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Au fil de nos 100 ans - LOrientLeSiecle

« L’Orient-Le Jour », le sens caché des lettres de plomb

Deux maîtres de la conception graphique, Tala Safié du « New York Times » et Alexandre Medawar à qui « L’Orient-Le Jour » doit son aspect actuel, nous guident à travers l’évolution typographique d’un double titre à la croisée de l’histoire et de la modernité.

« L’Orient-Le Jour », le sens caché des lettres de plomb

Ghassan Tuéni fait visiter l’imprimerie de la Coopérative des journalistes à un ministre sénégalais. Archives an-Nahar

Quel rapport entre votre journal préféré et le hard-rock ? Ne donnez pas trop vite votre langue au chat. La police gothique du logo d’origine de L’Orient, dont il ne subsiste que le « O », renvoie de nos jours à une connotation de résistance et d’anticonformisme dans laquelle se retrouvent des groupes tels que AC/DC et autres Iron Maiden représentés par des variantes de la même typo. Sans toutefois vous assourdir d’orages de basses et de grosses caisses, nous vous invitons dans les coulisses de notre siècle d’évolution graphique.

Un sentiment d’autorité et de confiance

Le logo de L’Orient-Le Jour, créé en 1971 à la suite de la fusion de L’Orient et Le Jour, combine deux typographies : une gothique pour L’Orient et une autre, dérivée, pour Le Jour. La police gothique, utilisée dans des logos de publications telles que Le Figaro et le New York Times, évoque la robustesse, la tradition et la pérennité. Selon Tala Safié, graphiste du New York Times, cette typographie, utilisée par Gutenberg dès le XVe siècle, confère une visibilité et un impact forts, tout en transmettant un sentiment d’autorité et de confiance, essentiel pour un journal.

Charme rétro de la typographie du « Jour »

Tala Safié observe que la combinaison de la typographie gothique de L’Orient avec le « slab serif » du Jour, un empattement épais et carré, n’évoque pas directement la modernité. Le « slab serif », populaire au XIXe siècle, rappelle le charme rétro des anciennes affiches publicitaires. Le logo vise à équilibrer modernité et tradition culturelle, mais Safié suggère que la combinaison pourrait être améliorée, notamment en termes de ligne et d’espacement des lettres. Elle note que les deux typographies, bien que distinctes et audacieuses, se concurrencent visuellement.

Le gothique associé au régime nazi avant d’être interdit par Hitler

Sur la refonte typographique de L’Orient-Le Jour, « garder l’« O » en gothique maintient une touche agréable et un clin d’œil au contexte traditionnel et historique », estime la graphiste. « La différence entre la refonte typographique des titres du New York Times – également gothique – et celle de L’Orient-Le Jour, c’est que le NYT n’a jamais changé son logo, ni procédé à une refonte radicale de sa plaque, qui est son identité visuelle », détaille-t-elle, ajoutant que « pour le NYT, même nettoyé, le gothique fait encore référence à une histoire longue et distinguée ». « Je pense que c’est aussi le cas pour le logo de L’OLJ, sauf qu’ici le nettoyage a été plus extrême », relève Tala Safié.

« Ce qui est intéressant, c’est que le fraktur (version modernisée du gothique qu’un décret de 1934 interdisait aux éditeurs juifs, NDLR) est devenu moins populaire, à cause de son association avec le régime nazi qui s’y est dans un premier temps attaché comme à un symbole national, avant de s’en détourner, pour des raisons de lisibilité », précise l’éditrice multimédia du NYT, qui se définit comme « une graphiste et directrice artistique originaire de Beyrouth et basée à Brooklyn ».

Des lettres gothiques récupérées pour des questions d’économie ?

Auteur de la maquette et de la mise en page de L’Orient-Le Jour dans leur mouture actuelle, Alexandre Medawar rappelle lui aussi que, du caractère gothique, ou black letter, utilisé à l’origine dans le logo du quotidien L’Orient, il ne subsiste aujourd’hui que l’ « O ». « Utilisée depuis le début du titre en 1924, cette typo doit être remise dans son contexte de l’époque, à savoir l’entre-deux guerres et une certaine influence germanique, parce qu’elle n’était pas très utilisée dans les titres de la presse française, ce qui est intéressant », souligne-t-il. Quant au choix de cette police, dans le cas de L’Orient et avec ce contexte historique, « je ne pense pas que cela ait été lié à un positionnement politique, mais plutôt au fait que les imprimeurs avaient un choix restreint de typos à disposition », commente le graphiste. « Un jeu de lettres en plomb coûtait cher à l’époque. Il n’y avait donc pas vingt mille typos et la police gothique était utilisée pour des documents à caractère solennel. Ces lettres étaient peut-être même récupérées d’imprimeries européennes, pour des questions de coût », ajoute-t-il.

« Pour ma part, je me suis occupé deux fois de refondre la maquette. J’ai toujours considéré le logo dans son état d’origine comme ayant une bonne visibilité, donc je n’y ai pas fait de modifications autre que sur la largeur, pour le faire entrer dans la page. La dernière modification, c’est moi qui l’ai faite », rappelle Medawar. « Elle a été étroitisée pour une meilleure adaptation aux médias digitaux. Dans le titre, il reste toujours ce « O » qui a d’ailleurs été transformé en « 0 » pour les 100 ans de L’Orient-Le Jour. Très bonne idée, puisque c’est un peu la marque visuelle du journal », détaille-t-il.

Quel rapport entre votre journal préféré et le hard-rock ? Ne donnez pas trop vite votre langue au chat. La police gothique du logo d’origine de L’Orient, dont il ne subsiste que le « O », renvoie de nos jours à une connotation de résistance et d’anticonformisme dans laquelle se retrouvent des groupes tels que AC/DC et autres Iron Maiden représentés par des variantes de la même...
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