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Lifestyle - Vient de paraître

« De miel et de lait » de Noha Baz : Une poésie culinaire au service du partage

Le titre de son récent ouvrage, « De miel et de lait », s’inspire du nom même du pays – « doux blanc lacté » – pour décrire nos sommets enneigés… ou nos maamouls saupoudrés !

«  De miel et de lait » de Noha Baz : Une poésie culinaire au service du partage

Noha Baz, des recettes, de la douceur et de la générosité. Photo DR

« La mémoire du ventre est la dernière à disparaître », confie d’emblée Noha Baz. « L’estomac ne trahit pas le patient d’Alzheimer… » ajoute l’auteure, qui a su réunir dans sa vie chargée ses deux passions, la gastronomie et la médecine, et cherche toujours à rappeler, à travers ses ouvrages, l’importance de l’héritage culinaire qui est un « vecteur de civilisation ».

Médecin de formation, puis gastronome, Noha Baz consacre sa spécialité médicale, la pédiatrie, au service des enfants et fonde Les Petits Soleils au Liban, une association destinée à prendre en charge les services médicaux d’enfants de familles dans le besoin. Pourquoi la gastronomie ? « Parce que cuisiner est avant tout un phénomène chimique de brassage physique qui agit sur le biologique », confie-t-elle à L’Orient-Le Jour. Mais il ne suffit pas de dire qu’elle est pédiatre et gastronome généreuse, Noha Baz est entièrement dans le don. Cela se fait rapidement sentir dès que l’on feuillette son ouvrage – son dixième. Pourquoi la connaître ? Pour redécouvrir le Liban. Pour rappeler aux lecteurs ce qu’ils ont peut-être oublié ou, pour les autres, leur apprendre ce qu’ils n’ont jamais connu sur la gastronomie levantine libanaise.

La halaweh, une douceur bien de chez nous. Photo MIlad Ayoub tirée du livre "De miel et de lait"

Des saveurs et de la poésie

Bien qu’il repose essentiellement sur les recettes de douceurs traditionnelles, De miel et de lait, une histoire douce du Liban souhaite s’éloigner des ouvrages culinaires classiques. Conçu graphiquement par Jessie Raphaël Bali, le livre, en bleu Méditerranée, s’ouvre sur un goût de vivre poétique qu’exprime Noha Baz avec des mots qui rappellent l’accueil de la terre et la douceur du soleil de ces rives. Les amuse-bouche en forme de citation se suivent, puis vient l’apéritif, la préface de Farouk Mardam-Bey, pour qui cet ouvrage n’est pas seulement destiné aux gourmands. Selon l’écrivain et éditeur, l’ouvrage s’adresse aussi aux sociologues, linguistes, historiens… En somme, toute personne qui s’intéresse aux structures anthropologiques du Liban. Bien que gastronomique, cet ouvrage est également historique et géographique, avec une visée encyclopédique ; il réunit, suivant cinq régions du pays (Beyrouth, le Nord, le Sud, le Mont-Liban et la Békaa), des recettes détaillées – pourtant simples ! – des douceurs du Liban, avec leurs histoires et leurs étymologies. Puis l’aventure culinaire commence, guidée par l’auteure qui prend le rôle de la grand-mère ou de la fée marraine et transmet précieusement des recettes et des histoires aux générations anciennes et plus jeunes.

Pour mémoire

Mots à moudre et goûts des autres

Enfin vient le dessert, qui consiste en une série infinie de douceurs : certaines sont très familières comme les karabiges ou le riz au lait ; d’autres moins connues car très locales, comme la smiddiyé de Zghorta qui a l’apparence de la crème brûlée mais le goût du mélange lait-semoule imbibé de sirop de sucre parfumé d’eau de fleur d’oranger ; ou encore l’azha de Saïda, qui ressemble (seulement par la forme !) à un brownie, mais offre plutôt le goût de la nigelle et du sésame.

Chaque recette est accompagnée de son mode d’emploi, mais aussi de sa petite histoire et d’une photo à vous mettre l’eau à la bouche ; le talent du photographe Milad Ayoub y est certainement pour beaucoup. Et bien que l’ouvrage soit rédigé en français, chaque recette est chapeautée de son nom écrit en lettres arabes. L’équivalent français est parfois présent à travers une traduction poétique, comme le « petit soleil crème ashta » pour désigner la chmayssé du Nord, en guise de clin d’œil à l’association à laquelle les profits de l’ouvrage sont reversés. Mais pour la plupart des recettes, on relève un refus catégorique de traduction : kaak demeure kaak, sans artifice ni prétention, parce que l’hommage ici est aux traditions.

Le mechtah libanais. Photo MIlad Ayoub tirée du livre "De miel et de lait"

Douceurs du Liban

La ronde dans l’univers des douceurs ne s’arrête pas et emmène le lecteur au fil des chapitres découvrir les douceurs d’Arménie, les fromages et laitages, le pain, le sirop, la mélasse ou les confitures de coing, ou même…d’olives !

Dans cet ouvrage de 300 pages, qui rappelle les recettes de grand-mère, Noha Baz offre un conte sur le Liban ; par là même, elle devient un Maroun Abboud culinaire. Elle rejoint aussi un autre Maroun (Baghdadi), qui a intitulé son film Liban, terre de miel et d’encens. Il n’est pas futile qu’on continue à associer notre terre au miel. Le symbolisme nous apprend même que le miel a toujours été attribué à la terre de Canaan. Doux et riche, il est allié au lait, fécondateur quand il est masculin et nourrissant quand il devient féminin. Le titre choisi par Noha Baz est finalement une véritable compréhension de l’héritage du pays du Cèdre.

Quant à cet opus déjà disponible dans les librairies, il est là pour rappeler l’importance de transmettre les traditions : « Quand le pays est malade, l’héritage culinaire le fait revivre », souligne Noha Baz, toujours éblouie par ce pays qui continue à donner malgré tout. « Là où les politiciens nourrissent les têtes de haine et considèrent la différence comme motif de séparation », la pédiatre veut au final « nourrir les Libanais d’une bonne table riche et diverse, car ce qui enrichit, remédie, même réunit, c’est bien cette différence » !

Une rencontre autour de « De miel et de lait, une histoire douce du Liban » aura lieu à l’Institut des cultures arabes et méditerranéennes–ICAM, L’Olivier, le vendredi 24 mai à 18h30, rue de Fribourg 5, 1201 Genève. La rencontre sera animée par la journaliste Luisa Ballin.

« La mémoire du ventre est la dernière à disparaître », confie d’emblée Noha Baz. « L’estomac ne trahit pas le patient d’Alzheimer… » ajoute l’auteure, qui a su réunir dans sa vie chargée ses deux passions, la gastronomie et la médecine, et cherche toujours à rappeler, à travers ses ouvrages, l’importance de l’héritage culinaire qui est un « vecteur de civilisation...
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