Critiques littéraires Bande dessinée

Que la montagne zapatiste grandisse de par le monde

Que la montagne zapatiste grandisse de par le monde

Contrôlant une partie du Chiapas mexicain, le mouvement zapatiste est devenu un symbole des luttes pour la protection des populations indigènes, des minorités, et de la remise en cause des modes de vie liés au capitalisme. Après s’être soulevé dans les années 90, le mouvement abandonne depuis, la lutte armée. Aujourd’hui, les zapatistes vivent dans des communautés qui aspirent à une totale autonomie, organisant leur vie collective (l’éducation, la justice, l’économie…) en petits espaces, souvent à l’échelle d’un village, ou à travers des réseaux de villages. Cela pour s’affranchir au mieux d’un système globalisé qu’ils combattent.

Si leurs actions, notamment dans les années de soulèvement, ont été propulsées sur le devant de la scène médiatique, leur existence auto-gérée est plus discrète depuis. Or, voici qu’en 2020, les zapatistes publient un communiqué annonçant leur intention de rencontrer d’autres communautés en lutte de par le monde : l’idée est d’envoyer dans un premier temps une première délégation dans des pays d’Europe. Les zapatistes souhaitent partager leur expérience d’un combat de longue haleine qui traverse les siècles. Mais aussi écouter, en Europe, les voix des formes nouvelles de luttes sociales confrontées aux réalités d’autres lieux. Ils prennent la route avec l’intuition d’un réel cousinage entre leurs idéaux respectifs.

Une première délégation, réduite, arrive en bateau. Elle sera suivie d’une plus grande, quelques mois plus tard, accueillie tour à tour par divers foyers de lutte à travers l’Europe de manière aussi improvisée qu’enthousiaste.

Lisa Lugrin est autrice de bande dessinée. On la connaît pour divers albums, parfois en collaboration avec Clément Xavier, souvent marqués par une forte portée sociale, tels que Jujitsuffragettes (2020) ou Geronimo (2006). En 2021, voilà qu’elle participe à l’accueil des délégations zapatistes en France. Avec la participation et de l’autrice Metie Navajo et de l’historien Jérôme Baschet, elle entreprend dans Terres rebelles de raconter l’histoire de ce périple, et, à travers lui, plus largement, la manière dont le combat zapatiste résonne avec toutes sortes d’autres luttes en Europe.

Car l’album est avant tout une ode au regroupement des combats, à cette idée qu’ils convergent vers un idéal commun et cohérent. Pour dépasser la démarche du simple reportage et donner à son récit le souffle des espoirs qu’il porte, Lisa Lugrin n’hésite pas à explorer un registre poétique et imagé. L’arrivée des zapatistes en Europe ? Ce sera une montagne qui pousse et grandit au fil de son voyage. Elle réussit à enchanter un récit par ailleurs fortement documenté.

Le dessin de Lisa Lugrin fait le même tour de passe-passe : synthétique pour permettre une narration ample, il n’abandonne pourtant pas une certaine audace stylistique dans un jeu sans cesse renouvelé entre le trait noir et des aplats de bleu, rose et turquoise qui donnent à ses pages des allures de festival coloré.

Un album sincère, riche en informations et porté par un souffle de poésie.

Terres rebelles de Lisa Lugrin, Metie Navajo et Jérôme Baschet, Futuropolis, 2024, 208 p.

Contrôlant une partie du Chiapas mexicain, le mouvement zapatiste est devenu un symbole des luttes pour la protection des populations indigènes, des minorités, et de la remise en cause des modes de vie liés au capitalisme. Après s’être soulevé dans les années 90, le mouvement abandonne depuis, la lutte armée. Aujourd’hui, les zapatistes vivent dans des communautés qui aspirent à...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut