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Idées - Point de vue

La tragédie de Gaza, reflet de l’inconséquence occidentale face à l’impérialisme iranien

La tragédie de Gaza, reflet de l’inconséquence occidentale face à l’impérialisme iranien

Des Iraniens assistent à la procession funéraire de sept membres du Corps des gardiens de la révolution islamique tués lors d’une attaque en Syrie, que l’Iran a imputée à Israël, à Téhéran, le 5 avril 2024. Photo d’illustration Atta Kenare/AFP

L’ambivalence de la guerre actuelle menée par le gouvernement israélien avec le soutien des États-Unis contre Gaza et les milices iraniennes réside dans le fait que les Israéliens comme les Américains sont en grande partie responsables de la configuration géopolitique explosive du Levant et de la mainmise iranienne sur la région.

Depuis l’invasion américaine de l’Irak en 2003, une grande partie des pays de la région ont vu leurs structures étatiques se disloquer. La volonté du président Obama de retirer les troupes américaines d’Irak, comme il l’avait promis durant la campagne présidentielle de 2008, a offert le pays au régime iranien sans que les Irakiens puissent retrouver leur souveraineté. Les manifestations populaires de 2019-2021, qui ont touché le pays et qui ont été écrasées dans le sang par les milices chiites pro-Iran dans l’indifférence, sont à l’image de ce qui s’est passé en Syrie et au Yémen après la vague révolutionnaire de 2011. La mainmise de l’Iran sur ces pays à travers ses milices terroristes s’est réalisée au nom de la lutte contre l’impérialisme états-uniens et le sionisme.

Quand « Bibi » protège Assad

Pour obtenir un accord sur le nucléaire iranien, Barack Obama a notamment mis un terme à l’opération Cassandre de la DEA, l’agence américaine chargée de lutter contre le trafic de drogue. La DEA avait réussi à établir une cartographie complète de la branche du Hezbollah responsable du trafic de drogue et était sur le point de démanteler la principale ressource financière de la milice chiite. Mais le président Obama en a décidé autrement, et l’opération a été avortée. Au Yémen, l’administration Obama ferme les yeux sur le coup d’État des houthis, alliés du régime iranien. En août 2013, malgré la ligne rouge qu’Obama avait fixée, il renonce à intervenir en Syrie après le massacre chimique de la Ghouta perpétré par Bachar el-Assad. Mais l’on connait moins l’intervention de Benjamin Netanyahu en faveur du président syrien : dans ses Mémoires, Michael Oren, ambassadeur d’Israël aux États-Unis en 2013, décrit l’action diplomatique du gouvernement israélien et explique que c’est Yuval Steinitz, ministre du Renseignement et des Affaires stratégiques, et Netanyahu lui-même qui ont mis en œuvre le processus diplomatique de sortie de crise. L’arsenal chimique syrien constituant une menace pour la sécurité d’Israël, cet accord représentait une formidable occasion pour l’administration américaine de renforcer la sécurité de l’État hébreu. Ce sont ces raisons qui ont poussé le gouvernement israélien à s’opposer à des frappes militaires américaines contre le régime de Damas. En favorisant le maintien d’Assad, Benjamin Netanyahu a par la même occasion renforcé la mainmise de l’Iran sur la Syrie.

L’ère Obama a été le point culminant de l’occupation iranienne du Levant, un des architectes de ce désastre géopolitique est Robert Malley, principal négociateur de l’accord sur le nucléaire iranien. En 2021, Joe Biden le nomme émissaire pour l’Iran et en 2023 il est débarqué de son poste à la suite de fuites de données confidentielles et trois de ses collaborateurs ont par la suite été limogés. Ces trois collaborateurs sont accusés par Iran International, un média d’opposition au régime iranien, d’être sous l’influence de la République islamique.

L’Iran prospère en s’imposant sur la faillite des structures étatiques, et le Liban n’échappe pas à cette règle. Liban, Syrie, Irak et Yémen ont toujours été des bases de soutien populaire aux Palestiniens, mais la quête de ces populations pour se défaire de l’occupation et des ingérences qu’elles subissent ne permet pas aujourd’hui de répondre à l’appel de Gaza martyrisée. Quant aux pays du Golfe, tétanisés par l’avancée iranienne au Levant, ils ont pactisé avec Israël sous le parrainage de Donald Trump à travers les accords d’Abraham.

Normalisation de la barbarie

En Syrie, la destruction de villes comme Homs ou Alep, ainsi que l’expulsion forcée de plus de la moitié des Syriens de leur foyer par Assad et les milices iraniennes, s’est effectuée sous le prétexte qu’il s’agissait d’une étape nécessaire à la libération de la Palestine. En 2015, Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, affirmait que la route vers Jérusalem passait par Qalamoun, Zabadani et Homs, des localités syriennes alors contrôlées par les rebelles, et qu’il était donc nécessaire de combattre les opposants à Assad d’après le « sayyed ». Un comble pour les Syriens, qui ont toujours soutenu la cause palestinienne. À travers leur soutien à Assad, le Hezbollah et plus largement les milices iraniennes ont contribué à normaliser la barbarie. Si Benjamin Netanyahu se permet aujourd’hui ce niveau d’atrocité à Gaza, c’est grâce à une jurisprudence qui a fait de l’impunité d’Assad et de ses alliés la règle.

Dans ce Moyen-Orient décomposé par les ingérences, quel choix s’offrait aux Palestiniens sinon de se tourner vers le régime iranien par l’intermédiaire du Hamas ? Deux décennies de liquidation du processus de paix, orchestrée par la droite et l’extrême droite israélienne avec un soutien indéfectible des États-Unis, ont renforcé le Hamas. Et comme le rappelle le journaliste Charles Enderlin, M. Netanyahu a veillé à permettre le financement du Hamas par le Qatar pour empêcher la création d’un État palestinien. Dans ce Moyen-Orient sous l’influence de la République islamique, et alors que les pays du Golfe se sont détournés de la Palestine pour contrer l’avancée iranienne, le seul allié de circonstance du Hamas est le régime iranien. Cette situation est le résultat des inconséquences géopolitiques des différentes administrations américaines et de la volonté de la droite et de l’extrême droite israélienne de soumettre les Palestiniens à leur domination.

Lorsque la menace iranienne se rapproche d’Israël, l’inquiétude pousse les États-Unis à envoyer plusieurs navires de guerre dans la région, et la France ainsi que la Grande-Bretagne affirment qu’elles participeront à la défense d’Israël en cas d’attaque iranienne. Les populations arabes du Levant n’ont jamais bénéficié d’une telle attention, malgré les innombrables crimes commis par les milices de la République islamique, qui ont modifié en profondeur l’avenir du Moyen-Orient.

Opposant et essayiste syrien. Dernier ouvrage : « Syrie, la révolution impossible » (Aldeïa, 2023).

L’ambivalence de la guerre actuelle menée par le gouvernement israélien avec le soutien des États-Unis contre Gaza et les milices iraniennes réside dans le fait que les Israéliens comme les Américains sont en grande partie responsables de la configuration géopolitique explosive du Levant et de la mainmise iranienne sur la région.Depuis l’invasion américaine de l’Irak en 2003, une...
commentaires (19)

Arrêtez de parler de : "sionistes" et "sionisme"...s'il vous plaît...! Regardez vous dans un miroir..faites votre aggiornamento... remettez-vous en cause . !!! Vous êtes les Acteurs de Vos Malheurs..!! Le Cerveau Arabe n' arrête pas de m'accabler par son incapacité à se remettre en cause..! Tout est la faute des autres.. Vous êtes incapables de vous remettre en cause... C'est terrible...!!!

Oscar

15 h 59, le 02 septembre 2024

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Commentaires (19)

  • Arrêtez de parler de : "sionistes" et "sionisme"...s'il vous plaît...! Regardez vous dans un miroir..faites votre aggiornamento... remettez-vous en cause . !!! Vous êtes les Acteurs de Vos Malheurs..!! Le Cerveau Arabe n' arrête pas de m'accabler par son incapacité à se remettre en cause..! Tout est la faute des autres.. Vous êtes incapables de vous remettre en cause... C'est terrible...!!!

    Oscar

    15 h 59, le 02 septembre 2024

  • Des fois je me pose la question si Obama fut un agent Iranien. Il faut se rappeler de la démission fracassante de H Clinton alors secrétaire d’État face à son ineptie en Syrie et de ses largesses envers l’ennemi de toujours (ou du moins depuis 1979) au détriment des alliés US traditionnels dans la région.

    Liban Libre

    11 h 12, le 02 septembre 2024

  • Les USA ne sont ni un empire du mal ni un empire du bien mais un empire du commerce. L'équilibre des forces est le meilleur vecteur pour que les belligérants achètent plus d'armes. Une éventuelle paix totale entre l'Arabie Saoudite et l'Iran serait une catastrophe pour l'oncle Sam et les autres principaux vendeurs d'armes dans le monde. La souffrance humaine n'est pas un problème pour les dirigeants du monde qui calculent les morts en pourcentage de la population. Les cris des blessés et les pleures des familles endeuillées ne traversent pas les océans.

    Céleste

    09 h 29, le 02 septembre 2024

  • Très instructif bilan de Firas Kontar sur le rôle des Démocrates des USA au moyen-Orient.

    Saleh Issal

    09 h 05, le 02 septembre 2024

  • Même si certains points peuvent être discutés, dans l’ensemble, cet article remet salutairement les pendules à l’heure en ce qui concerne la présidence d’Obama. Il est d’usage de couvrir de fleurs le sympathique premier président noir et de crier ‘Haro" sur son fantasque successeur, mais un examen attentif révèle une image bien différente. Ce sont ses graves erreurs stratétiges – reprises par son catastrophique émule Biden – qui nous ont conduits à la situation actuelle.

    Yves Prevost

    07 h 14, le 02 septembre 2024

  • C'est plutôt l'inconséquence des Européens et Américains face à l'action génocidaire et l'occupation sauvage des Israéliens envers le peuple Palestinien .

    Hélène SOMMA

    00 h 19, le 02 septembre 2024

  • Excellent article. La lâcheté des démocrates et surtout le non respect de sa parole d'Obama a permis ce malheur de. Depuis 1982 la frontière syrienne israélien est calme

    Dorfler lazare

    17 h 10, le 01 septembre 2024

  • Que de tragédies encore ce vilain américanosionisme nous fera endurer en faisant passer les bourreaux pour les victimes et vice-verça !

    Chucri Abboud

    15 h 28, le 01 septembre 2024

  • C'est clairement la révolution syrienne qui a contraint TOUT l'axe de la résistance alias Grand Israël safavide à se montrer TEL QU'IL EST. Et en général les syriens le comprennent mieux que la plupart des libanais. Ajoutons que depuis les années 70 l'axe ne fait que pousser les palestiniens dans une voie suicidaire de "résistance" qui a mené à la guerre dite civile de 75 et qui aujourd'hui va mener à la disparition pure et simple de la Palestine. Il est temps que les sunnites en prennent conscience et sortent de ce piège !

    Citoyen libanais

    15 h 26, le 01 septembre 2024

  • Excellentissime

    AntoineK

    14 h 50, le 01 septembre 2024

  • Je ne vois pas d'incohérence dans la politique occidentale au Moyen-Orient: En renforçant la mainmise de l'Iran, les Occidentaux creusent l'écart entre les musulmans, font peur aux pays du Golfe, leur vendent plus d'armes et les poussent encore plus dans les bras des États-Unis et d'Israël. C'est bingo pour eux. Tout le reste (déclarations de bonnes intentions, plans d'aide, négociations, bons office, etc.) n'est que mensonges et prétextes. Ce qui pourrait paraître comme des erreurs stratégiques ou de l'incohérence, n'est qu'une comédie bon marché qui sert à nous faire avaler la pilule.

    Abichaker Toufic

    14 h 22, le 01 septembre 2024

  • Mon opinion converge avec celle de M. Kontar. Or la responsabilité des États-Unis et d'Israël est clairement visible dans la situation géopolitique actuelle au Levant. L'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003 et le retrait des troupes sous Obama ont permis à l'Iran d'étendre son influence. La normalisation de la violence par Israël et ses alliés a renforcé la mainmise iranienne sur des pays comme la Syrie. Les erreurs géopolitiques américaines et israéliennes ont poussé les Palestiniens vers l'Iran, renforçant le Hamas au détriment de l'État Palestinien.

    Olivier DAHER

    11 h 15, le 01 septembre 2024

  • M. Kontar, je respecte votre combat mais à mon avis, c’est l’intervention des US en Irak et non pas leur retrait ultérieur, qui a renforcé le pouvoir des Assad (à qui on a « offert » le Liban en contrepartie de leur complicité) et, ultérieurement, celui des Iraniens’ en Irak, en Syrie…

    Marionet

    11 h 08, le 01 septembre 2024

  • Tres bien resumé !, on ferme les yeux sur les atrocités de l'axe du mal (Iran et ces milices) pour ne regarder et mettre en lumière que les atrocités à Gaza. L'iran est le source du grand mal, il ne faut jamais oublier le cap malgré toutes les tergiversations et monsonges. En tout cas notre problème a nous au Liban c est l'Iran.

    Aboumatta

    10 h 35, le 01 septembre 2024

  • Très bonne analyse ; même vous pouvez ajouter le liban avec le flux d’engagements et désengagements des occidentaux et leur incapacité à soutenus des forces internes capables de résister à la déstabilisation Iranienne et en même construire des états qui fonctionnent

    Roger Dib / NEAR EAST CONSULTING GROUP OLJ00791

    08 h 25, le 01 septembre 2024

  • J'ai pensé que le titre était un second degré provocateur, mais hélas non, l'auteur parle sérieusement ! C'est affligeant l'aveuglement que la haine d'Iran peut provoquer chez certains "analystes" politiques... Avec de tels larons, on est pas sortis de l'auberge

    Souheil Mansour

    08 h 09, le 01 septembre 2024

  • Peut etre l'analyse est juste , mais ca ne justifie pas l'apathie des peuples du Levant et specialement celle du Libanais ou il n'ya pas accord sur les question nationale basiques comme definir le Liban et etre Libanais. Toutes les autres justifications que c'est l'exterieur qui complote n'est qu'une preuve de faibless de nos systemes de gouvernance et de nous memes.

    Ma Realite

    05 h 34, le 01 septembre 2024

  • L'impérialisme américain et la création artificielle d'une entité sioniste dans la région sont la source de tous nos maux .

    Chucri Abboud

    00 h 27, le 01 septembre 2024

  • Tout ce qui est écrit rejoint mon idée que si les E.U avaient l’intention de mettre fin aux exactions de l’Iran et de ses supplétifs, ils l’auraient fait en une minute sans avoir recours à des pseudos négociations alors que l’Iran est plus que jamais au pied du mur à l’interne comme à l’externe. Vous oubliez aussi le comportement d’Obama face à l’invasion des islamistes et son renoncement de dernière minute à rejoindre la France pour les éliminer pendant qu’ils étaient encore dans le désert avant qu’ils ne s’infiltrent dans toute la région. Ubuesque non?

    Sissi zayyat

    11 h 27, le 31 août 2024

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