Critiques littéraires Bande dessinée

Les affres du Burundi et du Rwanda à la lumière des enfants

Les affres du Burundi et du Rwanda à la lumière des enfants

Au début des années 2010, le journal de bande dessinée pour la jeunesse Spirou accueille une nouvelle héroïne : Marzi. Fait rare pour ce journal, Marzi est une bande dessinée « du réel », puisqu’elle raconte, par succession de petits épisodes, la jeunesse de la scénariste Marzena Sowa en Pologne sous l’ère soviétique, au début des années 80. Au dessin, Sylvain Savoia, qu’on connaissait jusque-là pour des récits d’aventure ou de science-fiction aux mises en scène beaucoup plus cinématographiques tels que la série Nomad ou Al’Togo scénarisées par Jean-David Morvan.

L’un comme l’autre ont poursuivi ensuite dans la voie des histoires directement inspirées du réel : pour Savoia, ce sera, à titre d’exemple, l’album Les Esclaves oubliés de Tromelin, histoire vraie de la survie, quinze années durant, d’un groupe d’esclaves sur une île après le naufrage du navire qui les transportait. Il est également aux commandes graphiques de la collection de petits albums de BD documentaires, sans cesse enrichie, Le Fil de l’Histoire avec Ariane et Nino, dont chaque épisode traite d’une thématique liée au passé. Sowa quant à elle continue son parcours de scénariste et son exploration de la Pologne de l’ère soviétique avec des albums tels que L’Insurrection ou N’embrassez pas qui vous voulez.

Or voilà que les éditions Dupuis pensent à associer le duo à l’auteur-compositeur et écrivain Gaël Faye avec dans l’idée d’adapter son Petit Pays. Ce premier roman du chanteur, paru en 2016, revient sur les effets qu’auront la guerre civile au Burundi et le génocide des tutsis au Rwanda sur un groupe d’enfants dont fait partie le petit Gabriel, depuis devenu adulte et installé en France et qui fait figure de narrateur. Il s’agit d’une fiction, mais elle est directement inspirée de sa propre histoire et nourrie par une langue savoureuse, toute en nuances et en rythme, forgée par sa pratique de l’écriture musicale. L’accueil fut plus que chaleureux : prix Goncourt des lycéens, sélections au Femina, au Renaudot ou au Médicis et d’autres.

L’association avec Sowa et Savoia pour cette adaptation en BD fonctionne à merveille. Sowa, rompue à l’exercice de synthétiser des scènes en quelques pages sans rien perdre de leur densité, arrive à surmonter la difficulté de condenser un roman en bande dessinée. Savoia met à profit un dessin maîtrisé, documenté, dynamique et généreux. Son travail sur le jeu des acteurs est à la hauteur des sentiments parfois extrêmes par lesquels les personnages passent. On le sent particulièrement à son aise dans le dessin des pages mettant en scène des groupes d’enfants.

On retrouve la saveur du parler de Gaël Faye, sa manière de dire les choses en mêlant force et retenue dans un exercice d’équilibriste. Des mots sans détours, mais pas crus pour autant, car toujours inspirés.

Pas de pathos mais de la belle sincérité, qui laisse s’immiscer, jusque dans les moments les plus graves, la lumière que portent les enfants.

Petit Pays de Gaël Faye, Sylvain Savoia et Marzena Sowa, Dupuis, 2024, 128 p.

Au début des années 2010, le journal de bande dessinée pour la jeunesse Spirou accueille une nouvelle héroïne : Marzi. Fait rare pour ce journal, Marzi est une bande dessinée « du réel », puisqu’elle raconte, par succession de petits épisodes, la jeunesse de la scénariste Marzena Sowa en Pologne sous l’ère soviétique, au début des années 80. Au dessin, Sylvain Savoia, qu’on connaissait jusque-là pour des récits d’aventure ou de science-fiction aux mises en scène beaucoup plus cinématographiques tels que la série Nomad ou Al’Togo scénarisées par Jean-David Morvan.L’un comme l’autre ont poursuivi ensuite dans la voie des histoires directement inspirées du réel : pour Savoia, ce sera, à titre d’exemple, l’album Les Esclaves oubliés de Tromelin, histoire vraie de la survie, quinze années...
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