Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Conflit

En Cisjordanie occupée, des Israéliens s'interposent entre colons et bergers palestiniens

Le bureau des Affaires humanitaires de l'ONU a recensé 1.096 attaques de colons entre le 7 octobre et le 31 mars, soit six incidents par jour en moyenne, contre trois avant le 7 octobre et deux en 2022. 

Des bergers palestiniens s'occupent de leur troupeau près de Maghaier al-Abeed, au sud de Yatta, près d'Hébron, en Cisjordanie occupée, le 25 avril 2024. Photo HAZEM BADER / AFP

Sur son tee-shirt, Eyal Shani, militant israélien de 56 ans ,a accroché une petite caméra: elle lui sert à filmer les violences commises par des colons israéliens sur des bergers palestiniens dans la région de Massafer Yatta, au sud de Hébron, en Cisjordanie occupée.

« Nous sommes le dernier rempart » entre les Palestiniens de cette région désertique, la plupart bergers, et les colons israéliens qui multiplient les attaques violentes, explique M. Shani. « Si nous ne sommes pas là, les colons ont tout pouvoir, ils ne voient pas les Palestiniens comme des êtres humains », dénonce ce militant de longue date contre l'occupation israélienne de la Cisjordanie.

Eyal Shani rend visite plusieurs fois par semaine aux communautés de Massafer Yatta, désert vallonné et rocailleux où des bergers font paître leurs chèvres. Shihada Salameh Makhamreh est l'un d'eux. Il vit avec sa femme, ses dix enfants, deux-belles filles et sa mère, dans un hameau creusé dans la roche. Si sa maison troglodyte les abritent de la chaleur, elle ne les protège plus de colons installés non loin.

Lire aussi

A Rafah, les habitants luttent contre la chaleur et les insectes

A la mi-janvier, des colons, pour la plupart très jeunes, ont attaqué en pleine nuit, tirant de son sommeil sa mère âgée et la passant à tabac, raconte ce berger de 60 ans. Depuis, lui et sa famille vivent dans la peur et l'incompréhension d'avoir été agressé sur cette « terre désertique »: « nous sommes des gens paisibles (...), nous ne faisons pas de politique ».

Une « goutte d'eau » 

Car la présence de quelques militants israéliens ne suffit plus ; ces derniers le disent, ils ne sont pas assez nombreux face à des colons « bien plus forts », soutenus par certains ministres de l'actuel gouvernement, le plus à droite de l'histoire d'Israël, souligne Ehud Krinis, autre militant anticolonisation. Deux ministres de premier plan, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, vivent eux-même, comme quelque 490.000 Israéliens, dans des colonies juives de Cisjordanie, illégales au regard du droit international, au milieu de trois millions de Palestiniens. Pour M. Krinis, 57 ans, ce gouvernement « extrémiste » soutient clairement les colons qui ont « les mains libres pour faire ce qu'ils veulent », sans subir de conséquences.

Le bureau des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a recensé 1.096 attaques de colons entre le 7 octobre et le 31 mars, soit six incidents par jour en moyenne, contre trois avant le 7 octobre et deux en 2022. Depuis l'attaque sans précédent menée le 7 octobre par le Hamas sur le territoire israélien, 491 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie par l'armée ou des colons, selon le ministère palestinien de la Santé. Dix-neuf Israéliens ont été tués dans des violences en Cisjordanie et en Israël depuis cette date.

Ehud Krinis est venu avec Irene Bleier Lewenhoff, 73 ans, apporter un peu de nourriture à M. Makhamreh et sa famille. « Nous sommes une goutte d'eau dans un océan grand comme le Pacifique », soupire cette infirmière à la retraite. Depuis le 7 octobre, elle dit se sentir « très, très seule » au sein de la société israélienne, elle qui milite pourtant depuis 50 ans contre l'occupation de la Cisjordanie. « Je sais que » certains Israéliens « me voient comme un traître, ayant trahi l'idéal sioniste », affirme de son côté M. Shani.

« Impunité »

Massafer Yatta, terre brûlée par le soleil, a été déclarée zone militaire par Israël qui occupe la Cisjordanie depuis 1967. Après une longue bataille judiciaire, la Cour suprême a donné raison en mai 2022 à l'armée israélienne, dans une décision indiquant que huit villages étaient sur un champ de tir depuis 1980, ouvrant la voie à l'expulsion des habitants. Ces derniers affirment que leurs ancêtres étaient là dès le XIXe siècle. Ehud Krinis affirme que l'armée laisse les colons s'installer illégalement dans les collines de Massafer Yatta, « une façon indirecte » d'en expulser les Palestiniens. Palestiniens de Cisjordanie comme militants israéliens s'insurgent contre « l'impunité » dont bénéficient les colons.

Dans le village d'Al-Touwani, au sud de Hébron, Zacharia al-Adra en a été victime le 13 octobre. Ce vendredi-là, un colon lui a tiré dessus à bout portant alors qu'il sortait de la mosquée après la prière hebdomadaire, a raconté ce Palestinien de 29 ans à l'AFP.

Six mois et plus de dix opérations plus tard, il ne peut plus travailler et faire vivre sa femme et ses quatre enfants, parmi lesquels des jumeaux de 10 mois. Son agresseur, lui, n'a jamais été inquiété, affirme Ehud Krinis. Les soldats présents « ont tout vu » mais n'ont rien fait pour s'interposer, dénonce Choq al-Adra, son épouse de 24 ans. Pour le couple, les visites hebdomadaires d'Ehud et d'Irene sont une bouffée d'oxygène et un précieux soutien moral. Depuis le 7 octobre, « la situation a beaucoup changé, c'est difficile et dangereux, toute la colonie (voisine, de Ma'on) est armée », confie Choq al-Adra.

Sur son tee-shirt, Eyal Shani, militant israélien de 56 ans ,a accroché une petite caméra: elle lui sert à filmer les violences commises par des colons israéliens sur des bergers palestiniens dans la région de Massafer Yatta, au sud de Hébron, en Cisjordanie occupée.« Nous sommes le dernier rempart » entre les Palestiniens de cette région désertique, la plupart...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut