Siroun Sarian, alias Gouloucooks, entretient un rapport très intense avec la terre. Photo tirée de son compte Instagram
L’appétit vient en mangeant, peut-être, mais aussi en prenant son temps, en regardant avec les yeux, puis les sens. Il en est ainsi des spectaculaires créations de Siroun Sarian, alias Gouloucooks. Diplômée de l’université libanaise (LU) en beaux-arts et peinture, avec une préférence pour la sculpture, elle en puise son savoir-faire pour concevoir des installations complètements inattendues, puisqu’il s’agit là de nourriture. Sur cette surface, une table immense, qu’elle remplit en suivant des croquis précis, comme elle le ferait avec une toile, les couleurs et les formes s’y modulent au gré de ses envies et sa sensibilité artistique et culinaire.Tout est beau, tout est bon.
C’est auprès de sa grand-mère, sa mère et son entourage qu’elle a appris la cuisine. « Mes principales inspirations viennent de ces personnes qui ont compté dans ma vie, dit-elle. Le Goulougoos est un plat arménien que me préparait ma grand-mère lorsque j’étais enfant. Il est préparé à base de racines de malanga. Le nom de ma page Instagram vient de là. » Avec un petit twist, Goulougoos devient Gouloucooks, et sur sa page Instagram, interpelle les curieux et les gourmands.
Des sens qui dialoguent
La jeune femme fait ainsi vivre sa passion en proposant des saveurs et des visuels qui dialoguent entre eux pour créer une œuvre d’art, de plus comestible. D’un geste lent et précis, elle place les éléments sur « sa » scène, une large table alors qu’elle scrute avec minutie et patience une composition qui prend forme. Durant cet instant presque sacré, rien n’est laissé au hasard et les produits, les plats, trouvent leur place petit à petit jusqu’à composer un paysage. Pour preuve sa récente collaboration avec le studio de design culinaire et floral « Malfoof ». Pour cette « performance », car c’en est une, la sauce masala se déverse dans les creux des plats, la coriandre, comme une écume de cette rivière, flotte dans le beurre infusé d’épices. Chaque produit et chaque ingrédient est placé au bon endroit. Une fois son travail achevé, « je préfère travailler seule mais je n’ai pas de problèmes à le faire devant une audience », le spectacle de cette immense table est impressionnant, avant même d’en goûter les saveurs.
Sur la table, pas de viande ni de poulet. Siroun Sarian explique : « Il faut que je puisse goûter la nourriture que je propose ». Végétarienne et fière de l’être, ses compositions sont exclusivement faites à partir des produits de la terre : fruits, légumes, mais aussi, des fleurs, des racines ainsi que certains produits laitiers. « Nous n’avons pas besoin de viande pour vivre, assure-t-elle. J’ai envie de faire des légumes les stars de mes mises en scène. Et que les gens retrouvent une connexion avec le sol. »
Une table dressée avec poésie par Siroun Sarian. Photo tirée de son compte Instagram
Des créations hautes en couleur
L’aventure culinaire de Siroun Sarian a commencé sur une première page Instagram, « Goulougous », où elle partageait son art pictural et quelques recettes. En 2020, elle crée un deuxième compte baptisé « Gouloucooks » sur lequel elle partage des recettes diversifiées et accessibles à tous. Le choix des ingrédients tire son inspiration de la nature : « Je me promène souvent dans la forêt de Aanjar. Toujours dans le but de trouver des produits frais et de chercher l’inspiration pour la présentation de mes plats. » Et ça marche… Car l’on retrouve dans ses plats l’aspect et le goût naturel recherchés. « Ils doivent, précise-t-elle, rappeler une balade en forêt ».
Gouloucooks est un projet totalement personnel, sa créatrice tient à souligner qu’elle n’est pas dans la restauration. « Pour que je m’intéresse à une scène, il faut que le lieu soit propice. Je m’attarde sur l’histoire de l’endroit où j’expose mes créations avant de cuisiner. » Elle tire ses envies du cadre, des rapports que ce dernier peut avoir avec ses plats et ses tableaux culinaires. « Le rapport qu’on a avec la terre s’est détérioré, il faut faire comprendre aux convives d’où vient la nourriture qu’ils ont dans leur assiette », explique-t-elle enfin. Elle le fait bien, joignant l’utile à l’agréable…