuis mercredi, selon le ministère palestinien de la Santé. Tous des « terroristes », selon l'armée.
Le Hamas, au pouvoir depuis 2007 à Gaza, et le Jihad islamique, autre groupe armé, ont déclaré qu'au moins 14 des morts combattaient dans leurs rangs. Dans le sud de la Cisjordanie, trois policiers israéliens parmi lesquels une femme ont été tués dimanche près d'un point de passage dans une « attaque armée », selon la police israélienne. Un Palestinien soupçonné d'en être l'auteur a été abattu par l'armée, a-t-elle indiqué.