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Idées - Point de vue

Levant : quelques points qui semblent échapper à notre compréhension

Levant : quelques points qui semblent échapper à notre compréhension

Cette mosaïque datant du IIIe siècle de notre ère et exposée au musée national de Beyrouth représente l’enlèvement de la princesse phénicienne Europe par le dieu grec Zeus, transformé en taureau. Photo Hadrian Following (sous licence Creative Commons)

D'aucuns considèrent le Levant comme la frontière de l'Orient et un portail d'entrée vers l'Occident. D'autres le décrivent comme la frontière de l'Occident et un portail d'entrée vers l'Orient. Les premiers sont généralement de confession musulmane, tandis que les seconds appartiennent à diverses dénominations chrétiennes du Levant. On pourrait penser que les deux descriptions sont identiques : après tout, une intersection est une intersection. Cependant, non seulement ces deux affirmations ne sont pas identiques, mais elles sont, en réalité, au moyen du même mécanisme qui est à la base du narcissisme des petites différences, contradictoires. Les Libanais ont même dû traverser une guerre civile pour se rendre compte de cette erreur.

Pour un généticien, il n'y a (presque) pas de catégories distinctes, mais plutôt des gradations continues. Nombre de nationalistes et de semeurs de tensions raciales pensaient que la nouvelle science de la génétique leur ferait justice et sont actuellement extrêmement surpris. Contrairement aux langues qui ont tendance à être ponctuelles et discontinues, les origines sont forcément mixtes du fait que les gens ont deux parents. Les populations d'Eurasie occidentale et méridionale ainsi que celles d'Afrique du Nord sont, en grande partie, des combinaisons d'une poignée de populations de base, bien que les proportions varient. Les groupes ethniques modernes découlent, en grande partie, du mélange dynamique de ces mêmes groupes de base au cours des derniers millénaires (avec toutefois une importance variable). L'incohérence du nationalisme réside dans la conviction qu'un tel mélange devrait prendre fin à sa dernière itération. Ils sont, en quelque sorte, arrivés à destination.

Par exemple, les récits nationaux des Français et des Allemands sont divergents, voire historiquement antagonistes ; ils parlent des langues mutuellement inintelligibles, tout en étant, pour la plupart (hormis le sud de la France) génétiquement indiscernables. Des récits historiques entiers avaient l'intention de créer une ségrégation raciale de manière autonome. Nous aborderons plus en détail comment, contrairement au récit européen, les habitants de la Grèce antique et les Levantins du Nord constituent également une même population que la langue sépare. Paradoxalement, la beauté de la génétique est qu'elle n'établit pas de race, mais déconstruit plutôt des concepts de longue date.

Il conviendrait donc de considérer que le Levant ne fait partie ni de l'Orient ni de l'Occident, mais qu'il est bien au-dessus d'une telle dichotomie. Son emplacement sur la Méditerranée, en plus de sa proximité avec le Caucase et l'Arabie (bien que séparés par un désert) sont très trompeurs.

La région a longtemps nourri l'imaginaire occidental. Cela s'explique, en partie, par les transferts technologiques et culturels qui ont pris place sur trois millénaires. Pour les Occidentaux, une aura de sainteté et de mystère entoure, depuis toujours, cette région. Non seulement parce que le christianisme y puise son origine mais aussi en raison des croyances gnostiques profondément ancrées au Levant, les nombreuses religions qui y sont toujours enfouies, avec des croyances secrètes qui nécessitent une initiation compliquée, souvent sous couvert d'islam ou, comme nous le savons maintenant grâce aux Évangiles gnostiques, de christianisme.

Superficialité des marqueurs culturels

Permettez-moi d'abord de montrer comment la notion d'Orient versus Occident est extrêmement – mais médiocrement – élaborée. Prenons, par exemple, les symboles modernes, qui suscitent des émotions fortes. Le voile, révélateur d'une certaine religion, pousse les Français à critiquer sa portée non républicaine (et non occidentale). Eh bien, soit les pratiques islamiques découlent de l'Église orthodoxe, soit elles étaient, à l'époque, communes à toutes les cultures – il suffit de voir les babouchkas russes ! Dans les peintures de la Renaissance, l'Europe médiévale avait des règles somptuaires strictes : les femmes étaient vêtues de noir (et se couvraient la tête), alors que les hommes avaient droit à une certaine flamboyance vestimentaire.

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D'une manière ou d'une autre, cela est récemment devenu un marqueur culturel. Dans ma propre enfance levantine, je n'ai jamais vu ma grand-mère grecque-orthodoxe sans voile, tandis que les femmes musulmanes (particulièrement dans les zones rurales) se promenaient souvent tête nue. Idem pour la manière de prier : les orthodoxes pratiquaient le μετάνοια (métanie), leur tête touchant (voire frappant) le sol lors de la prière. C'est un symbole de prosternation physique et spirituelle, une pratique qui était répandue lorsque l'islam a vu le jour. Enfin, attardons-nous sur l'architecture : le dôme est byzantin et les premiers lieux de culte islamiques étaient conçus par des architectes byzantins. Tout cela se faisait naturellement. Les Arabes n'étaient pas au courant qu'une dichotomie Orient-Occident, accompagnée d'un ensemble de symboles, était nécessaire.

Par ailleurs, la démarcation Orient-Occident ne suivait pas, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle et l'établissement de l’État-nation grec, les frontières actuelles. L'« Orient » commençait à la frontière entre les Empires ottoman et des Habsbourg – l'orthodoxie prospérant sous le turban, qu'elle préférait à la tiare. Il en était de même pour l'appellation Levant. La Levant Trading Company, qui approvisionnait les cafés-bars de Londres en café il y a trois siècles, était basée à Smyrne – actuellement Izmir – en Turquie. Ce n'est que lorsque la Grèce rejoint l'Union européenne en 1981 que les gens ont arrêté de dire « je vais en Europe » pour signifier l'Europe occidentale. « Levant » est un exonyme français qui signifie « Orient », faisant référence à la France, tout comme « Anatolie » fait allusion à l'« Orient » du point de vue de l'Attique. Le nom arabe  Bilad el-Cham est un exonyme signifiant « Nord ». « Canaan » est le seul endonyme que je connaisse.

Au fil du temps, avec la montée en puissance d'États-nations monolingues après la dissolution de l'Empire ottoman, l'appellation « Levant » se contracte de plus en plus jusqu'à ne plus désigner qu'une région linguistiquement homogène, où un certain nombre de dialectes mutuellement compréhensibles sont parlés, sous une langue commune, appelée techniquement l’« arabe levantin » ou, plus correctement, le « levantin ». Elle comprend la Syrie, le Liban et la Terre sainte actuels (sans compter une partie de la Turquie du Sud), qui sont les plus proches de l'ancien Canaan.

Doura-Europos et le sens de l’histoire

Revenons maintenant à cette question d'identité. Il y a une décennie environ, j'ai eu la chance de visiter une exposition sur Doura-Europos, une ville frontière syro-mésopotamienne de l'Empire romain, dans une région actuellement sous contrôle de l’organisation État islamique (EI). Des scènes bibliques, peintes dans une synagogue, prouvent que, jusqu’au IVe siècle, les représentations humaines étaient toujours présentes dans certaines parties du judaïsme. De plus, la même pièce servait de lieu de culte aux païens, aux chrétiens et aux juifs.


Cette fresque de la synagogue de Doura Europos (Syrie actuelle) représente la fille d'un pharaon recueillant Moïse d'un panier flottant sur un cours d'eau. Photo sous licence Creative Commons

La première leçon – l'un des thèmes principaux du livre Le Cygne noir (2007) – est notre méconnaissance endémique de la dynamique de l'histoire. Ce que j'appelle « distorsion rétrospective » a une incidence à la fois sur la perception du caractère aléatoire des événements et le degré de différenciation des appellations passées : nous transmettons des distinctions modernes comme chrétien et juif dans un anachronisme gravement déformant. Nous aimons également, de manière pathologique, catégoriser et sous-estimer la diversité passée.

La seconde leçon est que les différences religieuses, qui culminent dans les polarisations modernes, sont un phénomène relativement récent dans l'histoire. Il en va de même pour l'intolérance religieuse qui leur est associée. Ainsi, les ancêtres directs du peuple le plus intolérant sur terre – les partisans de l'EI – feraient rougir de honte l'Occident par leur tolérance. En Syrie-Palestine, nombreuses sont les familles et les tribus qui adhèrent à plusieurs religions. Certains clans oscillent entre maronites et chiites (Harfouche), d'autres entre druzes et maronites (Abillama), d'autres encore entre islam sunnite et christianisme (Chéhab). La clôture du délai de conversion semble avoir pris place à la fin du XIXe siècle. Même l'islam sunnite (supposé être le plus orthodoxe) était nettement différent, certaines branches soufies (dans des zones sous contrôle ottoman) n'étant pas au courant que la consommation d'alcool était interdite.

L’essor de la connectivité (dans l’ordre : journaux, radio, télévision, puis internet) a eu pour effet pervers de rendre les religions moins régionales et plus centralisées. Les maronites avaient, par exemple, l’habitude d’échanger de religion avec un voisin chiite en cas de réalisation d’un souhait – ou  neder. Cette pratique n'est plus en vigueur. Ma théorie est que de nombreuses religions sont restées cachées sous couvert soufi, chiite, alévi, alaouite et druze. Une telle diversité a désormais disparu.

On assiste, aujourd'hui, au Liban, à une plus grande polarisation autour de la religion. Les groupes sont répartis en fonction des clivages confessionnels, les principaux étant : les sunnites, les chiites, les druzes, les maronites, les grecs-orthodoxes, les monophysites ou syriaques-orthodoxes, les arméniens-orthodoxes (les deux derniers n'étant pas compatibles et en communion avec les précédents) et les juifs. Mais, comme démontré dans Doura-Europos, cela n'est pas intrinsèque à la religion : générer une certaine polarisation au moyen de croyances groupées n'est pas forcément l’apanage de la religion.

Mais si les Levantins étaient autrefois (plutôt et de temps en temps) sages lorsqu'il était question de religion, ils demeuraient tout de même polarisés, mais pour des sujets futiles. S'organiser en réseaux en adoptant des points de vue irrationnels et inexplicables est une caractéristique humaine puisqu'on a tendance à adhérer à un ensemble de croyances, considérées comme un seul bloc. Au moment d’écrire ces lignes, ceux qui votent pour Donald Trump croient aux vertus thérapeutiques de l'ivermectine, un vermifuge équin, tandis que ses adversaires préfèrent faire confiance aux vaccins. Tentons maintenant d'établir un lien valide, naturel entre les choix thérapeutiques et les convictions politiques. Lorsque Doura-Europos était une ville animée, où la religion ne jouait pas un rôle central, les Levantins ne suivaient pas les écrits à la lettre. Il y avait presque toujours de graves tensions sectaires. La distinction se faisait à une époque entre Bleus et Verts, des gens qui soutiennent différentes équipes dans les hippodromes, avec une certaine corrélation politique ou parfois théologique. Plus tard, après l'émergence de l'islam, une nouvelle rivalité oppose les Qaysi aux Yamani, sur la base d'une ascendance imaginée transcendant les groupes religieux : il y avait des groupes musulmans, druzes et même chrétiens dans les deux camps.

Une sorte d’Europe

Où avez-vous le plus de chance de trouver les personnes génétiquement les plus proches des habitants de la Grèce antique qui se sont emparés de l'imaginaire occidental et ont alimenté les théories de l'ascendance culturelle ? Eh bien, grâce à quelques découvertes faites par Pierre Zalloua et ses collègues (y compris votre humble serviteur), nous savons que ce n'est pas à Athènes ! Et encore moins dans les capitales de l'Europe.

L'Occident – à savoir l'Europe du Nord – a consacré beaucoup de temps à acquérir ses propres lettres de noblesse en s'associant aux Grecs. Cela suppose l'attribution de certaines qualités propres aux Hellènes – en présumant que l'absence de preuve est une preuve d'absence et le fait de ne pas disposer de textes sur un sujet avant les Grecs sous-entend que les Grecs en sont à l'origine. Cela aboutit au grand éveil racial de l'Europe émergeant du Moyen Âge avec l'élaboration de catégories indo-européennes par opposition à d'autres sémites, notamment des groupes linguistiques désormais associés aux races. Plus tard, un Allemand pouvait prétendre avoir joué, à travers ses ancêtres, un rôle actif dans la naissance de la civilisation occidentale.

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Notre découverte pourrait certes irriter, voire exaspérer certains néonazis au crâne tatoué s'entraînant au combat dans un camp clandestin à proximité de Baden Baden ou, mieux encore, un professeur de lettres dans une université allemande. Nous avons trouvé que les personnes qui se rapprochent le plus génétiquement des habitants de la Grèce antique sont celles originaires du Levant du Nord. Nous avons échantillonné trois groupes du Liban-Nord, près de la frontière syrienne : des musulmans de Denniyé, des maronites de la région de Zghorta/Ehden et des grecs-orthodoxes de Koura. Ils se sont révélés génétiquement plus proches des Grecs antiques qu'une personne choisie au hasard dans la Grèce continentale d'aujourd'hui. Serait-ce le résultat de transferts géniques avec des marins grecs et des armées byzantines ? Non, parce que nous pouvons déterminer le moment des mélanges : l'origine est très ancienne. Il se trouve que les habitants de la Grèce antique et les Levantins, notamment ceux du Nord, sont issus de la même population d'origine en Anatolie antique. La distinction indo-européen/sémite est simplement linguistique et non raciale, mais les scientifiques ont vécu deux siècles dans l'illusion qu'il s'agissait d'une fracture génétique infranchissable. Les langues évoluent plus vite que les gens. Comme je l'explique dans Skin in the Game, les gènes suivent la règle de la majorité, se dispersant lentement parmi les populations voisines, tandis que les langues (et les religions) suivent la règle de la minorité et peuvent se propager de manière non linéaire, comme une traînée de poudre. Si dix personnes dont la langue maternelle n'est pas l'anglais étaient en réunion d'entreprise avec une personne strictement anglophone, l'anglais serait la langue parlée, ce qui montre que la langue d'élite devient rapidement la norme. Souvent, comme en Turquie, au Maroc ou en Égypte, les peuples conquis changent rapidement de langue, se trompant sur une certaine origine nationale. Même Ernest Renan, qui était obsédé par la supériorité raciale de l'Occident, a défini le sémite comme un attribut simplement linguistique. Un moyen rapide qui permet de constater que les Phéniciens et les Grecs ont presque les mêmes origines : l'haplogroupe paternel dominant pour les deux est le J2a anatolien.

Le lien anatolien ne fait pas appel à la génétique. Toute personne avec une vision acceptable (ou un opticien compétent), ayant fait une virée en Méditerranée orientale, peut le voir. Si vous êtes incapable de faire la différence, sur le plan visuel, entre un Turc occidental, un Grec des îles et un Levantin du Nord, c'est parce qu'ils ont les mêmes aïeux. De plus, ce qu'on appelle « musique arabe » dans le Levant est en réalité un style anatolien commun à toute la zone, de la Crète aux contreforts des monts Zagros – les sonorités sont identiques bien que les paroles diffèrent. Il en va de même pour les danses : les dabkés libanaise et syro-palestinienne sont similaires à celles qu'on retrouve en Turquie (halay) et en Grèce (Καλαματιανός, Χασάπικο, et Συρτάκι). Le costume traditionnel porté dans les montagnes libanaises – en particulier les pantalons amples fuselés autour des chevilles – ressemble pour sa part au βράκα grec et au şalvar turc. Il puise peut-être son origine dans le shalwar persan. (Les pantalons, souvent perçus à tort comme occidentaux, sont en réalité originaires de Perse et d'Anatolie).

Ce mauvais grec de Syrie

Un autre fait susceptible d'irriter le camp « Occident versus Orient » : le Levant a été le plus grand contributeur direct à la « civilisation occidentale », à savoir le corpus gréco-romain de l'époque hellénistique, soit les dix siècles allant de l’arrivée d’Alexandre au IVe siècle avant J-C au VIIe siècle après J-C, avec l’invasion arabe. Tout comme j'écris aujourd'hui en anglais sans être un Européen du Nord et en aimant le beurre (et le porridge), les Levantins écrivaient en grec tout en étant diglossiques (grec et araméen), voire triglossiques (grec, araméen et dialecte cananéen local). Il y avait même une quadriglossie à Béryte (Beyrouth d'aujourd'hui), puisque l'école de droit proposait un enseignement en latin, ce qui horrifiait le puriste Libanius Antiochus (ironiquement, je me souviens avoir insulté quelqu'un en lui disant que nous parlions latin avant lui, puisque l'écrivain, Ammien Marcellin, était, comme son nom l'indique, originaire d'Ammia, aujourd'hui Amioun, le village de mes ancêtres et lieu de résidence). Plusieurs historiens ne font pas le lien et se concentrent plutôt sur le transfert de connaissances de l'Orient vers l'Occident au moyen du programme de traduction de la Maison de la sagesse des Abbassides. N’oublions pas que le Nouveau Testament a été écrit à Antioche dans ce que Nietzsche appelait le « mauvais grec de Syrie ».

Curieusement, le semeur de tensions raciales Charles Murray a écrit un livre proclamant la supériorité de la civilisation occidentale (et de la race « européenne ») en énumérant ses contributions, sans se rendre compte que la plupart des noms gréco-romains étaient levantins.


Nassim Nicholas Taleb, sur sa bicyclette. Photo : D.R

Ci-dessous quelques écrivains et érudits levantins d'expression grecque :

Voici, d'abord, six penseurs levantins, chefs de l'Académie de Platon (et l’Académie française se référant à ce modèle platonicien, ils sont donc à plus d’un titre les prédécesseurs d’Amin Maalouf ) : Diogène de Phénicie, Hermias de Phénicie, Syrianos, Marinos de Néapolis, Isidore de Gaza et Jamblique d'Apamée.

Ensuite, les savants et philosophes Lucien de Samosate, Posidonios d'Apamée, Numénius d'Apamée, Zénon de Kition (initiateur du stoïcisme), Zénon de Sidon, Philostrate, Philon de Byblos, Énée de Gaza, Libanius Antiochus, Zacharie le Scholastique, Boéthos de Sidon, Apollonius de Tyr, Procope de Gaza, Damascios, Apollodore de Damas, Domninos de Larissa, Timothée de Gaza, Nicomaque de Gérasa, Ammien Marcellin, Antipatros de Sidon, Antipatros de Tyr, Marcus Valerius Probus (Probus de Béryte), Vindonius Anatolius de Béryte, Dorothée de Sidon, Hermippe de Béryte, Sopatros d'Apamée, Procope de Césarée, Lucius Julius Gainius Fabius Agrippa d'Apamée, Antiochos d'Ascalon, Apollodore de Séleucie et Cassius Maximus Tyrius (Maxime de Tyr).


Ajoutons à la liste les juristes Papinien (Aemilius Papinianus) et Julius Paulus Prudentissimus et le (très) grand aphoriste Publilius Syrus.

Enfin, on compte les théologiens Jean Chrysostome, Jean de Damas, Ananie de Damas, Alcibiade d'Apamée, Alexandre d'Apamée, en plus d'un certain nombre de papes catholiques.

La région la plus stable du monde

Autre fait paradoxal : le Levant semble être aujourd’hui une région instable du monde, en proie à des guerres et à des conflits inextricables. Les gens ont tendance à oublier, qu'entre 1860 et 1948 (ou plus généralement 1967 et 1975 pour le Liban) le Levant était la région la plus stable du monde (malgré un épisode de famine rurale au début du XXe siècle). Il a attiré un grand nombre de ce que les Français appelaient les « Levantins » – des familles de marchands français et italiens en quête de stabilité qui s’étaient établis dans l’Empire ottoman. Certains se sont déplacés plus au sud après sa dissolution. Parmi ces chercheurs de fortune, on comptait des banquiers, des médecins, des dentistes, des professeurs de piano et même des spécialistes de la grammaire française. De plus, le Levant était la principale destination des Arméniens d’Anatolie après leur massacre en 1915. Il convient de rappeler qu'à cette époque, l’Europe était rongée par la guerre – des guerres franco-prussiennes à la Seconde Guerre mondiale, qui a complètement épargné le Levant. La région n'était pas dans la ligne de mire du département d’État américain, une institution qui fait des ravages lorsqu’elle essaie d’« améliorer les conditions » – généralement sans avoir été invitée à le faire – mais qui fait toujours fi de l'historique. J’espère que nous pourrons rétablir cette situation à un moment donné au cours de ce siècle.

Ce texte est la traduction de l’avant-propos (en anglais) d’un ouvrage à paraître de Pierre Zalloua sur le Levant.

Traduction : Yvonne Mourani.

Par Nassim Nicholas TALEB, essayiste, statisticien et professeur d’ingénierie du risque à l’Université de New York. Dernier ouvrage : « Skin in the Game : Hidden Asymmetries in Daily Life » (Random House, 2018).

D'aucuns considèrent le Levant comme la frontière de l'Orient et un portail d'entrée vers l'Occident. D'autres le décrivent comme la frontière de l'Occident et un portail d'entrée vers l'Orient. Les premiers sont généralement de confession musulmane, tandis que les seconds appartiennent à diverses dénominations chrétiennes du Levant. On pourrait penser que les deux descriptions sont...
commentaires (7)

Article éclairant. L’évolution des cultes et des coutumes dans les pays civilisés ont permis aux humains, hommes comme femmes de bénéficier des mêmes droits sauf dans certains pays qui en ont fait un fond de commerce. On ne parle plus de couvre-chef pour les femmes mais d’un accoutrement noir pour les faire disparaître du paysage. Et comme cela n’est pas suffisant, ils, les mâles, leur interdisent dorénavant de parler après leur avoir imposé l’interdiction au savoir et à la participation à la vie sociale au nom de lois archaïques. Celles là-mêmes qui sont la raison de leur présence sur terre

Sissi zayyat

12 h 36, le 31 août 2024

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Commentaires (7)

  • Article éclairant. L’évolution des cultes et des coutumes dans les pays civilisés ont permis aux humains, hommes comme femmes de bénéficier des mêmes droits sauf dans certains pays qui en ont fait un fond de commerce. On ne parle plus de couvre-chef pour les femmes mais d’un accoutrement noir pour les faire disparaître du paysage. Et comme cela n’est pas suffisant, ils, les mâles, leur interdisent dorénavant de parler après leur avoir imposé l’interdiction au savoir et à la participation à la vie sociale au nom de lois archaïques. Celles là-mêmes qui sont la raison de leur présence sur terre

    Sissi zayyat

    12 h 36, le 31 août 2024

  • Merci pour cette analyse…. C’est tes intéressant de noter l’historique relativement récent des divisions dans les sociétés à cause des religions. Probablement ca a évolué en étant un outil des politiques et politiciens qui divisent pour conquérir…

    Feriale du Liban

    09 h 49, le 27 août 2024

  • Un grand merci à l'OLJ de partager avec nous l'analyse, le vaste savoir, les reflexions et l'humour de Nassim N. Taleb dans cet avant-propos fort intéressant. Ce sont des gens comme lui qui font la richesse du Liban et heureusement qu'ils sont nombreux car il en faut pour contrebalancer l'aliénation et la chute libre de ce pays, que j'espère encore réversibles.

    Abichaker Toufic

    16 h 40, le 26 août 2024

  • À un moment où ces deux notions sont malheureusement trop souvent oubliées, merci pour l'équilibre, merci pour la mesure.Cet article est très instructif.

    AWADA Azzam

    15 h 23, le 26 août 2024

  • Articles extrêmement intéressant (quoique long), qui prouve que le racisme, confessionalisme, et fanatisme n'ont pas de place au sein de la société. Il serait aussi interessant de savoir quelle partie de notre genome partageons-nous avec les habitants de la peninsule arabique et de l'Afrique? et la relation entre ces derniers (que j'assume forte de par la proximite geographique)?

    Tehini Michel / JOSEPH TEHINI & FILS

    14 h 41, le 26 août 2024

  • Remettre les pendules à l'heure du levant est une excellente chose, merci pour cet article très instructif.

    Zeidan

    14 h 05, le 26 août 2024

  • Cherchez midi en « pleine lune » ! Du Rice Krispies SALE a l'américaine Merci

    aliosha

    12 h 51, le 26 août 2024

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