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Le vertige de l’adultère selon Gabriel García Márquez

Le vertige de l’adultère selon Gabriel García Márquez

D.R.

Lauréat du Prix Nobel de littérature en 1981, Gabriel García Márquez a connu un succès international avec Cent ans de solitude, Chronique d’une mort annoncée ou encore L’Amour aux temps du choléra. Dix ans après sa mort, sa famille a exhumé un manuscrit inédit de l’écrivain colombien, Nous nous verrons en août, qui vient de paraître dans sa version française aux éditions Grasset.

Le 16 août de chaque année, Anna Magdalena Bach fait une longue traversée pour aller déposer un bouquet de glaïeuls sur la tombe de sa mère et passer une nuit sur l’île tropicale où celle-ci repose. Elle a « quarante-six ans, dont vingt-six vécus en bons termes avec son mari qu’elle aimait et qui l’aimait, elle s’était unie à lui sans avoir terminé ses études d’arts et de lettres, encore vierge, et sans avoir eu au préalable le moindre amoureux ». Mais voilà : dans le bar de l’hôtel où elle séjourne, elle rencontre un homme qui l’envoûte. Elle succombe aussitôt à son charme, « portée par une frayeur délicieuse qu’elle n’avait plus éprouvée depuis sa nuit de noces », malgré « les scrupules qui troublaient sa conscience ».

Encore sous le choc de cette « coucherie sans amour », humiliée par le fait que son amant d’un soir lui ait laissé un billet de vingt dollars, elle éprouve l’impression qu’elle « porte au front un stigmate qui ne pourrait passer inaperçu à son mari qui l’aimait tant et qu’elle aimait plus que tout autre » et sent qu’elle ne sera plus jamais la même : « Elle se sentit changée : autre et audacieuse. »

L’année suivante, à l’occasion de son pèlerinage traditionnel, Anna Magdalena récidive avec un autre « amour d’une nuit ». Sa relation avec son mari s’en trouve bientôt affectée. « Toi, tu mijotes quelque chose », lui dit- il. Le soupçon s’insinue dans le couple… Tiraillée entre libération et culpabilité, elle pleure « son malheur d’être une femme dans un monde d’hommes »…

Malgré quelques imperfections sans doute dues à l’âge avancé de l’auteur au moment de l’écriture de ce texte, et en dépit d’une traduction parfois approximative (« affaire » en français ne signifie pas « aventure amoureuse » comme en espagnol ou en anglais, et la phrase « n’avait jamais poussé plus loin de tout sa vie » n’est cohérente que s’il s’agit de « pousser ses études plus loin »…), ce bref roman ne manque pas d’intérêt. Ce destin d’une femme qui surmonte ses préjugés pour succomber au plaisir ou à la passion n’est pas sans rappeler Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, la célèbre nouvelle de Stefan Zweig, où Mme Henriette, qui séjourne dans une pension de famille « comme il faut » sur la Côte d’Azur, part sur un coup de tête avec un jeune homme de passage…

On peut certes se poser la question de la nécessité de publier à titre posthume une œuvre inaboutie – un peu comme Le Premier Homme d’Albert Camus dont le manuscrit fut retrouvé dans sa sacoche lors de l’accident de voiture qui lui coûta la vie. N’est-ce pas faire injure à la mémoire de l’auteur ? N’est-ce pas trahir sa volonté ? En refermant Nous nous verrons en août, ces réserves sont tempérées par le plaisir teinté de nostalgie que l’on ressent en retrouvant le style imagé, la fine analyse psychologique des personnages et l’univers envoûtant d’un écrivain majeur de notre temps dont le départ a laissé un grand vide.

Nous nous verrons en août (En Agosto nos vemos) de Gabriel García Márquez, Grasset, 2024, 138 p.

Lauréat du Prix Nobel de littérature en 1981, Gabriel García Márquez a connu un succès international avec Cent ans de solitude, Chronique d’une mort annoncée ou encore L’Amour aux temps du choléra. Dix ans après sa mort, sa famille a exhumé un manuscrit inédit de l’écrivain colombien, Nous nous verrons en août, qui vient de paraître dans sa version française aux éditions...

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