La construction d’une église gigantesque suscite la polémique à Zahlé

Coiffée d’un dôme doré en forme de bulbe que chapeaute une croix tutoyant le ciel, une église gigantesque en phase finale de construction suscite depuis quelques jours la polémique sur la plateforme X. Postée par un internaute sous le pseudonyme al-Moughtareb (l’émigré), la photo du somptueux bâtiment, de pur style russe orthodoxe, est accompagnée d’une légende critique, dans laquelle ce lieu de culte est décrit comme « le plus beau et le plus dispendieux » pour « le peuple le plus pauvre qui ne peut pas payer ses factures et frais de scolarité ». L’image est commentée par des internautes, dont certains sont mécontents, alors que d’autres ne désapprouvent pas le projet.

« Lorsque nous leur demandons de l’aide pour payer les frais de scolarité, ils disent qu’ils n’ont pas assez d’argent », relève Émile, un utilisateur du réseau. « Le prix de la construction de l’église aurait permis à 100 étudiants de se spécialiser dans les meilleures universités », s’indigne un autre, sous le nom de Bassam. « Les églises et les mosquées s’étendent sur le territoire libanais, alors que le pays compte peu de fidèles et beaucoup de pauvres », observe un troisième, tandis qu’un internaute, alias Dodo, se déclare « triste » face à un tel gâchis. « Il ne reste plus qu’à aller jeter de l’argent dans la corbeille », se dit-il, tandis qu’Élie ironise : « Les orthodoxes sont à l’aise. »

À l’opposé, un internaute qui se fait appeler Vitriol réclame « la construction de plus d’églises encore ». Dans son sillage, Ayman souhaite que « la situation du peuple libanais puisse changer en mieux avec cette église bénite ». Pour Lilly, « l’existence d’églises fait partie de notre existence et de notre survie (…). Ce n’est pas à chaque fois que l’une d’elles est construite qu’il faut parler du pauvre peuple ». « En quoi vous dérange une église orthodoxe à Zahlé ? » interroge pour sa part Noha.

Symbole de résilience

Contacté par L’Orient-Le Jour, Élias Stéphan, député grec-orthodoxe de Zahlé, confirme que le lieu de culte se situe dans cette grande ville de la Békaa. « L’église est située à Dhour el-Alb, sur les collines proches de la statue de Notre-Dame de Zahlé », indique-t-il, précisant qu’elle est construite par Mgr Niphon Saïkali, originaire de la ville et représentant du patriarcat d’Antioche à Moscou.

Joint sur son portable, Mgr Saïkali, qui réside depuis 46 ans dans la capitale russe, affirme qu’en prenant l’initiative d’ériger l’église, qu’il a baptisée Notre-Dame de la Joie, il a voulu « semer la joie dans le cœur des Zahliotes et des Libanais en général ». « J’ai été aidé en cela par Mgr Yazigi, ainsi que par le patriarche maronite Béchara Raï et le patriarche Cyrille de Moscou », souligne-t-il. « Les travaux ont commencé il y a cinq ans et vont s’achever très bientôt », poursuit le prélat, révélant que l’inauguration aura lieu en septembre prochain. « Le sous-sol de l’édifice abritera un musée d’icônes », dit-il, affirmant posséder une collection de 130 peintures religieuses qui lui ont été offertes par des fidèles tout au long de son parcours liturgique. « J’ai obtenu l’autorisation du ministre russe de la Culture pour les faire sortir de Russie », précise-t-il.

Interrogé pour savoir s’il n’aurait pas été préférable d’utiliser l’argent ayant servi au projet pour soulager la pauvreté, le dignitaire juge que cette mission « est du ressort de certaines institutions ». « Je ne suis pas responsable des nécessiteux », ajoute-t-il, laissant toutefois entendre qu’il les aide discrètement.

« Mgr Niphon Saïkali ne lésine pas à soutenir les pauvres », confirme le député Élias Stéphan, estimant par ailleurs que la construction de l’église sur les hauteurs de Zahlé est « une bénédiction ». « Il est bienvenu de bâtir des lieux à caractère sacré et touristique », ajoute le député, jugeant important de ne pas toujours montrer « la mauvaise face du pays ». « En diffusant une belle image du Liban, une telle initiative symbolise la résilience des Libanais », assure-t-il.

Gigantic church construction in Zahle sparks controversy