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Au fil de nos 100 ans - LOrientLeSiecle

« L’Orient-Le Jour », quelle histoire !...

Comment raconter l’histoire intérieure d’un journal qui, avant d’être L’Orient-Le Jour et d’avoir opéré une transformation qui lui a permis grâce au numérique d’élargir sensiblement l’assiette de son lectorat, quantitativement et qualitativement, fut L’Orient et Le Jour, deux titres beyrouthins appliqués pendant près de 40 ans à croiser le fer.

Et tout d’abord, est-ce que ça se raconte, des coulisses, lorsqu’on vient d’un pays oriental ? Ces dernières décennies, l’évolution des mentalités en Occident a conduit à placer le souci de transparence en tête des valeurs prisées de l’opinion publique. Ce n’est jusqu’ici pas le cas en Orient, où les tabous sociaux restent prédominants, notamment lorsqu’il s’agit de laver son linge sale en public.

Le débat sur la question est loin d’être tranché, mais entre l’implacable omerta morbide et l’autoflagellation permanente, il y a des voies médianes qu’on serait avisé d’emprunter. Non pas uniquement dans le but de rétablir des vérités ou de relater dans le détail telle ou telle mésaventure individuelle, mais aussi et surtout pour mieux comprendre les liens étroits entre l’histoire centenaire de notre journal et de ses deux ancêtres, d’une part, et celle du Liban, de l’autre.

Les éditorialistes de L’Orient et du Jour ont longtemps échangé plus que des critiques : de véritables invectives ! La férocité des attaques, servie par une maîtrise parfaite de la langue et de ses tournures sarcastiques, a de quoi surprendre le lecteur de 2024. Aujourd’hui, la veine pamphlétaire s’est tarie dans le monde et le froid des prétoires s’est substitué aux arènes brûlantes.

Toujours est-il que cette virulence, bien qu’exprimant de réelles différences – le libéralisme de Michel Chiha face à l’étatisme de Georges Naccache, les sympathies prosionistes du second, à une époque où le patriarche maronite Antoun Arida vantait les mérites de l’alliance des minorités chrétienne et juive, face à l’antisionisme du premier, l’ouverture arabe du Destour de Béchara el-Khoury, beau-frère de Chiha, face à la francophilie du Bloc national d’Émile Eddé et de son porte-voix, L’Orient… – ; cette virulence donc n’en cache pas moins des similitudes, des objectifs communs. Ces divergences et ces proximités traduisent, en somme, la dualité qu’a revêtue en permanence l’histoire des chrétiens de la région, et en particulier du Liban. Que faire pour continuer à exister politiquement : se fondre dans l’ensemble en essayant de le changer ou s’affirmer de manière franche face à cet ensemble qu’il est impossible de changer de l’extérieur ? Sachant qu’il existe aussi une voie médiane qui consiste à trouver des compromis avec l’ensemble dominant afin que sur un espace politique donné, il consente à nous « laisser en paix ».

Au final, ce qui illustre le mieux cette convergence est le chassé-croisé auquel se sont livrés les personnages qui ont fait L’Orient, Le Jour, puis L’Orient-Le Jour. Un peu comme les politiciens et les partis chrétiens, quoique de manière généralement moins intéressée, souvent moins artificielle et toujours moins violente : Naccache devient antisioniste après 1948, tandis que Chiha s’emploie au cours des dernières années de sa vie à combattre l’antisémitisme renaissant. Le Jour sera dans les années soixante le soutien du Helf, qui se forme autour des figures de Camille Chamoun, de Raymond Eddé et de Ghassan Tuéni, alors que le patron de L’Orient, acquis au chéhabisme, est appelé au gouvernement et que Pierre Eddé, fils cadet du fondateur du Bloc national, devient le principal actionnaire du Jour. Et encore, près de soixante ans plus tard, Michel Hélou, arrière-petit-fils de Michel Chiha (et petit-fils de Michel Eddé, PDG de L’OLJ entre 1990 et 2018) quitte ses fonctions de directeur exécutif de L’Orient-Le Jour pour devenir patron du… Bloc national.

Comment raconter l’histoire intérieure d’un journal qui, avant d’être L’Orient-Le Jour et d’avoir opéré une transformation qui lui a permis grâce au numérique d’élargir sensiblement l’assiette de son lectorat, quantitativement et qualitativement, fut L’Orient et Le Jour, deux titres beyrouthins appliqués pendant près de 40 ans à croiser le fer.Et tout d’abord, est-ce...
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