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Culture - Danse

Une petite nuit libanaise ce samedi à Bipod

L’usine Abroyan (Union Marks) accueille la troupe du Beirut Physical Lab et un solo de Dalia Khalifé ce 20 avril à partir de 19h. 

Une petite nuit libanaise ce samedi à Bipod

Andrea Fahed et Samer Zaher évoluent sur une chorégraphie de Bassam Abou Diab et la musique électronique live d’Andy Khouloussy. Photo Beirut Physical Lab

Fondé en novembre 2021, Beirut Physical Lab est un laboratoire avant-gardiste dédié à la promotion d’une approche novatrice de la danse et du théâtre physique au Liban. Son fondateur Bassam Abou Diab et sa cofondatrice Andrea Fahed, également danseuse, ambitionnent de bousculer la danse contemporaine en y intégrant les riches héritages de la culture libanaise et arabe et en explorant la structure du mouvement à sa racine.

Ce « laboratoire », qui aspire à catalyser la créativité des artistes locaux et internationaux, à favoriser les échanges interculturels et les collaborations internationales, s’est fixé pour mission d’ébranler les codes de la danse au Liban en rejetant les normes conventionnelles de l’apparence des danseurs. Partir à la découverte de son corps, le célébrer, décortiquer la vie quotidienne et sonder de nouveaux territoires pour faire valoir l’expression corporelle, tels que les espaces publics, les musées et les centres artistiques sont quelques-uns de ses objectifs.

En parallèle de son engagement à professionnaliser la danse et à créer des partenariats internationaux, Beirut Physical Lab vise à sensibiliser le public à l’importance de l’art et de la danse contemporaine. Et ce malgré les défis financiers et logistiques, qui n’ont fait que s’accroître avec la crise.

C’est un 6e spectacle issu de cette démarche intitulé Tanween (de la grammaire arabe qui suppose que deux mots s’accordent pour être plus clairs) qui est présenté dans le cadre de la 20e édition de Bipod le samedi 20 avril à 19h30 aux usines Abroyan. Sur scène, deux danseurs, Andrea Fahed et Samer Zaher, évoluent sur une chorégraphie de Bassam Abou Diab et la musique électronique live d’Andy Khouloussy.

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« Dans ce spectacle, nous tentons de cerner les rapports entre les gens et comment ils affectent les corps parfois de manière étrange, sans distance claire entre eux parce qu’ils sont dans une situation qu’ils subissent, qui fait écho aux déséquilibres démographiques qui sont le résultat de conflits et de guerres », explique le chorégraphe Bassam Abou Diab. « C’est tout aussi compliqué de quitter cet espace que de l’habiter, une dualité qui nous pousse à camoufler nos véritables sentiments à l’égard de l’autre, et c’est ce qui rend nos relations chaotiques », poursuit-il. « Des relations truffées d’émotions mais aussi de violence sans aucune logique», précise celui qui, pour illustrer ce contraste, a conçu une chorégraphie montrant comment le corps se met en mouvement jusqu’à devenir inintelligible, ses actions et réactions perdant tout sens de l’orientation et de l’intention initiale puisque l’ordre que reçoit le cerveau pour mettre en branle le mouvement devient confus.

L’artiste ajoute que, partant de ce principe, le mouvement devient chaotique : « Dans mon travail, j’essaie de transformer le langage quotidien de nos corps en chorégraphie, je ne recours pas tellement à une technique de danse précise mais plutôt à notre quotidien. » Pour Andrea Fahed, dont c’est la première participation à Bipod, ces mouvements de tous les jours permettent une exploration qualitative du mouvement. « Le corps est un vecteur de communication qui raconte nos histoires, transmet un message et permet d’échanger entre nos deux personnages, souligne-t-elle. Le concept pour moi ressemble beaucoup à Beyrouth et à cette relation d’amour/haine que suscite la ville (...) Dans un tout petit pays où l’ordre est absent, on est obligé de s’inventer des lois, des moyens de vivre ensemble pour survivre, d’où les mouvements discordants. » Mais pour Andrea, c’est surtout l’atmosphère qui règne plus que le mouvement lui-même et les échanges sur scène qui traduit cette dualité et qui engendre tout de même des moments harmonieux. « Créer dans ces conditions très compliquées en mettant de côté la réalité reste une opportunité magnifique qui permet de revivre », confie-t-elle.

Dalia Khalifé et son avatar dans « I Woke Up a Sweaty Human ». Photo DR

Au-delà de ces efforts, Beirut Physical Lab s’investit dans la formation et le développement des talents émergents en organisant des ateliers et des laboratoires intensifs de danse. Ces programmes visent à édifier une nouvelle génération d’artistes engagés, prêts à redéfinir le paysage artistique libanais en partageant leur passion avec le public et en collaborant avec des artistes internationaux. En 2020, Bassam initie le programme « Free Spaces », une invitation gratuite à pratiquer la danse contemporaine, et c’est alors qu’il repère Dalia Khalifé, détentrice d’un diplôme en architecture d’intérieur et beaux-arts qui a toujours voulu réduire la distance entre ces deux disciplines. Dalia s’inscrit alors à un master de scénographie aux Pays-Bas où elle découvre le mouvement. Et de résidence d’artistes en Corée, à Bruxelles, à Ashkal Alwan à Beyrouth, Dalia se découvre une âme d’artiste pluridisciplinaire. Son spectacle de samedi, qui planche sur la « perspiration politique », a été pensé il y a un an.

Et une fois de plus, c’est Beyrouth et ses affres qui en sont la muse : panne d’électricité, vélo à travers la ville, sudation excessive en pleine chaleur et lourdeur la renvoient à une sorte de nouveau climat en rapport avec l’effondrement total. L’ONG Mophradat en Belgique lui accorde une bourse et, avec son partenaire Mark Hamilton qui travaille sur un projet de capteurs de mouvement, et un technicien du son en Jordanie, ils créent l’avatar de Dalia qui bouge et suinte avec elle sur scène pour son spectacle I Woke Up a Sweaty Human (« Je me suis réveillée en sueur »), qui soulève des questions sur les frontières et l’espace liminal entre la forme humaine et sa simulation, tisse un langage chorégraphique à partir d’archives corporelles et contemple la façon dont le corps encapsule l’intensité d’expériences telles que l’extase, l’abjection, l’exaltation et le chagrin. « Cette transpiration politique, c’est un genre de parallèle avec une violence presque animale et viscérale au Liban qui contraste avec les mouvements issus du yoga. En fait, on sue pour survivre, et parfois on a le luxe de transpirer », explique Dalia. La performance, une commande de la galerie Nika à Dubaï, qui dure 25 minutes, joue sur cette rupture entre les deux aspects du phénomène et se termine par un texte que l’artiste a rédigé sur le sujet.

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Également au programme de ce samedi 20 avril, toujours dans le cadre du festival Bipod, ne pas rater la performance de Omar Rajeh Dance Is Not For Us (« La danse, ce n’est pas pour nous ») à 20h 30. Spectacle qui sera suivi à 21h30 d’un grand « dance jam » (improvisation dansée) par plusieurs artistes locaux et internationaux. Clôture de la soirée, cerise sur le gâteau, par Khansa qui propose un spectacle de danse orientale à 23h et un atelier de danse orientale « baladi » le dimanche 21 à 15h. 

I Woke Up a Sweaty Human, samedi 20 avril à 19h.

Tanween, samedi 20 avril à 19h30.

Dance Is Not For Us à 20h30.

Dance Jam à 21h30.

Khansa à 23h. 

Abroyan/Union Marks.

Les billets en vente chez Antoine permettent l’accès aux 2 spectacles en même temps. Le festival de danse contemporaine Bipod se poursuit jusqu’au 21 avril. Programme ici

Fondé en novembre 2021, Beirut Physical Lab est un laboratoire avant-gardiste dédié à la promotion d’une approche novatrice de la danse et du théâtre physique au Liban. Son fondateur Bassam Abou Diab et sa cofondatrice Andrea Fahed, également danseuse, ambitionnent de bousculer la danse contemporaine en y intégrant les riches héritages de la culture libanaise et arabe et en explorant...

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