Bien que le Liban ait « progressé » en ce qui concerne les réformes économiques exigées par le Fonds monétaire international (FMI) dans l’accord préliminaire (Staff-Level Agreement ou SLA) signé en avril 2022, il n'est toujours pas près de remplir sa part du contrat pour se voir débloquer les fonds prévus, a déclaré mardi à L'Orient Today le responsable en charge des négociations.
Ces progrès limités « ne sont pas suffisants pour satisfaire toutes les actions préalables exigées par le FMI », a déclaré le vice-Premier ministre sortant Saadé Chami, chargé des négociations entre le Liban et le FMI. Et d’ajouter : « Avec un vide présidentiel, un gouvernement sortant et la réticence du Parlement à légiférer, je ne m'attends pas à ce que les mesures restantes soient mises en œuvre dans les prochaines semaines. »
Deux ans se sont écoulés depuis que le Liban a conclu cet accord qui permettrait au gouvernement de débloquer une aide de 3 milliards de dollars répartis sur quatre ans, à condition que le pays entreprenne une série de réformes fiscales, financières et monétaires définies par l'institution internationale.
Si l'Égypte voisine, elle-même en pleine crise économique, a pu accéder à 820 millions de dollars en mars dernier auprès du FMI, sur une enveloppe totale portant sur 8 milliards de dollars, le Liban n'a guère progressé dans les réformes qu'il doit mettre en œuvre. En l'absence de consensus politique et d'initiative pour entreprendre les réformes économiques et politiques nécessaires, le pays traverse sa cinquième année de la pire crise économique qu'il ait connue, poussant plus de la moitié de la population sous le seuil de pauvreté.
Bien qu'il n'y ait pas de date limite pour la mise en œuvre des réformes exigées par le FMI, « il est probable que nous mettrons un certain temps avant de répondre à toutes les exigences pour débloquer l'accord final avec le FMI », a précisé Saadé Chami à L'Orient Today. S’il estime que le Liban a progressé lentement en 2023, il souligne que le pays est désormais à la traîne.
Dans un rapport publié l'année dernière, le think tank libanais The Policy Initiative notait que « les élites dirigeantes avaient effectivement saboté le processus de négociation avec le FMI ». Saadé Chami présente, lui, une position plus nuancée. Les hommes politiques n'expriment peut-être pas ouvertement leur opposition à l'accord, mais il semble qu'« ils veulent obtenir l'accord sans appliquer les conditions », a-t-il déclaré, ajoutant que « cela ne fonctionne pas de la sorte ». « Les intérêts personnels de certains politiciens, banquiers et organisations économiques au Liban compliquent les choses et retardent encore plus les progrès », a-t-il ajouté.
Absence de réformes majeures
De nombreuses actions préalables ou réformes n'ont pas encore été mises en œuvre ou ont été modifiées d'une manière qui ne répond pas aux exigences du FMI (comme la loi sur le secret bancaire). Selon Saadé Chami, la loi sur la restructuration des banques et celle portant sur la répartition des pertes financières ont été proposées au Parlement à la fin de l'année 2022, mais les réunions de la commission des Finances et du Budget se sont arrêtées en mars 2023. « Nous avons saisi cette opportunité pour amender et mettre à jour les deux lois, et une combinaison des deux projets a été envoyée au Conseil des ministres mais n'a toujours pas été discutée. » Cette loi est nécessaire pour réhabiliter le secteur bancaire et donner le coup d'envoi au processus de rétablissement du secteur financier.
Le Parlement n'a pas non plus réussi à faire appliquer un contrôle formel des capitaux. Quant au taux de change, il a été en grande partie unifié (et il est relativement stable depuis des mois, oscillant autour de 89 500 LL pour un dollar), a-t-il noté. Ce taux est devenu de facto la norme appliquée pour de nombreux frais et taxes dans le budget de l'État de 2024, ainsi que pour les bilans des banques libanaises. Cependant, cette parité n'a toujours pas été appliquée aux dépôts.
D’un autre côté, le vice-Premier ministre sortant a affirmé que certaines actions n'étaient pas du ressort du gouvernement libanais. L'échec de l'évaluation de la situation des 14 plus grandes banques du pays n'est pas dû à l'immobilisme de la classe dirigeante, mais plutôt au fait que la « réputation » du Liban a rendu les entreprises internationales réticentes à se lancer dans un tel exercice. « Les quatre plus grands cabinets d'audit du monde ont été contactés, mais la plupart d'entre eux ne veulent rien avoir à faire avec le Liban. Cela nous pousse à chercher d'autres solutions, et tout cela prend beaucoup de temps », a-t-il déclaré.
Interrogé sur le fait de savoir si le Liban a toujours besoin de l'argent du FMI, deux ans plus tard, Saadé Chami affirme que « nous en avons probablement plus besoin qu'avant ». En parallèle, il met en garde contre les coûts élevés et les mesures douloureuses associés à l'absence d'accord avec le FMI : « Les mesures prévues par l'accord préliminaire sont bénéfiques pour le pays et nous devrions les appliquer, que nous ayons accès ou non au programme du FMI. »
Si le prêt de 3 milliards de dollars prévu dans le cadre de l’accord avec le FMI n'est peut-être pas un montant considérable compte tenu du déficit du Liban, il servira aussi de « sceau d'approbation » qui permettrait au pays d’obtenir davantage d'aide de la part des donateurs internationaux, qui ne seraient autrement pas disposés à fournir un financement si le Liban n'adhérait pas au programme du FMI.
Avec un gouvernement tel que celui auquel vous appartenez, le FMI n’accordera pas un centime. Il faut que toute la canaille des dirigeants politiques des 30 dernières années dégagent après avoir remboursé les 40 milliards de dollars volés pour penser à obtenir une quelconque aide
22 h 14, le 11 avril 2024