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Démissionnaire jusquà la moelle

Il a sacrément raison, le président de Chypre, de s’effarer du flux de migrants syriens en provenance du Liban. M. Christodoulides, qui est attendu lundi à Beyrouth, verse toutefois dans l’outrance quand il accuse notre pays de lui exporter son cauchemar migratoire.


Car s’il est certain que les Libanais se sont acquis, tout au long de l’histoire, une réputation de négociants hors pair, de champions de l’import-export, ils n’ont jamais fait commerce de ce pain-là, à l’exception de ces vils trafiquants qui sévissent partout, au départ comme à l’arrivée. Pas plus que le Liban n’a invité chez lui les migrants, il n’œuvre à les réexpédier ailleurs que dans leur propre pays. Plutôt donc que de lui réserver le gros de ses récriminations, Chypre, pays membre de l’Union européenne, aurait tout intérêt à se faire le premier avocat de notre pays auprès d’une communauté internationale insensible à l’extrême urgence de la situation. Car chaque jour qui passe, chaque naissance célébrée dans les villages des tentes, ne font que plomber un peu plus la délicate texture sociodémographique d’un Liban déjà en proie à toute une cascade de crises.


Ne serait-ce qu’en apparence, il a raison lui aussi, le chef du gouvernement démissionnaire libanais, quand il se propose de décréter le Liban-Sud zone agricole sinistrée. Et même deux fois plutôt qu’une, serait-on tenté de renchérir, car aux centaines d’hectares de cultures carbonisés par les bombes au phosphore israéliennes s’ajoute cette autre culture, non moins vitale, que dispensaient les écoles désormais détruites ou prudemment mises en panne. Mais que dire surtout des morts d’innocents civils et de l’exode d’une partie notable de la population locale, ce qui est tout de même bien plus catastrophique que les récoltes d’agrumes et de légumes réduites en cendres ? Et pourquoi ce ridicule black-out officiel sur le fait que le sinistre ne résulte guère de quelque cataclysme naturel, mais d’une guerre que le peuple libanais n’a jamais voulue ; une guerre à laquelle s’est résigné l’État avec autant de veulerie que de fatalisme ; une guerre dont cet État n’est même pas partie prenante, sauf pour mendier au dehors de quoi en réparer les inévitables dégâts.


C’est bien ce recours à la générosité de l’étranger qui choque le plus dans les préoccupations subitement agricoles de nos dirigeants, alors que le feu menace non plus seulement les champs mais la maison. Pour nous dire de quoi demain sera fait et sur quels atouts diplomatiques ou autres peut encore miser le Liban, nos dirigeants ont déserté la tribune. Il n’y reste plus d’autre oracle que le chantre d’une guerre qui n’a de surréel hélas que ses tenants et aboutissants.


Jamais, en vérité, gouvernement démissionnaire n’aura assumé avec autant d’application et sur une gamme aussi étendue de dossiers… sa démission.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Il a sacrément raison, le président de Chypre, de s’effarer du flux de migrants syriens en provenance du Liban. M. Christodoulides, qui est attendu lundi à Beyrouth, verse toutefois dans l’outrance quand il accuse notre pays de lui exporter son cauchemar migratoire.Car s’il est certain que les Libanais se sont acquis, tout au long de l’histoire, une réputation de négociants hors...