Rechercher
Rechercher

Culture - Danse

« Kayan », comme un hommage aux victimes du 4-Août

Premier projet chorégraphique de Christel Salem, il est né suite à la double explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020.

« Kayan », comme un hommage aux victimes du 4-Août

Christel Salem durant son spectacle « Kayan », Métro al-Madina. Photo Métro al-Madina

Dans la salle aux lumières tamisées du Métro al-Madina, spritz et martinis à la main, il est 21h, le public discute en attendant le début du spectacle. Un décor minimaliste : une simple plateforme inclinée au milieu de la scène. Les lumières s’éteignent, le silence règne. Un projecteur nous dévoile une femme, vêtue de noir. Immobile, debout, pieds nus sur la plateforme, ses yeux fixent un point invisible. Comme bande-son : des klaxons lointains, ceux de Beyrouth sûrement. Peu à peu, son corps se recroqueville, son mouvement est presque imperceptible tant elle paraît figée, seul le temps nous montre la lente contraction de ses muscles. Le bassiste fait enfin vibrer ses cordes, la danseuse n’est plus qu’un corps dont la musique réveille les sens. La trajectoire de ses mouvements est précise, ses gestes répétitifs sont guidés par le frottement de l’archet, le son des cordes se mêle harmonieusement à son souffle.

Christel Salem et le contrebassiste Khachatur Savzyan dans le spectacle « Kayan ». Photo DR

Kayan est le premier projet de Christel Salem, il est né suite à la double explosion au port de Beyrouth, le 4 août 2020. À ce moment, l’artiste se trouve à Berlin, et regrette de ne pas être sur place pour soutenir ses proches. Par la suite, elle revient s’installer à Beyrouth, afin de « créer au Liban et pour le Liban ». Elle imagine et élabore cette chorégraphie et sa mise en scène au décor « minimaliste mais radical » comme un hommage aux victimes du 4 août, une prière à ceux qui ont disparu. Sa première représentation à lieu au théâtre Zoukak, avec lequel le projet a été développé dans le cadre de son programme de mentorat en 2022. Cette performance de danse solo, accompagnée par le contrebassiste Khachatur Savzyan, retrace les étapes du traumatisme en mêlant deuil et refoulement, désespoir et résistance. L’instabilité politique que vit le Liban engendre une accumulation d’événements dont le corps s’imprègne, c’est aussi ce qu’a voulu rendre compte Christel dans sa performance. « J'ai découvert que le corps avait une mémoire », affirme la danseuse. Sa chorégraphie plonge le spectateur dans la course effrénée du corps vers la résilience, tout en l’alarmant sur sa fragilité. Pour elle, le mouvement se révèle être le moteur du potentiel expressif du corps.

Intéressée par les sociétés et leur organisation, Christel Salem entreprend d’abord des études de droit. Dans les années 2000, elle appartient au mouvement estudiantin indépendant opposé à l’occupation syrienne. Activiste politique, elle participe à des manifestations et à la création du journal de sa faculté. C’est en 2012, durant une année sabbatique, qu’elle découvre sa passion pour la danse contemporaine lors d’un cours encadré par le chorégraphe libanais Ali Charhour. « Il y a tout de suite eu une forte connexion avec cette forme d’art », confie-t-elle. Par la suite, elle participe à plusieurs performances et ateliers de danse entre Beyrouth et Berlin. Mais c’est lors d’un atelier avec Ali el-Darsa, à l’association Askhal Alwan, que Christel a une révélation : elle doit mettre son corps à l’épreuve, l’exposer à des situations extrêmes lorsqu’elle performe. Car, mise à nu, c’est sur scène que l’artiste se sent le plus présente, le plus connectée à sa fragilité.

Happée par le mouvement, elle cherche finalement à questionner l’impact de l’environnement sociopolitique sur l’individu à travers la danse et toute autre forme d’expression artistique qui engage le corps.

Dans la salle aux lumières tamisées du Métro al-Madina, spritz et martinis à la main, il est 21h, le public discute en attendant le début du spectacle. Un décor minimaliste : une simple plateforme inclinée au milieu de la scène. Les lumières s’éteignent, le silence règne. Un projecteur nous dévoile une femme, vêtue de noir. Immobile, debout, pieds nus sur la plateforme, ses yeux...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut