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Culture - Cinéma

Avec « Emilia Pérez », Jacques Audiard signe une comédie musicale au-delà des genres

Tourné en espagnol, mêlant avec élégance thriller sombre dans l’ultraviolente société mexicaine et scènes chorégraphiées au son du reggaeton, de la musique mexicaine et même d’un classique de la chanson française, ce film inclassable a remporté le prix du jury au dernier Festival de Cannes.

Avec « Emilia Pérez », Jacques Audiard signe une comédie musicale au-delà des genres

Selena Gomez dans « Emilia Pérez » de Jacques Audiard. Photo DR

Jacques Audiard casse tous les genres pour la rentrée du 7e art, avec la sortie en France, mercredi 21 août, du très attendu Emilia Pérez, sa comédie musicale sur le repentir d’un baron de la drogue mexicain qui change de vie et devient une femme.

À 72 ans, Jacques Audiard choisit un registre, la comédie musicale, qui a de nouveau le vent en poupe, avant les sorties également très attendues de L’amour ouf de Gilles Lellouche et de Joker : folie à deux en octobre. Mais son Emilia Pérez, qu’Audiard lui-même qualifie de « film transgenre », ne ressemble à rien d’autre.

Tourné en espagnol, mêlant avec élégance thriller sombre dans l’ultraviolente société mexicaine et scènes chorégraphiées au son du reggaeton, de la musique mexicaine et même d’un classique de la chanson française, ce film inclassable a remporté le prix du jury au dernier Festival de Cannes.

Il a aussi valu un prix d’interprétation collectif historique à ses actrices, dont les stars américaines Zoë Saldaña et Selena Gomez, ainsi que l’actrice principale transgenre Karla Sofía Gascón. Première femme transgenre à recevoir ce prix à Cannes, elle l’a dédié à « toutes les personnes trans qui souffrent ».

Cartel de la drogue 

Au début du film, elle est Manitas, le richissime chef d’un puissant cartel de la drogue mexicain. Il veut changer radicalement de vie : quitter le milieu criminel et devenir une femme, son aspiration profonde. Même si cela signifie disparaître aux yeux de son épouse et de ses enfants.

Un rôle en or pour l’actrice espagnole de 52 ans venue des telenovelas. Karla Sofía Gascón a changé de genre à 46 ans, avec déjà une carrière établie, une épouse et un enfant. Pour ce film, elle a tenu à incarner à la fois Manitas et Emilia, avant et après la transition.

Pour exécuter son plan, le baron de la drogue fait enlever une avocate, Rita, abonnée à la défense des petits truands et autres maris violents, des dossiers qui « lui laissent un goût de merde dans la bouche ». Elle devra l’aider à mener à bien son projet, de Bangkok à Tel-Aviv, et deviendra sa plus proche collaboratrice. Rita est jouée par Zoë Saldaña, reine des blockbusters comme Avatar, Les gardiens de la galaxie ou Avengers.

Un plus petit rôle est confié à une star de la pop et idole des réseaux sociaux, Selena Gomez, qui joue Jessica, la femme de Manitas. Elle compte pas moins de 427 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux et a déjà une vingtaine de rôles au cinéma à son actif.


L’actrice Karla Sofía Gascón, le cinéaste Jacques Audiard, les actrices Zoë Saldaña et Selena Gomez pendant le rituel du « photo call » au Palais des festivals. Valéry Hache/AFP

 « Changer les âmes » 

Comme si un défi ne suffisait pas, Jacques Audiard a aussi voulu mettre la musique au centre de ce film, qui parle d’émancipation, de pauvreté et de violence des rapports sociaux, dans la tradition de grands classiques de la comédie musicale comme West Side Story.

Une collaboration avec Tom Waits a un temps été évoquée, avant le Canadien Gonzales. Audiard finira par choisir Camille, ovni de la chanson française, qui avait rencontré le succès au début des années 2000 avec son album Le fil.

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Résultat : des chorégraphies clipesques et des chansons qui parlent de « changer les corps pour changer les âmes et la société », des « hommes, des femmes et de tous ceux entre les deux ». Les décors et les costumes sont impeccables dans ce film financé entre autres par Saint Laurent Productions.

Emilia Pérez pose un nouveau jalon dans la filmographie très éclectique d’Audiard, qui va du film de prison (Un prophète) au mélodrame (De rouille et d’os), en passant par le western tourné avec des stars hollywoodiennes (Les frères Sisters) ou l’inclassable Dheepan, avec un casting sri-lankais inconnu du public. Ce dernier lui vaudra la Palme d’or.

En prise avec leur époque, ses films offrent une place de plus en plus importante aux personnages féminins, comme dans Les Olympiades, chronique de la jeunesse parisienne présentée il y a trois ans à Cannes. Et dans cet Emilia Pérez, évidemment.


 François BECKER/AFP


Les secrets de fabrication du film le plus fou de la rentrée 

Le Mexique en banlieue parisienne, une comédie musicale en espagnol dirigée par un réalisateur qui ne parle pas la langue, une actrice transgenre... Le réalisateur Jacques Audiard, la chanteuse Camille et l’actrice Karla Sofía Gascón livrent les secrets du film Emilia Pérez.
Mexico-sur-Seine
Le film raconte l’histoire d’un baron de la drogue mexicain qui devient une femme et change de vie en tournant le dos à la violence des cartels. Il a pourtant été tourné à 9 000 kilomètres de là, dans des studios de Bry-sur-Marne (Val-de-Marne). L’occasion pour deux stars américaines, Zoë Saldaña et Selena Gomez, de découvrir ce coin de banlieue parisienne.
« Ça aurait été un défi de tourner au Mexique. J’y ai fait beaucoup de repérages, mais c’était trop de contraintes », a expliqué le réalisateur. Finalement, le studio « m’a permis de faire les images que je voulais sans être contaminé par la réalité ». Seules une scène en intérieur et une procession dans un village ont été tournées au Mexique.                                                                                                                                 « Cinglé de ma langue ! »

« Je ne parle presque aucune langue autre que le français, et encore ! » plaisante Jacques Audiard, qui a tourné en espagnol, avec tout un travail de traduction des chansons écrites avec la chanteuse française Camille.

Ne pas connaître la langue « vous met dans un rapport très intéressant », souligne le réalisateur, qui a déjà tourné en tamoul (Dheepan, Palme d’or 2015) et en anglais (Les frères Sisters, 2018). « Comme je suis complètement cinglé de ma langue, si je suis en français, je vais m’attacher à tous les détails. Là, tout un champ poétique s’ouvre à moi », poursuit-il.

« Les musiques des peuples viennent de leur langue. Plonger dans une langue, c’est plonger dans une musique », ajoute Camille. « J’avais fait espagnol à l’école, et (avec) cette opportunité de chanter, d’écrire en espagnol, moi qui chante en français, en anglais, j’étais trop contente, ajoute-t-elle. J’adore les langues (...) Si on me demande un film en chinois, j’ai hâte ! »

« Laisse-moi tranquille ! »

L’actrice espagnole Karla Sofía Gascón, qui a entamé sa transition de genre à 46 ans, est la révélation du film, dont elle tient le rôle principal, celui d’Emilia Pérez et de celui qu’elle était auparavant, un narcotrafiquant appelé Manitas.

« Je ne vais pas mentir, confie-t-elle. Pour moi, jouer le rôle de Manitas était bien plus amusant que celui d’Emilia Pérez. Incarner un trafiquant de drogue mexicain, avec une voix différente de la mienne, et chanter. Audiard ne voulait pas, au départ, que je joue le personnage masculin. J’ai dû le convaincre en lui envoyant des vidéos et des photos pendant des mois, jusqu’à ce qu’un matin, il m’appelle et me dise : « Les deux personnages sont à toi, laisse-moi tranquille. » »

Faux, sourit Jacques Audiard : « Elle exagère un tout petit peu. C’était très facile de me convaincre ! »

Jacques Audiard casse tous les genres pour la rentrée du 7e art, avec la sortie en France, mercredi 21 août, du très attendu Emilia Pérez, sa comédie musicale sur le repentir d’un baron de la drogue mexicain qui change de vie et devient une femme.À 72 ans, Jacques Audiard choisit un registre, la comédie musicale, qui a de nouveau le vent en poupe, avant les sorties également très...
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