« Le pays peut maintenant reprendre son souffle. » À travers ces propos, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a non seulement décrété le retour au statu quo sur le front du Liban-Sud après la riposte à l’assassinat de Fouad Chokor, chef militaire de la formation chiite, mais il a également ouvert une petite brèche qui pourrait permettre de redynamiser le dossier de la présidentielle. C’est dans cet esprit que le Quintette impliqué dans le dossier libanais (États-Unis, France, Arabie saoudite, Égypte, Qatar) entendrait relancer son action auprès des protagonistes locaux afin de les presser de mettre fin à la vacance à la tête de l’État. Mais près de deux ans après la fin du mandat de Michel Aoun (en octobre 2022), le groupe des Cinq semble conscient que, pour avancer, il faudra passer aux choses (plus) sérieuses et inciter les protagonistes locaux à débattre des noms de présidentiable.
« Le pays doit se doter d’un président le plus rapidement possible. Et puisque la riposte du Hezbollah a pavé la voie à une forme de désescalade, il faut que la présidentielle soit remise sur le tapis », affirme à L’Orient-Le Jour une source diplomatique. Selon nos informations, un retour de l’émissaire spécial de l’Élysée pour le Liban, Jean-Yves Le Drian, à Beyrouth, entre septembre et octobre, ne serait pas exclu.
« La prochaine phase verra des démarches plus précises autour de la présidentielle », a déclaré, dans ce contexte, l’ambassadeur d’Égypte à Beyrouth, Ala’ Moussa, érigé en porte-parole de facto du Quintette, à la chaîne locale MTV mercredi soir. À quoi faut-il donc s’attendre concrètement ? « Éventuellement, le débat autour des candidats et des noms devrait commencer sérieusement », prédit le diplomate cité plus haut. Mais ce n’est pas n’importe quels noms qui seraient évoqués. « Lors de ses cinq déplacements au Liban depuis qu’il a été chargé par le président Emmanuel Macron du dossier de la présidentielle libanaise, M. Le Drian est parvenu à consacrer le principe de l’élection d’une figure de troisième voie qui pourrait faire l’objet d’une entente. C’est une constante », tranche le diplomate. Une option à laquelle est notamment associé le commandant de l’armée, Joseph Aoun, qui bénéficie de la confiance de la communauté internationale. Celle-ci a même exercé un forcing pour la prorogation du mandat du général Aoun à la tête de l’armée en décembre dernier. Une démarche qui avait permis de garder ce nom dans la course pour Baabda.
Magro chez Bassil
« Le groupe des Cinq ne peut qu’aider les protagonistes libanais à faire élire un président, mais il ne peut pas choisir un candidat à leur place », commente le diplomate cité plus haut. De toutes les façons, on n’en est pas encore là. Car avant de se lancer dans le vif du sujet, il faudra s’entendre sur la forme des concertations politiques à même de paver la voie à un consensus élargi. Mais les positions respectives des diverses parties n’ont pas bougé d’un iota : les protagonistes de l’opposition continuent de rejeter le dialogue voulu par le président de la Chambre, Nabih Berry, et derrière lui le Hezbollah. Ils accusent celui-ci de vouloir leur imposer son candidat, le chef des Marada, Sleiman Frangié. Et entre les deux camps rivaux, se dresse le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, qui poursuit son effort de recentrage politique pour peser dans l’échéance. Mardi dernier, le chef du CPL s’est entretenu à son domicile de Bayada avec l’ambassadeur de France à Beyrouth, Hervé Magro. « Nous avons exprimé notre point de vue à l’égard de la présidentielle : il faut séparer ce dossier de la guerre en cours. Et nous sommes favorables à toute démarche à même d’accélérer la tenue du scrutin », confie à L’OLJ Nada Boustani, députée CPL présente lors de la réunion. Cette prise de position, M. Magro devrait la transmettre à ses homologues du Quintette qui s’entretiennent régulièrement pour débattre du dossier libanais, dans la perspective de la prochaine phase. D’autant plus que, comme l’a déclaré Ala’ Moussa à l’issue de sa réunion avec le mufti de la République, le cheikh Abdellatif Deriane, à Dar el-Fatwa jeudi, il est « urgent d’opérer une percée ».
Le quintette semble dire, il ne faut rien changé pour que tout change. Ils procèdent de la même manière que les mois précédents et croient pouvoir inventé la poudre, toujours en se réservant le droit de sanctionner les bloqueurs alors que leurs agissements ne font que les sacraliser.
10 h 59, le 31 août 2024